Auteur: Rif
Date: 2001-04-27 18:23:42
Parut dans jeune afrique...
QUE VEULENT LES BERBÈRES ?
Du Rif aux oasis égyptiennes en passant par la Kabylie, ils tentent de faire entendre leur voix. Défense de la langue, revendication identitaire, tentations sécessionnistes... D'un pays à un autre, des situations contrastées.
Par AFAFE GHECHOUA
Comme chaque année depuis avril 1981, les Kabyles d'Algérie et de la diaspora commémorent le « printemps berbère » ( Tasfut Imazighen ), première démonstration de masse en faveur de la reconnaissance officielle de leur langue, le tamazight, comme langue nationale. Leurs voisins du Maroc, eux, ont soufflé le 1er mars la première bougie du « Manifeste amazigh », un texte dont la pierre de touche est également l'inscription du tamazight au rang d'idiome officiel. Mais alors qu'en Algérie la revendication berbère a des racines sociales et une assise politique nettement explicites, au Maroc, en revanche, il n'y a pas de mouvement de masse incarnant l'aspiration berbère. Mieux : c'est la monarchie elle-même qui s'est chargée d'introduire la question dans la sphère politique, probablement pour éviter une éventuelle évolution à l'algérienne.
Le décalage entre les deux pays est d'autant plus étonnant qu'ils sont partis du même point de départ : depuis l'indépendance, la politique linguistique et culturelle prônée est celle de l'arabisation, la diversité linguistique étant considérée comme une menace pour l'unité nationale.
Autre différence notable entre les deux pays : le ton de la revendication. Elle est nettement plus virulente en Algérie. Très certainement parce que le rejet de la dimension berbère y a longtemps été plus violent. Au Maroc, les autorités se sont montrées plus conciliantes tant que les cadres académiques et associatifs n'étaient pas dépassés. Le clivage dans la nature et la forme de la mobilisation explique que la revendication berbère a marqué indéniablement plus de points en Algérie qu'au Maroc. Sous la pression de la rue, les autorités algériennes ont été obligées de faire des concessions jusqu'alors impensables. Ces avancées - obtenues de haute lutte - sont loin d'être atteintes au Maroc. La langue berbère étant quasiment inexistante des programmes de l'éducation nationale, les rares incursions du tamazight dans l'espace public se font via les médias.
Selon Salem Chaker(*), professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), à Paris, « nous sommes sans doute dans une phase charnière dont l'évolution va dépendre de l'attitude des berbérophones eux-mêmes. Ou bien ils sont suffisamment attachés à leur culture pour que cette demande sociale se formule et se concrétise juridiquement, ou bien cette mobilisation et ce degré de conscience stagnent ou régressent, et avec elles la langue, réalité culturelle fragile s'il en est. Voyez ce qu'il reste des langues régionales en France. Il y a un demi-siècle, plusieurs millions de personnes parlaient l'occitan ; combien sont-elles aujourd'hui ? »
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