Google
Publications | Forums | Annonces classées |Rencontrer ou correspondre | Annuaire |Médias |
Le Blog
Interview du Webmestre sur France3
 A propos de l'arabisation et de l'emprunt.
Auteur: Amirouche 
Date:   2001-06-29 13:45:31

Bonjour,

Excuser-moi si je réponds avec beaucoup de retard à al-djazaïri et Ullial à propos de l’arabisation et de l’emprunt.

Ainsi vous m’aviez interpellé sur les statistiques remises et complétées infra.


« « Ce consul parle-t-il des "Arabes" ou des "Maures"? » »

Je crois avoir relevé telle quelle l'expression. Mais vous pourriez avoir raison. Il existe une telle confusion entre Maures, arabes, berbères, bédouins, andalous, voire kabyle. Mais il est certain que le recule du berbère soit attesté depuis longtemps. La preuve en est ces isolats dont j'ai souvent parlé qui s'érodent in vivo. Ceci personne ne peut le nier. Mais on a vu aussi flux et reflux de la langue berbère à travers l’histoire. La menace est devenue perceptible depuis l'avènement de l'Etat-nation, la colonisation, la prééminence du scripturaire et le bon fabuleux des télécommunications.

En ce qui me concerne, j’ai vécu 30 ans en Algérie (formation, enseignement, service militaire + mobilisation, activités culturelles et “politiques ’’ en Oranie) et je peux vous assurer que j’ai rencontré, contrairement à vous, des Kabyles (pas en Kabylie), des Chaoui et surtout des berbères de l’Ouest confondre le berbère à l’arabe, comme un parler, une variante de l’arabe classique. D’ailleurs beaucoup d’arabophones croient parler l’arabe littéraire avant leur confrontation à l’école. Je ne vous dirais pas que les enseignants étrangers (orientaux)distillaient la même remarque à propos du berbère comme étant un dialecte issu de l’arabe. Je ne vais pas y aller de mes anecdotes.

« Qu'entendaient-elles par "arabe", c'est elles qui le savent pas moi. » Vous n’avez aucune hypothèse à émettre ??? Vous nous aviez habitué à mieux. Pourtant c’est dans cette partie-là, plus fine et donc plus intéressante qu’il faudrait creuser afin de rendre lisible se qui se joue dans l’inconscient des gens. C’est un travail qui se situe au carrefour de plusieurs disciplines.

« « De toute manière l'ampleur de cette place et les modalités doivent en être définies par le débat démocratique et non à partir de l'à priori que l'Algérie est "Amazigh" (ce qui est au moins aussi ridicule que dire que toute l'Algérie est arabe). » »
Là, je ne pourrais vous suivre. L’amazighité est le socle de la culture algérienne. C’est dans ce contenant que sont venus se déverser les autres apports. Beaucoup de spécialistes, si ce n’est la majorité, considèrent que la population de l’Afrique du Nord est dans sont écrasante majorité berbère plus ou moins arabisées. Maintenant que certains Algériens se considèrent comme étant arabes, le problème ne se pose pas et ne s’est pas posé. L’Etat algérien ne s’est jamais défini exclusivement berbère. N’inversons pas le problème !!!!

« « Quant à l'arabisation la plus "criarde" qu'est-ce-que c'est que ça? Une foule d'emprunts à la langue arabe? C'est le cas du persan avec près de 50 % du vocabulaire dans ce cas. Diriez vous qu'un persanophone est arabisé de façon criarde? » »

Gardez votre calme ! Un emprunt est valable quand l’équivalent n’existe pas dans la langue première. Or, il se trouve que chez les Chaouis (le phénomène est très perceptible chez les Kabyles des grandes villes arabophones) ce phénomène est manifeste. Je me souviens qu’au lendemain des premières informations télévisées en berbère (parler chaoui), le proviseur de mon lycée est venu me voir pour se moquer (car ignorant les différences entre le parler chaoui et kabyle) en faignant parler en berbère mais juste en mettant un accent et une conjugaison approximative berbère, mais en réalité parlant l’arabe. Ceci pour me signifier l’indigence de ma langue. Je ne m’étalerai pas sur l’arabisation forcée de l’onomastique berbère (Aït Yanni devenu Beni Yanni, assif en oued, In amenas en Aïn Oum Ennes, etc, etc) Même la JSK n’a pas échappé au travestissement.

En parlant de l’arabisation des chaouis et du parler, je visais deux mécanismes. Un Chaoui (ou autre) arabisé, c’est quelqu’un qui a perdu sa langue ancestrale. Quand à l’arabisation du parler lui-même, ce sont des emprunts massifs à l’arabe plus qu’ailleurs, beaucoup moins que chez les Touareg.

D’après une petite simulation le pourcentage d’emprunt pour le kabyle est de 38%, chleuh 25%, touareg 5%.

L’influence de l’arabe se porte sur des domaines bien précis :

- La vie spirituelle et religieuse.

- Les activités économiques (d’où l’arabisation précoce des nombres en kabyle hormis 1 et 2)

- Les activités intellectuelles (savoirs formalisés, scripturaire)

Cependant il est curieux de constater que le kabyle des années 50/60 était beaucoup plus arabisé que celui des années 70 jusqu’à nos jours. Il suffirait d’écouter les chansons révolutionnaires, patriotiques, de l’époque pour constater ce phénomène. Depuis, le recours à la néologie n’explique pas tout. Il s’agit d’un saut qualitatif appréciable. J’attends votre réaction sur ce constat.

La caricature du persan arabisé ne colle certainement pas aux faits que j’ai exposés. Par ailleurs, je doute fort bien du pourcentage (près de 50% du vocabulaire en arabe)que vous avancez à propos de cette langue. Même le kabyle qui reste une langue pour l’essentiel oral n’a pas atteint ce pourcentage de défection. Mais si c’est que pour la caricature, je prends. J’adore Dilem.

Je vous cite encore « « Quant des manifestants crient quelque chose comme "tamazight da lakul", n'est-ce-pas une francisation criarde? Qu'est-ce-que c'est que "lakul"? Du berbère? du Kabyle? de l'arabe dialectal? du patois français? » »

Le terme « lakul » est un emprunt pour le kabyle quoique existant dans les autres parlers. Cela dit, ce slogan a le mérite de faire parler certains arabophone en kabyle !!!! yak a khouya !!!

Enfin, aucune langue ne peut se targuer d’être pure. L’emprunt est imposé par l’usage (la rue, les médias) ou l’Ecole.

Afin de répondre à Ullial à propos de l’arabisation. J’ajouterai en plus de ce qu’a développé notre frère al-djazaïri d’autres points essentiels en plus des statistiques complétées :


Le premier recensement de l’Algérie coloniale effectué en 1865 en pleine politique du « Royaume arabe » dénombre « 978 179 Kabyle, 209 515 Berbères et 1 131 599 arabe. Pour les besoins de la cause du « Royaume arabe » on distingue les Kabyles des berbères. (cf. A. Ouerdane, 1990). Un autre témoignage venant de W. B. Hodgson, ancien consul américain de Tunis, qui explique que les arabes d’Algérie constituent la partie la plus intellectuelle mais aussi la moins nombreuse de la population. (cf. Cahier d’Etudes Africaines n° 129, p. 34.)
Quant au recensement (1966) de l’algérien indépendante, il est révélé 17,8% de berbères. Ce chiffre est certainement très en dessous de la réalité. Les conditions techniques de ce recensement et l’ambiance idéologique exécrables jouaient incontestablement en défaveur du berbère. En tous les cas, c’était le dernier recensement où on parlait de la composante berbérophone.

Le colonialisme :

La destruction de la tribu et surtout de la confédération (déportation, confiscation des terres, manipulation de l’histoire et falsification de l’onomastique). C’est le socle même de la résistance à l’étranger agresseur sous toutes ses formes. Destruction de la culture, ses sages référents, ses cheikhs, ses zaouia et tout le tissage soio-économique qui le sous-tend.

Un exemple :
La coupure géolinguistique entre le bloc kabyle et la zone chouia est relativement récente. Il y a moins de deux siècles, la continuité linguistique (et communicationnelle) entre les deux régions était encore assurée. Si l’on regarde la première cartographie de la berbérophonie (Hannoteau 1860), il apparaît que le continuum linguistique existait encore en milieu du XIX siècle par une étroite bande berbérophone reliant la Kabylie au Aures à travers le Sitifois.

Apparentement des deux langues :
Bien avant l’introduction de la langue arabe par l’islamisation de la Berbérie, des mots étaient courants via le punique (langue sémitique proche du berbère). Ce qui n’était pas le cas pour les autres langues comme le kurde, le turc, le persan (indo-européen), etc. Des mots en berbère (kabyle du moins) peuvent signifier le contraire dans la langue arabe. Sachant que cette dernier possède des dizaines de mots qui expriment une chose et son contraire. Sachons aussi que la langue arabe est elle-même une mosaïque de parlers arabiques et d’ailleurs (persan, indou, berbère, etc.) C’est le Coran qui a unifié, standardiser cette langue ainsi que l’esprit de l’Islam comme religion transcendant les appartenances ethniques sans les effacer. Pendant longtemps l’arabité n’exprimait qu’une appartenance linguistique et non ethnique. Schématiquement depuis l’avènement du concept Etat-nation (une vraie camisole pour nos intellectuels actuellement)et la fameuse nahda el-arabia calquée sur le modèle d’organisation et de gestion occidental que l’arabité s’ethnicise. Michel Aflaq, comme l’a signalé très justement al-djazaïri, théorise cette conception, aidé en cela par l’Angleterre en butte contre les Ottomans. En fait l’arabisme est plus une stratégie qu’une idéologie. J’ai déjà évoqué cet aspect-là précédemment. C’est ainsi que par l’entremise de Messali, qui avait rencontré Chaqib Arslan en Suisse, que cette doctrine est arrivée chez nous avec en prime un islamisme tendent vers l’unicité, clos et idéologique.
Les animateurs du PPA-MTLD face à MESSALI, ( pour répondre en passant au “Sage’’ qui fustigeait les Kabyles) prônaient l’idée d’une Algérie algérienne. C’était bien une conception kabyle avant l’heure de l’Etat algérien. Ceci a été confirmé lors du Congrès de la Soumam.

C’était la Fédération de France du parti PPA-MTLD ( transfuge de l’ENA, 1949) qui avait ouvert le débat sur l’identité des Algériens, car à un moment donné Messali avait lancé un appel aux Nations Unies dans lequel l’Algérie n’apparaît qu’après la conquête arabe (musulmane) et soutenait que l ‘Algérie faisait « Partie intégrante du monde arabe d’Occident connu sous le nom du Maghreb arabe. »

La réponse de la Fédération de France ne s’était pas fait attendre. Le responsable du journal l’Etoile algérienne écrivit :

« L’Algérie n’est pas arabe, mais algérienne. Il faut former une union de tous les Algériens musulmans qui veulent lutter pour la libération nationale, sans distinguer entre Arabe et Berbère. (…) Nous dépassons résolument la question raciale. (…) Nous lisons depuis un certain temps dans les journaux, et certains leaders l’ont dit, que l’Algérie est arabe. Non seulement ces propos sont faux, mais l’idée qu’ils expriment est clairement raciste, voire impérialiste. »

Préconisant l’égalité des langues et des cultures berbère et arabe, une motion est votée. « Sur 32 membres du Comité fédéral, 28 rejettent toute idée d’une Algérie arabe et musulmane et se prononce pour la thèse de l’Algérie algérienne. »

A partir de là, la crise qui couvait éclata et la chasse aux sorcières commença. La plupart de ces militants allait se faire livrer aux forces répressives coloniales. Ces militants prônaient clandestinement la lutte armée contre le colonialisme français. La délation n’épargnait plus personne. Toute la panoplie utilisée par les services psychologiques militaires (diviser pour régner) fut récupérée par la direction du Parti. Ce qui en somme arrangea tout le monde, et la police française et les arabistes du Parti.

Autres éléments de l'arabisation :

L’afflux des Andalous chassés d’Espagne au XV siècle .

L’arrivée de petits groupes d’arabes comme les bédouins hilaliens, banou maiqil et Banou Soulaim au XI e siècle.

Ressemblance des modes de vie facilite la confusion. Il était tentant pour les nomades berbères de se dire aussi arabe et d’y gagner la considération et le statut de conquérant ; voire de cherif, c’est-à-dire descendant du prophète (l’exemple de la monarchie marocaine et quelques marabouts dont on a déjà parlé ensemble)

Ar tufat

 Sujet Auteur  Date
 A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
Amirouche 2001-06-29 13:45:31 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
Ullial 2001-06-29 14:45:35 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
karim 2001-06-29 15:55:56 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
Ullial 2001-06-29 16:04:15 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
karim 2001-06-30 10:02:36 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
al djazaïri 2001-06-30 10:34:56 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
karim 2001-06-30 10:53:24 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
karim 2001-06-30 10:49:39 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
al djazaïri 2001-06-30 19:13:36 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
karim 2001-07-02 12:20:24 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
al djazaïri 2001-07-02 13:30:01 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
al djazaïri 2001-06-29 15:40:27 
 Re: A propos de l'arabisation et de l'emprunt.  nouveau
Fadila 2001-06-29 17:04:54 
 Re: lakul  nouveau
al djazaïri 2001-06-30 06:17:36 
 Re: soummam  nouveau
al djazaïri 2001-06-30 06:36:00 

 Répondre à ce message
 Votre Nom:
 Votre Email:
 Sujet:
 Copiez   brichigu  en face:
    

© 1997-2016 Frebend Concept. Tous droits réservés. Envoyez vos commentaires et questions au Webmaster. 15 personnes connectées