Auteur: Amirouche
Date: 2003-01-28 02:01:41
« Ne remuez pas le couteau dans la plaie ! »
Vous entendre dire que Boudiaf était en résidence et me taire relève de la trahison à l'égard de la mémoire de mon père. Les conditions de sa détention sont très bien décrites dans son livre Où va l'Algérie ? Je vous rappelle seulement qu'il avait perdu 18 kg, pour un homme chétif, malade, avec un seul poumon et une tension artérielle oscillant entre 6,5 et 7,5.
Je vous rappelle aussi qu'après presque cinq mois de détention digne de l'enfer qu'il n'avait même pas enduré dans les prisons du colonialisme, Mohamed Boudiaf avait remis, le 17 novembre 1963, à la presse un communiqué dont je reproduis ici un extrait : « A l'occasion de ma libération après bientôt cinq mois de séquestration, je tiens à déclarer que toutes les accusations infamantes et contradictoires portées à mon encontre pour justifier mon enlèvement du 21 juin relèvent toutes de la plus pure fantaisie. S'il en fallait une preuve, ma libération n'en est-elle pas par elle-même suffisante. »
Le témoignage poignant de feu Ferhat Abbas, dans son livre L'Indépendance confisquée, pourrait mieux étayer la période durant laquelle mon père a été séquestré sous votre dictature. A la page 93 de ce livre, il écrit : « En réalité, les complots dont Ben Bella prétendait se défendre n'existaient que dans son imagination maladive. Sur tout le territoire, sa police personnelle emprisonnait, torturait et tuait, sans crainte et sans scrupule. »
Quant à mon père, dans son cahier journal de détention qui est devenu Où va l'Algérie ?, il se demandait : « Au terme de ce récit qui relate les péripéties d'une séquestration de presque cinq mois, dont quarante-deux jours de grève de la faim, d'une libération aussi insolite que l'enlèvement qui en a été l'origine, n'est-on pas en droit de se demander où va un régime capable de traiter des citoyens de la sorte et surtout où va l'Algérie ? »
Malgré tout ce qu'il a enduré sous votre dictature, le jour où Nezzar et les autres l'ont supplié de revenir « sauver la République », il vous a reçu à la Présidence. Chose qui n'aurait jamais pu se passer si les rôles étaient inversés.
Mais puisque vous m'offrez là l'occasion, je me permets de faire cette confidence à la jeunesse algérienne. Le jour-même où il vous a accordé l'audience, un moudjahid disparu, et qui était de la trempe de Boudiaf, est venu le lui reprocher. Au cours de leur discussion, ce moudjahid demanda à mon père : « Pourquoi Boumediène n'a pas liquidé Ben Bella ? »
Et mon père de lui rétorquer : « Boumediène connaît très bien Ben Bella. Il le déteste au point de ne pas lui offrir l'occasion d'en faire un martyr. Il l'a laissé derrière lui, pour bien prouver au peuple quel genre de personnage il avait écarté du Pouvoir un certain 19 juin. »
Ce qui m'exaspère c'est votre choix pour une télévision étrangère qui ne cache pas ses sentiments envers notre pays alors que, sollicité par la télévision algérienne pour l'émission « Aux origines de Novembre », vous avez refusé de participer. La raison est claire maintenant, car Benjamin Stora nous dit ceci au sujet de la Révolution du 1er Novembre 1954 : « Elle est dirigée de l'intérieur par six hommes : Larbi Ben M'hidi, Didouche Mourad, Rabah Bitat, Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf et Mostefa Ben Boulaïd » (cf. Histoire de la guerre d'Algérie, 1954-1962, La Découverte).
Ce qui m'exaspère aussi c'est que mon père a laissé derrière lui, après cinq mois de séquestration, un livre : Où va l'Algérie ? Alors que vous, vous ne dites rien de vos quinze ans de détention sous Boumediène. Avez-vous encore peur de lui ? Ou bien pensez-vous que le traitement qu'il vous a réservé est mérité ? Ecrivez-nous un livre pour éclairer la jeunesse algérienne avide de connaître l'histoire de son pays. Regardez le peuple algérien, malgré le peu de dignité que lui ont laissé les différents régimes, il n'a pas accepté les propos que vous avez choisis en parlant de Abane Ramdane.
Le défunt colonel Ouamrane dira de lui : « J'ai connu pas mal d'intellectuels, mais Abane était remarquablement intelligent. C'était en outre un homme simple, d'une sincérité absolue. Il n'aimait ni s'habiller ni avoir de l'argent. La seule chose qui lui importait était l'unité nationale. Il était décidé à l'obtenir par tous les moyens. Et c'était cela qui a choqué beaucoup de militants. Il était violent, brutal, radical et expéditif dans ses décisions. Il ne savait pas mettre des gants » (cf. Achour Cheurfi, La Classe politique algérienne, de 1900 à nos jours, Casbah Editions).
Ferhat Abbas aussi dira de lui : « Abane Ramdane a eu le mérite d'organiser rationnellement notre insurrection en lui donnant l'homogénéité, la coordination et les assises populaires qui étaient nécessaires et qui ont assuré la victoire. » (cf. L'Indépendance confisquée, Flammarion, page 188).
En 1957, quand Abane Ramdane a été assassiné, la Révolution avait perdu en lui un homme, un de ses plus brillants organisateurs. Mais quand en 2002, quarante ans après l'indépendance confisquée, le premier Président de l'Algérie le qualifie de traître, c'est toute la Révolution qu'il assassine. Une Révolution que les frères et les amis, à ce jour, nous envient de l'avoir faite.
En qualifiant Abane de traître, ce n'est pas tant l'homme que vous maltraitez, mais c'est l'illusion que la jeunesse algérienne se faisait de son histoire contemporaine, de la Révolution du 1er Novembre 1954 et de ses hommes, qui est atteinte.
Laissez-nous au moins notre illusion, Monsieur Ben Bella, car les autres peuples font de leurs traîtres et de leurs collaborateurs avec l'ennemi des héros, mais en Algérie on s'amuse malheureusement à faire l'inverse, en faisant de nos héros des traîtres.
Il est probable que vous reprochez à Abane d'être dur. Vous auriez peut-être préféré avoir affaire à un homme indolent, comme ceux qui n'ont pas cessé de dilapider les richesses du pays sans tenir les promesses faites sans cesse au peuple.
Ou, alors, Abane est un traître parce que le 27 juillet 1957, il déclarait : « Vous créez une puissance fondée sur l'armée. Le maquis est une chose, la politique en est une autre qui n'est conduite ni par des illettrés ni par des ignares. » Six mois, jour pour jour, après cette déclaration prémonitoire pour le peuple algérien, Abane a été assassiné. Comme a été assassiné Boudiaf, 21 jours après avoir déclaré : « L'Algérie avant tout. »
Ou bien vous reprochez à Abane de personnaliser le Pouvoir. Combien de portefeuilles ministériels (6,7,8) déteniez-vous au moment où Boumediène et le Conseil de la Révolution avaient décidé de mettre fin à votre règne doré à la Villa Jolie, au cur d'Alger, au moment où Boudiaf était exilé et Ferhat Abbas en liberté limitée ?
Qui croire ? Voilà dans quelle situation vous voulez nous laisser Monsieur le premier Président de l'Algérie indépendante, malheureusement devenue dépendante de l'étranger même pour nourrir ses enfants ; elle qui était le grenier de l'Europe. Nous vous rassurons, nous sommes plus disposés à croire Ferhat Abbas qui, dès le début, nous avait avertis en nous disant : « Que faut-il attendre d'une Constitution élaborée dans un cinéma (Majestic) ? » Le film d'horreur perdure toujours. Nous croyons Ferhat Abbas parce qu'il n'a jamais été démenti de son vivant quand il a écrit L'Indépendance confisquée où il nous rapporte ceci à la page 88 : « Au Caire, en août 1957, lors du congrès du CNRA, Abane Ramdane me fit un portrait peu flatteur du futur Président de la République et son jugement sur lui était encore plus désobligeant que celui du Dr Lamine Debaghine : Ben Bella, me dit-il, qui dénonça en 1950 notre organisation spéciale, l'OS, du moment qu'il était arrêté, rien ne devait subsister après lui. C'est un ambitieux sans courage. Pour parvenir à ses fins, il passera sur le corps de tous ses amis. il est sans scrupule. »
Il y a des natures, Monsieur Ben Bella, que rien ne peut changer. Pour vous le prouver, je vous fais lire un passage qu'Alistaire Horne vous consacre dans son livre sur l'histoire de la Guerre d'Algérie. Il dit à la page 558 de cet ouvrage : « Ben Bella évoluait de plus en plus vers un socialisme abstrait, vers l'autoritarisme et le culte de la personnalité qui répugnait tant au FLN. Témoins de son arrivée triomphale à Tunis, les Américains Richard et Joan Brace remarquèrent : dans une foule, Ben Bella se déplace comme s'il était seul. Il est absorbé par ses propres visions et semble à peine se rendre compte de ce que les autres font autour de lui. Dans une conversation avec William Quandt, un ancien camarade de Ben Bella, il rappelait que ce dernier avait été un bon joueur de football mais n'oubliait jamais la galerie. Il voulait toujours être le numéro 1. Ben Bella voulait toujours que ses coéquipiers lui passent le ballon afin qu'il puisse marquer le but. Il agissait de même en politique. » Afin de mieux fixer les idées de la jeunesse algérienne sur son premier Président de la République, il me semble opportun d'ajouter, à ce témoignage américain, trois témoignages algériens.
1- Dans son Eté de la discorde, Editions Casbah, Ali Haroun nous a gratifiés des « civilités » que vous avez eu l'indécence d'adresser à Benyoucef Benkhedda, Président du GPRA, lors du congrès du CNRA de Tripoli, tenu du 4 au 7 juin 1962. Ali Haroun rapporte ceci : Ben Bella interpellant Benkhedda : « Le plus grand manuvrier c'est toi, et si personne à ce jour ne t'a déshabillé, moi je vais le faire. »
Salah Boubenider répondant à Ben Bella : « Tu n'as pas à t'adresser de la sorte au Président (du GPRA). Et s'il faut te dénuder, nous le ferons. »
Lakhdar Bentobbal, furieux, bondit de sa place et renchérit : « Ben Bella ! Depuis un mois seulement que tu vis avec nous, tes manigances ont déjà semé la discorde. »
Quand à l'affaire de l'attaque de la poste d'Oran, Mohamed Harbi, dans son livre Le FLN : mirage et réalité, précise ce qui suit : « Le 5 avril 1949, un commando de l'OS attaque la poste d'Oran et emporte 3 170 000 anciens francs. L'action est exécutée par un commando dont font partie Souidani Boudjemâa, Belhadj Bouchaïb, Mohamed Khider et Omar Haddad. »
Mohamed Boudiaf, fin observateur, a remarqué lors de son arrestation par la police de Ben Bella, le 21 juin 1963, sur le pont d'Hydra, que le policier Mohamed Oussemer qui l'a arrêté était le même Oussemer qui a ravagé les Algériens de Belcourt lors des événements de mai 1945 et qui était encore membre de la DST lors de l'arrestation des cinq passagers de l'avion qui transportait le 22 octobre 1956 Boudiaf, Aït Ahmed, Khider, Lacheref et Ben Bella. Le même policier qui exécutait les Algériens durant l'ère coloniale est recruté par Ben Bella pour « s'occuper des ses frères » après l'indépendance. (cf. Où va l'Algérie ?).
Je souhaiterais que la jeunesse algérienne lise Ferhat Abbas qui nous dit ceci dans son Indépendance confisquée, aux pages 96-97 :
« Ben Bella a reçu l'Ordre de Lénine, une décoration réservée aux héros marxistes. Au même moment, il optait pour la tenue vestimentaire de Mao Tsé-Toung. Sous la direction de Ben Bella, la République algérienne se comportait comme une femme adultère : mariée publiquement à l'@!#$, elle couchait discrètement dans le lit de Staline. Ben Bella, devenu zaïm, il était maître de l'Algérie. Son ambition était satisfaite. Que lui importait que l'@!#$ soit mutilé, l'Algérie paralysée et les citoyens asservis ? Dans le Sud, le colonel Chaâbani, ancien élève de Ben Badis, ne put se résoudre à trahir l'@!#$. Il entra lui aussi en dissidence. Capturé, il fut jugé à huis clos sans avocats et sans témoins. Condamné à mort, il fut exécuté. Ce ne fut pas un jugement mais un assassinat contre lequel le colonel Zbiri, chef d'état-major, protestera vigoureusement. »
Nacer Boudiaf
Nacer Boudiaf
27-01-2003
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Les cuistots de la non-histoire
Par Kamal Lounaci
Histoire : du latin historia, issu du grec historia (enquête), terme imposé par Hérodote, il désigne un récit ordonné des événements du passé, mais également l'ensemble de ces événements (dans ce cas le mot appelle la majuscule). L'histoire exprime la mémoire des sociétés humaines : sans cette mémoire, une société n'est pas durable. Le commencement de l'histoire a coïncidé avec l'apparition de l'écriture. Les sociétés de la préhistoire exprimaient leur mémoire collective, comme chez les peuples sans écritures, par le canal d'une tradition. Les récits se montrent souvent fragiles et limités, car conditionnés par les capacités mnémoniques du cerveau et les aléas d'une transmission orale de génération en génération. Dans le présent cas, les acteurs d'événements sont souvent identifiés à des mythes. Aussi, la véritable histoire n'apparaît qu'après réflexion sur l'événement, la recherche d'une logique ou d'une causalité dans l'enchaînement des faits.
Dans une société bourrée de paradoxes comme la nôtre, détenir une vérité et la dire fait toujours deux choses stupidement distinctes l'une de l'autre. Le sens du devoir envers la mémoire collective est souvent fallacieux et tendancieux. Aucun acteur de ceux qui sont censés faire notre mémoire ne se soucie de la vérité tant qu'il peut la tronquer. L'histoire de l'Algérie reste plus dominée par des préoccupations morales et politiques que par le souci d'exactitude.
Force est de voir des promoteurs d'événements apporter des témoignages avec fougue et harangue. Au bout de la ligne, si ce n'est la confusion, c'est la médiocrité qui vient colorer de son empreinte la véracité de l'acte. Le temps, supposé lénifier la conscience et tempérer l'attitude des « extruders » du passé, ne semble pas capable d'écheniller la pensée véhiculée au moment des faits. Du coup, celle-ci est revisitée dans le même état d'esprit qui l'a vue naître et faire l'événement ensuite. Le recul n'influence en rien les distinguos des chapardeurs. Ainsi, le premier Président de l'Algérie indépendante Ahmed Ben Bella, après plus de cinquante ans de figuration à croupetons, se découvre par raccroc sa vocation de casuiste en mal d'argutie. Les ariettes historiquement politiques qu'il est appelé à animer sur le canal de la controverse Al Jazira font de lui plus un cabotin qu'un jouteur. Il n'a pas hésité à onduler de la croupe autant que faire se peut pour tomber une fois de plus sur le râble de la personne de Abane. Jugeant le moment bien opportun pour une région qui n'arrête pas de sentir le fagot depuis bientôt deux ans, il vient faire le Jacques en déposant sans décence aucune son lot d'impostures sur le bûcher. Il pousse l'outrecuidance jusqu'à désavouer p; et de quelle manière ! - la véracité de certains témoignages parce que simplement venant de ses antagonistes. C'est ainsi que Ben Khedda, en tant que « centraliste normal qu'il défend les idées centralistes ». Aït Ahmed défendant Abane, « c'est un kabyle comme lui ». El Hachemi Cherif avec le journal Le Matin sont des « communistes ». Quant à la veuve Abane, c'est sa « femme » donc, et, de surcroît, elle verse dans « l'insulte », ce qui n'est p; semble-t-il - pas le terrain de prédilection de l'ex-Président arpète. Mais franchement de qui espère-t-il voir venir une contradiction à ses allégations ? Ce n'est quand même pas Fethi Dib qui viendrait crever son ami la baudruche, alors qu'il l'a sûrement entendu son protégé prétendre en son de trompette que si la terre toutes les « cinquante ans donne les hommes de la trempe du raïs, le monde ne serait pas où nous le savons aujourd'hui ». Il serait certainement bien plus tiré vers le fond. À l'entendre jacasser, c'est à croire qu'il a vraiment des choses à dire. Seulement, le voilà déviant le registre où il peut le plus informer le peuple algérien. A une question se rapportant aux conditions dans lesquelles il fut déposé par son ministre de la Défense, il préfère rater le coche de peur d'être appelé à s'assumer, vu qu'il était le maître du casting à la date des faits. Nous sommes en présence d'un témoin, pas des moindres, qui vient encombrer par ses appréhensions mnésiques les non-dits d'une période jugée la plus mystérieuse et la plus déterminante dans la suite des effervescences qu'a connues le paysage politique de l'époque. Ben Bella préfère les espaces clos aux endroits découverts. Il n'est pas aisé de comprendre qu'il a étrangement plus de choses à dire aux dates où il était enfermé que quand il était dehors. C'est à se demander d'où vient ce quidam que l'on a du mal à placer. On sait seulement qu'il est là. Il fait partie de la catégorie d'hommes qui ressemblent, selon La Bruyère, « à ces arbres forts avancés que l'on transplante dans les jardins, où ils surprennent les yeux de ceux qui les voient placés dans de beaux endroits où ils ne les ont points vus croître, et qui ne connaissent ni leur commencement ni leurs progrès ».
K. L.
(Lire les nouvelles révélations de Ben Bella
dans nos éditions des 18, 19, 21 et 22 janvier 2003).
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Saïd Sadi, il estime que « Debaghine était le Abane d'avant-guerre. Ils avaient en commun cette double capacité d'action et de réflexion propre aux grands hommes politiques. L'engagement de l'un et de l'autre était total. Ils ignoraient les calculs politiciens dans un mouvement national, hélas, gagné par le populisme. On peut simplement regretter que Lamine Debaghine soit parti sans avoir témoigné. Abane a été tué physiquement, lui a été tué politiquement très tôt. Nous devons tout faire pour honorer ces deux hommes dont les parcours sont de beaux sillons pour l'Algérie républicaine ». Ali Haroun se rappelle qu'« au moment où les intellectuels du temps du colonialisme préféraient s'enrôler dans des partis réformistes, Debaghine a choisi le parti des ouvriers, le PPA ». Un geste que la classe politique du courant démocratique, précise-t-il, doit méditer, avant d'ajouter : « Son attachement aux idéaux de la Révolution et son dévouement à l'esprit de la plate-forme de la Soummam lui ont valu d'être persona non grata auprès de certains dirigeants historiques de la guerre établis au Caire puisqu'il a été désigné par Abane en 1956 en tant que responsable de la délégation extérieure du FLN. »
N. B.
N. B.
22-01-2003
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L'islamisme s'épanouit de la candeur des hommes à lui inventer un passé glorieux et un avenir honorable. Entre M. Ben Bella s'épuisant à nous convaincre d'un Novembre @!#$ et Mohamed Lamari s'engageant à se soumettre à un Président @!#$ qui
Le malheur imaginé
Par Mohamed Benchicou
Ahmed Ben Bella et le général Lamari nous ont généreusement rappelé cette semaine le grand inconvénient de l'islamisme : il accompagne parfaitement l'excès de bavardage. Telle la plante verte devant laquelle on se plaît à s'extasier avant de s'apercevoir qu'elle est artificielle, l'islamisme s'épanouit de la candeur des hommes à lui inventer un passé glorieux et un avenir honorable. Entre M. Ben Bella s'épuisant à nous convaincre d'un Novembre @!#$ et Mohamed Lamari s'engageant à se soumettre à un Président @!#$ qui sortirait des urnes en 2004, il y a comme la persistance d'une insupportable farce humaine : puisque nos pères sont déclarés morts pour l'étendard islamique, il ne resterait donc plus à nos enfants qu'à le subir pour le restant de leur vie. Je ne ferai pas l'injure au chef de l'état-major de confondre sa subtilité avec celle de l'ancien Président ni encore moins de douter qu'il est le dernier à croire à sa propre formule. Elle n'en demeure pas moins maladroite. Il n'est jamais sans douleur d'entendre le chef d'une armée qui meurt au combat contre les intégristes promettre qu'il la mettrait, par légalisme étrange, sous les ordres d'un Président @!#$. Il est des cauchemars dont rien ne saurait justifier l'évocation, pas même les convenances diplomatiques auxquelles Mohamed Lamari croit devoir sacrifier sous la pression internationale. Un Président obscurantiste dans cette Algérie assoiffée de lumière ? Allons donc ! Quelle insulte à la mémoire de Mohamed-Lamine Debaghine qu'on enterre aujourd'hui, et dont je suppose, sans l'avoir connu, qu'il n'aurait jamais offert sa jeunesse pour qu'un fanatique qui ne connaît rien de la kesra de nos mères prenne le pouvoir un jour dans l'Algérie de ses rêves. Françoise Giroud, qui vient elle aussi de nous quitter et à qui il faudra bien rendre ici un ultime hommage, disait que « la situation la plus insupportable n'est pas le malheur subi, c'est le malheur imaginé ». Or, nous n'imaginons pas ce malheur-là pour nos progénitures. Pas maintenant. Plus maintenant que repoussent de tendres épis dans nos champs brûlés. Un intégrisme fardé de « la légitimité des urnes » reste un intégrisme. Que ne relit-on Giroud dont vous avez deviné que cette chronique lui est dédiée : « Ainsi, commence le fascisme. Il ne dit jamais son nom, il rampe, il flotte, quand il montre le bout de son nez, on dit : c'est lui ? Vous croyez ? Il ne faut rien exagérer ! Et puis un jour on le prend dans la gueule et il est trop tard pour l'expulser. » (Gais-z-et-contents). J'entends bien que Ahmed Ben Bella, dans son improbable entreprise d'imposer l'islamisme d'aujourd'hui, en soit à dessiner un noble islamisme d'hier, à lui inventer une légitimité historique dans le combat de Novembre. Après tout, il y a bien des chirurgiens qui rétablissent des virginités à des femmes soucieuses de respectabilité à la veille d'un mariage. Or, il se trouve que depuis le Néanderthal, on ne redessine plus l'histoire : on la fait ou on la subit. Toute tentative de contrefaçon expose son auteur à l'inconfortable interrogation : dans quelle vie antérieure avez-vous vécu cette chimère d'un islamisme qui se bat pour la liberté des hommes, Monsieur le Président ? Interrogez les tombes et les orphelins, vous n'y rencontrerez qu'un seul islamisme, celui qui a tué son propre peuple. Demandez aux veuves et aux marabouts, regardez dans les encensoirs, consultez les talebs qui prient sur nos morts, vous n'y verrez que les intégristes qui ont retourné la lame contre les soldats de leur patrie, jamais contre l'armée française. De l'armée française, ils ont appris les larmes et le deuil, ils en sont les élèves dans la torture et le sang, ses apôtres dans la douleur, ses admirateurs dans l'art macabre de voir agonir l'innocent, les émules de Bigeard, les disciples d'Aussaresses : ils sont les vrais enfants de la France coloniale. Comment abandonner au fils du bourreau la terre dont on y a chassé le père ? Je ne discute pas, ici, du droit de M. Ben Bella de donner sa version des faits, et je persiste à croire qu'il y a un certain courage pour un ancien Président à affronter les conséquences de ses révélations. Nous avons publié dans ce journal l'intégralité des débats qu'il a menés sur Al Jazira parce qu'il faut bien que cesse cette manie qui consiste à abandonner à une côterie de sombres individus se réclamant de l'arabophonie le monopole d'un débat sur la mémoire nationale. Désormais, il nous faudra débattre pied à pied sur l'honneur de nos pères, non pour le plaisir de l'équivoque, mais pour le devoir de vérité. Je ne dispute donc pas, ici, les opinions de M. Ben Bella, mais la façon avec laquelle il s'est cru autorisé d'aligner les faits historiques sur ses croyances. Le temps n'efface rien aux lâchetés des hommes ni à leur bravoure. A quoi bon travestir dans sa vieillesse des épopées qui ne furent, après tout, que celle d'une jeunesse fougueuse ? « La jeunesse est courte. C'est la vie qui est longue. » : Françoise Giroud (Journal d'une Parisienne). Je ne pense pas forcément qu'à Ahmed Ben Bella en évoquant cela, mais aussi à la fondatrice de L'Express. Comment ne pas la citer encore, cette femme de plume que la mort a emportée à 86 ans pendant qu'elle cherchait un sujet pour sa prochaine chronique ? 86 ans : l'âge de M. Ben Bella. Celui de Debaghine aussi. L'ancien ministre des Affaires étrangères du GPRA eut la pudeur de respecter la sentence du temps, celle que définit Giroud : « Vieillir, c'est se désintéresser. » (Chienne d'année). Nous n'accablerons pas Ahmed Bella de n'avoir pas connu ce privilège suprême de la vieillesse : la soudaine amitié pour M. Bouteflika l'en a sans doute dissuadé. Il reste que le spectacle d'un homme dépassé par sa propre polémique avait quelque chose d'embarrassant : comment s'apitoyer pour des tueurs intégristes et demander qu'on leur pardonne quand on n'a eu aucun scrupule à exécuter le colonel Chaâbani ? Ahmed Ben Bella devrait se résoudre à admettre que l'âge n'arrange rien à l'affaire, que si « souvent ceux qui sont au pouvoir se croient invulnérables » (Françoise Giroud, La Rumeur du monde), ils sont toujours rattrappés par leur passé.
M. B.
(A la mémoire de Françoise Giroud)
M. B.
22-01-2003
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Maître Amar Bentoumi répond
Concernant Abane Ramdane
Les héritiers Bouzida Arezki semblent ignorer que j'ai plaidé en 1951 pour Abane Ramdane devant le tribunal de Béjaïa et la cour d'appel d'Alger ; j'ai pris la défense de sa mémoire et de son honneur en engageant une action en justice contre l'ex-Président Ali Kafi qui a été condamné par le tribunal de Bir Mourad Raïs, et dont l'affaire est actuellement pendante devant la cour d'Alger. J'ai réagi spontanément aux récents propos diffamatoires tenus contre Abane par l'ex-Président Ben Bella en publiant un article dans le quotidien La Tribune du 21 novembre 2002 (pages 11 à 13).
Comparer Bouzida Arezki au héros de la Révolution Abane Ramdane relève du délire éthylique.
Concernant maître Bouzida Arezki
Dans le cadre de la récente conférence donnée à l'occasion de la commémoration du 11 Décembre 1960, je n'ai fait que reprendre textuellement ce que j'avais déclaré, preuves écrites à l'appui, en présence de maître Arezki Bouzida, dans une conférence que j'ai tenue le 28 avril 1986 au Palais de la culture, à savoir qu'il a traité dans ses plaidoiries les patriotes algériens de « primitifs », « irresponsables », « dévoyés », « pauvres bougres », « d'être à un ou deux degrés au-dessus des animaux » (termes rapportés par le Journal d'Alger dans son numéro des 20-21 mai 1956 (dont ci-joint photocopie). Et d'avoir exigé des patriotes détenus des honoraires substantiels (voir lettre de détenus ci-jointe) reçus par moi en tant qu'avocat principal du FLN.
Pour ma part, je n'ai pas attendu son décès (Que @!#$ lui pardonne) pour dire la vérité historique sur la courte période (avril 1955 décembre 1956) qui le concerne. Quant à son passé à Tunis, il serait utile de se reporter à la mise au point du commandant Kaci parue du vivant de Bouzida Arezki, qui ne correspond aucunement à ce que racontent ses héritiers ni lui-même.
Concernant maître Amar Bentoumi
Je n'ai pas honte de mon passé avant, pendant et après la guerre de Libération nationale.
Avant le 1er Novembre 1954 je n'ai pas honte d'avoir été arrêté et matraqué pendant plusieurs jours en septembre 1943 (Aïd El Fitr) lors de la première manifestation politique organisée par le PPA pendant la Seconde Guerre mondiale, d'avoir été aux côtés de Saâd Dahleb, secrétaire général du Comité de soutien aux victimes de la répression (CSVR) créé en 1948 par le PPA-MTLD ; d'avoir été l'avocat officiel et permanent du PPA-MTLD et d'avoir à ce titre, de 1948 à 1954, défendu tous les dirigeants et militants nationalistes déférés devant les juridictions répressives, y compris les éléments de l'Organisation spéciale (OS) : procès des 27 de Béjaïa dont Abane Ramdane, procès d'Oran dont @!#$ Boutlilis ; d'avoir participé à la défense de militants, dirigeants anticolonialistes (communistes, UDMA, syndicalistes) et d'organes de presse progressistes (Alger Républicain, Algérie Libre, Egalité).
Pendant la guerre de Libération, je n'ai pas honte d'avoir adhéré au FLN le 8 novembre 1954 et, comme avocat, « d'avoir mis sur pied le premier collectif du FLN » (attestation de Rabah Bitat et des fidayine du 1er Novembre 1954 d'Alger) ; d'avoir assuré la défense des moudjahidine, moussebeline, fidayine devant toutes les juridictions répressives civiles et militaires (près de 400 procès plaidés en 1955 seulement) ; d'avoir été interné de février 1957 à février 1959 dans les camps de concentration de Berrouaghia (dont j'étais le responsable FLN), de Bossuet, y compris au Camp Zéro et de Douéra, avant d'être assigné à résidence à domicile après ma libération ; d'avoir embarqué clandestinement sur un navire sur Marseille et franchi la frontière italienne par le Pas de la Mort pour rejoindre Tunis via Rome afin de me mettre à la disposition de la Révolution ; d'avoir assuré, de juin à octobre 1959, la reparution du journal de l'UGTA, l'Ouvrier algérien, et d'y avoir mené campagne contre l'assassinat de mon ami Aïssat Idir (voir attestation de Djilani M'barek, secrétaire national de l'UGTA) ; d'avoir, à la demande du président du GPRA, Ferhat Abbas, et de Abdelhafid Boussouf, ministre de l'Armement, accepté un poste de magistrat auprès du ministère marocain de la Justice pour militer au sein de la Fédération FLN du Maroc et servir dans les rangs du MALG d'octobre 1959 à avril 1962 ; d'avoir, durant cette période, eu à faire un travail de propagande avec le docteur Ben Barek et Baki Boualem pour le FLN, un travail de formation juridique et politique d'officiers et cadres de l'ALN avec Abdelmadjid Meziane et autres, et surtout à assurer, en qualité de chargé de mission du MALG, plusieurs autres activités importantes au service de la Révolution (voir attestation et déclaration sur l'honneur du capitaine Si Mustapha ci-jointes) ; d'avoir activement participé, en tant que membre de la Commission nationale pour le référendum d'autodétermination, à l'organisation du scrutin en Tunisie, en France et au Maroc ainsi qu'aux opérations de dépouillement en faisant appel aux SMA.
Après l'Indépendance, je n'ai pas honte
1- Sur le plan national d'avoir, pendant la crise de l'été 1962 assumé, avec le commandant Mohamed Allahoum et le lieutenant Chelloufi (devenu plus tard général), la gestion de l'éphémère ministère des Affaires militaires du GPRA confié conjointement à Mohamed Boudiaf et Rabah Bitat, en contact avec le Président Ben Kheda et Mohamed Khider ; d'avoir en qualité de ministre de la Justice mis sur pied les premières structures juridiques et judiciaires de la justice algérienne avec la collaboration des avocats volontaires (G. Benmelha, A. Hadj Ali, Hassen Abdellah, A. Derradji), alors que certains autres avocats accumulaient biens et richesses ; d'avoir eu l'honneur d'être arrêté de juin 1964 à juin 1965 avec les commandants Azzedine (Wilaya VI), Si Larbi Berredjem (Wilaya II), Brahim Mezhoudi (Wilaya II), Mohamed Djeghaba (Wilaya VI) par le régime personnel, dictorial et bassement démagogique de Ben Bella qui nous avait internés, le Président Ferhat Abbas et moi-même, à Adrar pour notre opposition politique malgré notre qualité à l'Assemblée constituante ; d'avoir, de 1967 à 1975, assuré les fonctions de bâtonnier de l'Ordre national des avocats par des élections libres et pluralistes et d'avoir fait respecter le droit à la défense ; d'avoir plaidé devant le tribunal militaire de Blida aussi bien pour les trotskistes de l'Académie militaire de Cherchell que pour Abassi Madani, et devant les tribunaux d'Alger, de Tizi Ouzou et de Béjaïa à mes frais pour les détenus du Printemps berbère. Comme j'ai défendu mon ami Ali Yahia Abdenour et autres défenseurs des droits de l'Homme.
2- Sur le plan international d'avoir défendu les fidayine palestiniens à Athènes, Zurich, Munich et Le Caire, et les indépendantistes guadeloupéens (Reinette et ses compagnons) devant le tribunal de Pointe-à-Pitre avec pour ces derniers Maîtres Manville et Mériem Belmihoub Zerdani ; d'avoir été secrétaire international, puis secrétaire général, puis président de l'Association internationale des juristes démocrates (AIJD) entre 1975 et 2000, vice-président du Tribunal permanent des peuples (session sur l'Erythrée, la Somalie, le Nicaragua), vice-président de l'Association internationale des avocats ; d'avoir soutenu la création de SOS Torture devenue l'Organisation mondiale contre la torture, et d'autres causes justes (Vietnam, Afrique du Sud, Chili, Argentine) ; d'être depuis plus de 30 ans coopté membre du bureau permanent et secrétaire général adjoint de l'Union des avocats arabes ; d'être, depuis 2000, président émérite de l'AIJD pour en avoir assuré la survie et le développement en en faisant une association pluraliste et tiers-mondiste.
Amar Bentoumi
> L'Algérie doit-elle s'impliquer dans la crise au Venezuela ?
« C'est de l'ingérence, Monsieur le Président ! »
La diplomatie consiste à exprimer poliment son opinion, sa pensée, sa position sur un quelconque sujet d'actualité sans mettre son vis-à-vis ou des tierces personnes dans la gêne ou l'embarras. Ce que ne semble pas avoir compris notre Président à tout faire, et le voilà qui met ses gros sabots dans le plat vénézuélien, comme s'il piétinait n'importe quel usage ou loi en terre algérienne. S'il est vrai qu'en Algérie il y règne en dynastie et en monarque absolu, il ne peut agir à sa guise, en ennemi des revendications citoyennes à travers le monde. Il y a des limites territoriales que la mégalomanie ne doit pas dépasser, sinon ce serait de l'ingérence. Ingérence tout le temps dénoncée par nos dirigeants alors qu'elle n'existe même pas.
Cette « main de l'étranger », si on ne la tolère pas chez nous, les autres aussi ne la tolèrent pas chez eux, et ils ont raison. Si le peuple vénézuélien n'a pas ou n'a pas pu réagir, nous sommes tout de même rassurés que l'oncle Sam fronce ses sourcils et recommande vivement même à notre fouineur de poubelles étrangères de balayer d'abord devant sa porte, où les immondices ne cessent de s'accumuler dangereusement, avant de jouer les saint-bernards pour les dictateurs menacés de détrônement. Pan sur le bec ! On l'attendait un peu ce camouflet, réservé aux agités en mal de gloire internationale.
La reconnaissance et le respect pour un chef d'Etat commence d'abord par celle du peuple qu'il est censé gouverner, ce qui n'est pas le cas pour Bouteflika qui insulte, humilie, affame, réprime, asservit son peuple et veut montrer aux chancelleries étrangères le visage d'un Président élu (par la fraude) démocratiquement, un Président fort et juste, loyal et même généreux avec ses amis (dictateurs ou émirs).
On ne peut tromper tout le monde longtemps. La vérité et les faits vous rattrapent toujours et le langage flatteur et les belles promesses n'accrochent plus personne, sauf les requins de tous bords qui ne tournent autour des beaux parleurs que dans l'espoir de mordre à pleines dents dans le gâteau que les despotes font circuler pour voir des courtisans zélés.
Meziane Amara, Tazmalt
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