Auteur: Amirouche
Date: 2001-09-13 16:06:27
Azul ahlawen,
On est tous autodidactes dans certains domaines surtout celui de la vie. Je ne fais pas une différence fondamentale entre ceux qui ont fait l’école et les autres. Mes parents sont des illettrés émigrés, mais ce ne sont pas pour autant des sans culture. Leur culture kabyle est probablement beaucoup plus intéressante que celle que je porte, moi l’acculturé. L’école n’a jamais fabriqué une culture mais plutôt de l’ instruction. Cette dernière peut être collectée par différentes manières, par soi-même comme vous le faites et le faisons aussi.
Des racistes, il y en aura toujours. Des voyous ou des victimes. Mais le fait de parler de l’autonomie ne veut nullement dire la dislocation de l’Algérie. Car on y est déjà, le chaos nous l’avons atteint. L’autonomie, c’est justement la faculté de penser par soi-même et d’avoir de vrais représentants vers l’extérieur. Vous savez bien que notre façon de penser est fabriquée par le tribalisme, par une culture ethnique en sens noble du terme. Les guerres qu’ont livrées nos aïeux jusqu’en début du 20 ème siècle ont été toutes menées sur la base d’une conception tribale et fédérale. La révolution algérienne est faite aussi sur une conception régionale, fortement en ce qui concerne les Chaouis et les Kabyles où les structures traditionnelles et la langue qui les portes sont restées efficientes, ce qui n’était plus le cas approximativement dans les autres régions. Le modèle de l’Eat-nation est tout récent chez nous, il ne date que depuis 1962. Ce modèle est étranger à notre conception du pouvoir et de la gestion de la cité. D’ailleurs lors des élections, toute cette façade jacobine s’effrite et les jeux d’alliance et d’allégeance réapparaissent, sauf que cela se fait sur la base de la falsification et de la malhonnêteté quoi qu’il arrive. En ce qui me concerne l’autonomie me fait pas peur, c’est plutôt de qu’on en ferait qui m’interpelle. Car si c’était pour reproduire le même modèle de l’Etat-nation occidental, la même acculturation, la même gabegie, ce serait dommage pour nous et pour notre culture. Notre anéantissement serait déjà programmé. Une autonomie, oui, mais sur quelle base, quelle réflexion par rapport à notre histoire, notre religion, notre culture, notre système de pensée. Il est vrai que les modèles connus de l’autonomie sont ceux des pays du Nord. Les rapprochements sont très importants ces derniers temps avec les minorités des pays d’Europe. Or on oublie souvent les minorités des pays du sud avec qui on a le plus d’affinités culturelles et historiques. C’est peut-être avec ces gens, entre autres, qu’on pourrait mener une réflexion pour accoucher d’un autre modèle étatique qui sied avec notre façon d’appréhender le monde. Voilà ce que j’ai à dire à propos de l’autonomie. Quant aux questions de l’économique et des frontières, personne ne peut donner des réponses fiables à cela, d’autant plus secondaires et négociables. En tous les cas, une culture raffermie est toujours ouverte sur l’extérieur, des ponts, des médiations excitent. Aucune entité, aucune culture ne peut vivre en reclus. Une civilisation survient toujours au carrefours des cultures. Jamais du néant. Par ailleurs, les frontières ont toujours bougées. L’Algérie actuelle est une construction coloniale, idem pour le Maroc et les autres. Les frontières surviennent à partir d’une décision politique jamais culturelle. Donc accompagnée d’une violence le plus souvent.
Vous savez que chez nous, après les salamalec, on demande à la personne de quelle région il vient et on fini par « khiar ennes » (meilleures gens). C’est cela qui a fait partir les gens de la Kabylie pour au Rif pour combattre l’injustice, l’agression de la coalition franco-espagnole les années vingt. C’est cela qui a fait intervenir Amir ABK pour sauver la vie à des centaines de chrétiens d’une mort certaine en Orient, c’est comme cela que le petit-fils de ce même valeureux personnage avait encouragé fortement la création de la prestigieuse Académie Berbère en France. C’est cela la vraie altérité. C’est reconnaître la différence de l’autre qui nous enrichi. A méditer.
Ar tufat.
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