Auteur: SID-LAKHDAR Boumediene
Date: 2002-01-08 22:45:40
L’intimidation dont fait l’objet monsieur Bouhadef, ancien secrétaire général du FFS, est atroce et intolérable. Que la vie politique poursuit sa litanie stérile comme si de rien n’était, que des institutions illégitimes continuent d’exister et qu’on nous parle d’élections lorsque dans le même temps un être humain est menacé dans sa chaire et dans sa liberté pour s’être exprimé à travers un militantisme pacifique, il y a là quelque chose de révoltant.
Qui a connu Mustapha Bouhadef ne manquerait pas d’être outragé par les menaces qu’il subit. Comment peut-on être si cruel avec le plus doux des hommes dont la simple présence dans une réunion politique apaisait les esprits et calmait les élans intempestifs de nos débats pour les remettre dans une perspective plus atténuée et plus proportionnée. Et qui plus est, s’en prendre à monsieur Bouhadef est une erreur d’aiguillage manifeste de ces gens qui passent leur temps à menacer, exécuter, manipuler et séquestrer. Car monsieur Bouhadef est sans aucun doute l’incarnation de la conciliation et du militantisme responsable.
Et c’est justement parce qu’il est l’honnêteté pure que je me dois de dissocier aujourd’hui mon jugement sévère envers la calamiteuse participation du FFS dans les institutions, dont monsieur Bouhadef est en partie responsable, avec les vertus d’un homme dont la force tranquille du caractère est indéniable.
Nombreux ont été les articles dans lesquels mon analyse et mes attaques sans complaisance en direction du FFS pour sa participation aux institutions et ils ne laissent aucun doute sur la sérieuse divergence qui existe entre moi-même et mon ancien camarade politique. Mais la cause qui vaut à cet homme de souffrir en ce moment est noble et transcende par conséquent toutes les oppositions. A l’ exception de la stratégie désastreuse que je viens de mentionner rien n’est au fond à renier dans les positions que je partageais, et que je partage encore, avec mon ancien camarade. Il en est ainsi de la légitime cause des berbérophones pour laquelle je me suis engagé, de la revendication démocratique qui fonde notre combat commun et peut-être aussi, malgré tout, de la sérénité du personnage dont j’envie la persistance.
Nous ne pouvons donc rester insensibles aux soucis d’un homme dont la position militante est dictée par ses convictions. Son problème est le nôtre. Que l’on s’en prenne à monsieur Bouhadef est une preuve de notre impuissance à nous mobiliser pour mettre fin définitivement à cette culture de la peur qui, on le sait, est facilitée par l’éternelle compromission ou faiblesse de ceux qui se laissent tenter par la participation institutionnelle.
Mais la solidarité envers ceux qui sont menacés pour leur conviction a une limite, elle s’appelle Said-Saidi. Le cas Bouhadef n’a effectivement rien à avoir avec celui de Said-Saidi qui nous a vilipendé et jeté aux loups lorsque nous avions eu le courage de dénoncer le terrorisme d’Etat et ses retombées à travers des groupuscules que plus personne ne contrôle. Aujourd’hui, Said-Saidi prétend qu’il a été menacé par des fonctionnaires de l’Etat, incroyable ! me disent mes oreilles. Si je comprends bien, lorsque nous l’affirmions nous étions les pires protecteurs des islamistes et lorsque c’est lui qui l’affirme, cela deviendrait une vérité. Aussi, lorsque mon ami Mahiou est tombé sous les balles de la lâcheté, cette vérité que nous disions fut considérée par cet homme comme outrageante.
Said-Saidi veut à son tour, dix ans après, mobiliser les instances internationales, les mêmes qui furent la cause pour monsieur Bouhadef et nous-mêmes d’êtres traités de valets des occidentaux et de vendus aux organisations internationales des droits de l’homme. Voilà qu’il redécouvre les vertus de ces organisations après les avoirs rendus responsables de tous les maux. Si le toupet n’existait pas, il serait réinventé par les nouvelles positions du RCD qui tente avec peine de racheter son passé.
Quant au notre, et donc également à celui de monsieur Bouhadef, puisqu’on commémore ces jours-ci dans la presse les évènements de 1991, qu’on le fouille, qu’on l’analyse et qu’on l’épluche, pas de risque d’y trouver le moindre képi de général dans les vestiges, le moindre mot d’encouragement au pouvoir en place, la moindre présence au gouvernement (tout au moins au nom du parti). C’est pour cela que les démocrates ne peuvent laisser Mustapha Bouhadef seul et doivent tenter de se mobiliser pour faire reculer la peur.
Ce qui me peine est que paradoxalement, c’est le FFS qui rédige piteusement une lettre au Président de la république et aux généraux, une image significative du profond désaccord avec mes anciens camarades. Nous connaissons pourtant tous ces professionnels de l’intimidation et nous savons par qui cette culture de la menace politique a été installée dans ce pays. Nous savons aussi que les responsables de cette culture de l’assassinat politique et de l’intimidation sont aujourd’hui aux plus honorifiques fonctions de l’Etat. Alors pourquoi s’abaisser à rédiger ces lettres humiliantes ?
Viendrait-il au plus censé des hommes l’idée de se plaindre de ses douleurs à son propre bourreau ? C’est hélas le triste spectacle que nous donne une organisation politique qui n’a aujourd’hui, en se fourvoyant dans des institutions condamnables, probablement pas plus d’impact auprès de la population que n’en aurait ma propre indignation dans cette tribune.
Néanmoins cette indignation a au moins la force et le mérite de la sincérité envers le militant honnête et courageux qu’est monsieur Mustapha Bouhadef. Sa meilleure protection est que ces gens sachent qu’il n’est pas seul.
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