Auteur: Michel Mohand
Date: 2002-10-11 21:03:48
Al djazaïri,
Je sais que la musique est une affaire de goûts, mais j'ai une question à vous poser : avez vous récemment un concert d'Idir ?
Parce que, plus encore que Lounis Aït Menguellet, Idir donne sa vraie mesure sur scéne. La dernière fois que je l'ai vu en live, c'était ici à Roubaix, il y moins de deux ans... Ce fut un énorme moment d'émotion. Des morceaux comme Aggegig ou Abehri Timeddit sont vraiment somptueux...Trois heures de concert et pas un morceau faible, avec un goupe de scéne impressionant (Rabah Khalfa aux percussions notamment, un bassiste hallucinant, vraiment tous des super-musiciens).
Je pense que si vous l'aviez vu récemment en concert, vous réviseriez votre jugement.
Idir ne s'en est jamais caché, il a enregistré des CD juste pour faire plaisirs aux fans et le studio n'est pas sa passion. Je ne dit pas, loin de là, que ces CD sont mauvais, mais trois CD sur trente ans de carrière, ceci signifie bien qu'il se voit avant tout en musicien de scène. En comparaison, Ait Menguellet a produit beaucoup plus et ne cache pas qu'il préfére certes la scéne, mais que le travail en studio ne lui déplait pas. Idir lui, ne conçoit comme vivante ses chansons que sur scéne, sans doute par son respect de la poésie kabyle ancienne....
En ce qui concerne son absence sur la scéne algériene, Ali donne l'exacte explication. S'il est pourtant est assez modéré dans ses propos, Idir n'a jamais caché son aversion profonde pour le pouvoir actuel en Algèrie. Je pense qu'au fond de lui, Idir, qui a un très grand respect du public et est un homme d'une gentillesse et d'une modestie exceptionelles doit profondément regretter de ne pas jouer devant les siens, et surtout dans sa Kabylie natale. Il a toujours décrit sa situation comme un double exil : vivre en France et voir Tamazigh refusé en Algérie. C'est cette droiture qui lui interdit de revenir jouer en Algérie, parce que s'il le faisait, il est évident que celà serait récupéré politiquement.
Encore une fois, toute opinion sur la musique est subjective, et donc, ne voyez nul polémique dans mes propos.
Mais penser que des artistes de valeurs puissent se faire connaître avant tout par la radio et la télévision me semble d'une certaine naiveté. Je ne parle même pas de la censure des médias en Algérie.
En France, pourquoi les radio ne donnent aucune place à une chanteuse comme Massa Bouchafa ? Son nouveau CD le mériterait largement. Il en va de même pour Lounis Aït Mengellet ou Rabah Asma.. Les nombreux amis et amies français auxquels j'ai fait écouter ces musiciens - et qui pourtant ne sont pas du tout des passionées de musique amazighe - ont tous une la même réaction : comment se fait-il que des artistes d'un tel niveau soit quasi confidentiel ?
Evidemment, il s'agit de questions bassement commerciales : il est évidemment plus facile de vendre massivement des choses faciles voir bête. Le résultat est une censure presque automatique de la chanson de qualité.
Cordialement
Michel Mohand
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