Auteur: Amirouche
Date: 2002-01-18 17:21:08
Azul fellak a gma,
Vous savez, je ne suis pas naïf à ce point. Je sais que la population n’est pas portée sur l’autonomie actuellement. Quoique l’idée ait parcouru beaucoup de chemin depuis le Printemps Noir. Pourtant les gens, dans leur façon d’être et de penser le territoire, la famille, la langue, la culture, intègrent complètement l’idée de région, particulière, surtout en Kabylie. Tamurt désigne le pays, la Kabylie, le lopin de terre. Même les arabophones en Oranie désignent « la Kabylie » - quand isl élident ce terme – par bled leqbail. Traduction : tamurt n laqvail. Dans ce propos, je fait référence au schéma mental que font les Nord-africains de la Nation. C’est plutôt « la région », voire le village. La Nation est d’abord une conception juridique soumise aux aléas de l’Histoire. L’Algérie actuelle, dans ses frontières, n’existe que depuis 1830. D’où d’ailleurs la guerre des sables entre l’Algérie et le Maroc en 1963. Donc, il n y a de pays vrai que la région. Dans un siècle ou deux, je serai enterré dans un autre pays avec de nouvelles frontières et une nouvelle appellation.
Quand des gens parlent de l’autonomie, ils ne s’excluent le reste de l’Algérie, et encore moins de Tamazgha. Il ne faut pas perdre de vue que ce sont des berbères convaincus qui parlent de régionalisme, de fédéralisme ou d’autonomie (c’est tout comme). Ce ne sont pas des Visigoths. Autant que vous, ils réclament l’identité amazigh dans toute sa splendeur et de son territoire, lequel, comme vous le savez, s’étend sur 10 pays africains. Mais là, on parle du concret. Et quoi de plus concret que la Kabylie. Cette entité se sent assez forte pour réclamer au pouvoir une autonomie afin de sauvegarder une culture qui a traversé des millénaires et a survécu à de très grandes civilisations disparues depuis. Les Kabyles, si vous connaissez leur l’histoire, ont toujours vécu dans une relative autonomie. Pourtant, ils pouvaient assiéger Alger et son Dey quand un Kabyle fut battu à mort, ils pouvaient aussi défendre Alger lors du débarquement français, allumer le feu de la guerre de Libération dans le centre et l’Ouest algérien (1). Le Kabyle a été jusqu’aux montagnes du Rif pour combattre dans les rangs de Abdelkrim, le valeureux. Le Kabyle connaît le sens de l’honneur, de l’hospitalité, de lanaya (droit d’asile) et de la justice (est-ce toujours le cas ?). Evidemment que les Kabyles avaient combattu pour que vivent l’Algérie toute entière. Pourtant « Heureux les maryrs qui n’ont rien vue » pour ne citer que feu Bessaoud. Cet officier de l’ALN, condamné à mort par Benbella, persécuté par Boumedienne et consort. Mort en exile.
J’aurais aimé entendre votre vraie question. Il faut se dire des choses qui dérangent sans haine. Ils existent beaucoup d’arrières pensées, conséquence à un malentendu entretenu par le pouvoir. Ce Pouvoir joue plusieurs cartes à la fois afin de paralyser toute pensée opératoire. « Si les arabophones ne nous aident pas, c’est parce que le pouvoir manipule le soulèvement kabyle ». Détrompez-vous, c’est le jeu favori du pouvoir. Mais si vous attendez que les autres régions se manifestent pour appuyer la Kabylie, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Il y a 40 ans le même scénario s’est répété. Aït Ahmed pourrait vous en toucher un mot (2). A cette époque, la Kabylie s’est soulevée contre la dictature qui s’annonçait, d’autre wilayas de l’intérieur la soutenaient. Pourtant en fin de parcours, il ne restait que les Kabyles faces aux tanks de l’Etat Central.. Des Kabyles assassinés par les mercenaires de Boumedinne rentrés du Maroc avec un matériel flambant neuf offert par le président égyptien. Souvenez-vous, à cette époque, on ne parlait plus de la revendication berbère avec fracas. Eh ! Bien, il ne restait que des Kabyles en face de la dictature qui perdure depuis. Les Kabyles avaient perdu une bataille qu’ils pouvaient gagner aisément. Jusqu’au Krim Belkacem qui s’exclamait tout naïf qu’il était (ou honnête) « wid issinnan … ! » Trop tard. Il a été pondu dans sa chambre d’hôtel en Allemagne.
Et enfin ! Après 40 ans de manipulation et d’endoctrinement, les Kabyles sont devenus encore plus Kabyles, et les arabophones encore plus arabes. On ne refait pas l’Histoire malheureusement. Il faut faire avec ce qui existe. Car le temps est notre ennemi. Les autres régions ne se mettront jamais avec les Kabyles pour soutenir ce mouvement de révoltes. Nous sommes perçus comme des non arabes, et ils ont raison de le penser. Outre, nous nous sommes pas de la même région, autant dire du même bled. Revoilà le schéma mental. Ensuite aller dire à un Kabyle de mettre de côté sa revendication culturelle, c’est l’insulter encore pour la énième fois. Pourtant dans la plate-forme d’El-Ksar, il est question de démocratie, de JUSTICE sociale, culturelle et identitaire.
Maintenant, j’ai quelques appréhensions quand au contenu qu’on voudrait donner à l’autonomie. Si c’est pour reproduire le même fonctionnement du pouvoir central, la même inculture, je n’en veux pas. Mai si c’est pour réellement réfléchir à un système juridique authentique de chez nous, système de soins, une manière d’être et de penser ; là, je serai partie prenante. Si c’est pour recréer une sorte de micro-nationalisme obtus et négationniste de l’altérité enrichissante, autant dire que l’Histoire toussote inutilement avec son lot de martyrs et de malheur
Pour finir, ce mouvement s’il est pensé comme il le faut, cela dépassera le cadre algérien. Au contraire, ce sera un modèle de vivre ensemble à offrire à beaucoup de peuples excluent de l’Humanité entre l’Afrique, l’Asie et l’Amérique.
Ma houzegh elhamdoulilah, ma skhasragh : swav ghour rabi. Aka itsfoukoun imeslayen deg ougraw.
1 - L’un des grands du groupe des 22 qui ont déclenché la Guerre de Libération, représentant le Constantinois. Il se trouve qu’il est kabyle. Dans son village d’origine en Kabylie, on décida de lui ériger un monument, lorsque des « Anciens Moudjahidine » de la vingt-cinquième heure débarquèrent pour leur interdirent avec véhémence et menace cette initiative de réappropriation de la Mémoire. Devinez le nom de cet héros.
2 – On attend toujours les Mémoires d’Aït Ahmed. Son droit de réserve actuel cacherait une ambition politique ou tout simplement il a qq ch à se reprocher devant des témoins toujours vivants. Je te tiens par la barbichette, tu me tiens par la barbichette. Or, on a besoin plus que jamais de son témoignage afin de faire l'Algérie dont rêvaient nos martyrs. Qu'attend-il à plus de 70 ans !!! On a besoin de sage au-dessus des politiques. Lui, le Marabout, aurait pu jouer le médiateur, le guide, la conscience, et non disputer le pouvoir aux jeunes. Des assassins publient leur Mémoires et ceux qui ont qq ch à dire se taisent. Ces derniers sont aussi complices et doivent être jugés devant le peuple un jour ou l'autre.
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