Auteur: Hacéne
Date: 2001-07-02 12:36:25
LES GLAIVES DE LA DISCORDE
Alger, 29/06/01 - Cette semaine, dans la presse arabophone d’Alger et de Londres.
Alger, 29/06/01 - Dans une Algérie officiellement encore « sous concorde » seul le mot à forte connotation religieuse de « fitna » (discorde) est venu concurrencer celui de « complot », qui caracole encore au top du hit-parade politique. La discorde est conjuguée à toutes les sauces et ceux qui font mine de la prévenir l’alimentent. Le grand sud est plus souvent propice à la réflexion et à la méditation qu’aux bains de foules. Le président algérien y est allé pour montrer que sa popularité est intacte. Mais, se désole El Khabar, Bouteflika y a inventé la notion du « peuple du Sud », sage et patient, qui serait opposable à un « peuple du Nord » turbulent et impatient.
Le patron du HMS, Mahfoud Nahnah, devait lui annoncer une initiative pour demander à l’armée d’intervenir « en arbitre », mais il y a finalement renoncé. En attendant, il met en garde contre une « deuxième fitna », dans un style venimeux. Évoquant la Kabylie, il s’en est pris aux « partisans de l’Algérie française » qui veulent « évacuer la gendarmerie, la langue arabe, l’islam et construire des bars et des églises à la place des mosquées… le moment est venu de sortir le glaive d’Al-Hadjadj de son fourreau ». El Hadjadj Benyoucef était ce gouverneur de Bagdad, à l'épée impitoyable contre les opposants à la dynastie Omeyyade, au VIIIe siècle. Et l’armée algérienne, au début de l’année passée, a baptisé de ce même nom une grande offensive lancée contre… les maquis islamistes. L’islamiste gouvernemental, lui, a oublié pour l’occasion une notion de base de la charia: si en voulant changer un mal, on risque d’en provoquer un beaucoup plus grand, il faut s’abstenir. Nahnah ne s’abstient pas, tout en évoquant une possible guerre civile, en raison de la « disponibilité » d’armes distribuées dans le cadre de la lutte antiterroriste.
La fitna, encore la fitna. Les symboles morts dans des conditions troubles sont revenus hanter les vivants cette semaine. Une grande manifestation en mémoire du chanteur Matoub Lounes, dont la mère, peu convaincue de la viabilité de la justice algérienne, réclame désormais une commission d’enquête internationale. Le correspondant d’Al-Hayat a « ouvert le dossier Matoub » avec une série d’articles tendant à prouver que le groupe islamiste dirigé par Hassan Hattab a bien assassiné le chanteur et qu’il a réussi à « manipuler » les politiques.
À la veille de l’anniversaire de l’assassinat de Mohamed Boudiaf, son fils Nacer sort de son silence pour menacer de saisir le TPI, arguant du fait que la justice n’a pas tenu compte des dernières révélations de l’épouse du président; lesquelles mettent fortement en doute la "thèse de l’acte isolé". Une thèse à laquelle s’accroche le psychiatre attitré de la justice, le professeur Bachir Ridouh.
Comment l’Algérie en est arrivé là? Dans une série de quatre articles, Al Quds estime que le régime a semé du vent pendant dix ans, avant de semer la tempête ces dernières semaines. Du discours officiel sur la fin des partis, en passant par la schizophrénie des journaux qui sont passés d’une glorification des forces de l’ordre à leur diabolisation, la teneur des articles est féroce. Le recours à des solutions de replâtrage - comme bouter Bouteflika hors du pouvoir – est possible. Mais tant que les détenteurs du pouvoir réel n’admettent pas que la société algérienne a le droit de reprendre sa liberté et ses droits, la crise risque de s’envenimer.
Pour l’heure un semblant de dialogue semble s’amorcer en Kabylie, entre le pouvoir et la coordination des tribus, les arouchs, écrit El Khabar. Le journal semble douter de la capacité de cette organosation à ramener le calme dans la région. L’échec de ces consultations signifierait que le « feu vert » sera donné pour faire entrer les régions qui connaissent des troubles dans une situation « d’exception » ou la « force publique nécessaire sera utilisée pour assurer l’ordre public et protéger les personnes et les biens ».
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