Auteur: Amirouche
Date: 2001-06-08 11:26:31
Azul,
Justement le voilà le danger !!! Des Imam (parfois pas les plus douteux) arabophones viennent nous enseigner ce que c'est l'Islam parce que nous n’avons pas pensé à la relève, ayant considéré tout ce qui est vient de l’Islam est arabe ou que la religion musulman est la propriété des Arabes (qui ne forment qu’une infime minorité du monde musulman, et pas les meilleurs, hacha lmoumnin !). Ce qui est évidemment faux. Pourtant il n y a pas si longtemps, la Kabylie était un réservoir de lettrés dans le domaine religieux. Il suffirait de parler de la zaouia Rahmania qui a rayonné jusqu’en Afrique noire. A cette époque, les jeunes venaient des régions arabophones apprendre les sciences islamiques en Kabylie. Ils repartaient avec la maîtrise de berbère. Or maintenant, dans certains villages, on peine à trouver des tolba pour vieller le mort. Ainsi, ce qui n’a pas réussi à faire le pouvoir, à savoir la destruction de la culture populaire, orale (y compris d’expression arabophone) berbère, on est en passe de le faire nous-mêmes. « Importer » un arabophone d’une autre région méconnaissant complètement notre façon de faire, de vivre l’islam selon notre perception du monde (car personne ne possède La vérité – âilm el yaqin, âin el yaqin), selon nos coutumes et notre lecture fruit de plusieurs siècles d’exégèse et de pratique, c’est assurément détruire notre kbylité. Comment peut-on répondre à un intégriste lorsque le discours est orienté sur l’islamité, le religieux, quand ils viennent faire leur discours au détour d’un faux barrage, voire à la télévision ? Quel cheikh allons-nous leur opposer pour les convaincre de notre vécu, de notre propre lecture du saint Coran ? Le vide sidéral. Eh ! Bien, c’est de cette manière que nos jeunes vont être « raptés » par des esprits malveillants manipulés de surcroît par le pouvoir. Finalement on est bien malin !!! Pourtant des cheikhs de chez nous existent, il suffirait de leur redonner leur place comme celle de nos parents et grands-parents. C’est comme ça que les tijmaâtine reviennent pour reprendre les choses en main sans esprit partisan en commençant leurs séances par "besmellah" et finir par entre autres formules : « dayaki ig lan de awaliw, mayala houzègh elhamdoulleh, maoulèch swav ghour rabi ». Des formules vibrantes empreintes de tolérance, de modération, de modestie montagnarde et de sagesse légendaire.
Moi aussi, lors du mariage de ma sœur dans l’Oranie, un Imam est venu officialiser l’alliance. Il a fait un discours rituel et lecture du Coran. Suit ensuite, un vieux kabyle maîtrisant les dogmes de l’islam, la tradition islamique et l’art de la rhétorique kabyle. L’Imam invité est resté médusé, fasciné par tant de culture, de sagesse, de notre manière d’être et de faire pour sceller un mariage. Moi, lycéen, j’étais fier de montrer aux voisins arabophones qu’on a une culture respectable, complexe, riche et organisée. Surtout pas de complexe vis-à-vis d’aucune région.
Voilà ce que j’ai a dire. Mon souhait est de voir des intervenants témoigner de leur vécu réel, car c’est cela qui force toutes les manœuvres. On peut toujours discourir sur « les priorités », contester tel fait historique, la légitimité d’un calendrier ou de « l’amazighité » de l’Afrique du Nord. Mais jamais contre la « présence » et le vécu réel d’un peuple.
qimet di talwit
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