Auteur: Amirouche
Date: 2002-01-04 01:40:41
Communiqué
Hommage du CMA à Muhend Aarav Bessaoud
Le Congrès mondial amazigh vient d¹apprendre la tragique disparition de Muhend Aarav Bessaoud, le fondateur d¹Agraw Imazighen, l¹Académie berbère,ce 1er janvier 2002. Il est mort dans l¹île de Whight, où il était retourné
vivre, après avoir fait un retour remarqué en Kabylie le 1er novembre 1997, après trente-deux longues années d¹exil . La Kabylie lui avait fait alors un accueil à la mesure de l¹immense personnage qu¹il représente pour elle et qu¹elle appelle affectueusement Da Muh.
Nous lui devons tous ‹ les Kabyles et plus largement les Imazighen ‹ notre conscience berbériste, amazighe, c¹est-à-dire très précisément "libre", qui nous fait nous dresser collectivement avec vigueur et détermination devant
l¹incroyable falsification de notre histoire et de notre identité par l¹arabo-islamisme. Avec Muhend Aarav Bessaoud a été, en effet, inaugurée une phase historique active de reconquête de notre souveraineté perdue sur l¹ensemble de notre grande patrie, Tamazgha, l¹Afrique du Nord, qui s¹étend
des Îles Canaries à Siwa, en Egypte, et de la Méditerranée jusqu¹aux confins du Sahara, pays des fiers Touaregs.
Muhend Aarav Bessaoud est né le 24 décembre 1924 à Tagemmunt l-Lejdid (une commune d'Iwadiyen). Il milite d¹abord au Parti du peuple algérien (PPA) puis rejoint, dès 1954, le FLN-ALN dont il sera un des officiers jusqu'à l'indépendance. Il racontera dans son livre, "Heureux les martyrs qui n¹ont rien vu", paru en 1963 à compte d¹auteur, les dessous du FLN durant cette
guerre, notamment la vérité sur la mort du colonel Amirouche et d¹Abbane Ramdane ; les agissements de Boussouf et de Boumédiène ; l¹arabisme de Ben Bella. Ce dernier le fera condamner à mort pour son livre.
Bessaoud participe à l¹insurrection de la Kabylie, appelée "maquis du FFS", entre 1963 et 1965, puis s¹exile en France après la terrible répression qui
s¹y abat par l¹Armée (dite) nationale et populaire algérienne. En 1966, il publie "Le FFS, espoir et trahison", qu¹il dédie "à toutes les femmes kabyles violées par les soldats de Boumédiène et à tous mes compagnons qui ont refusé de se rallier". Il y critique très sévèrement Aït Ahmed qu¹il rend responsable de l¹échec de cette insurrection ainsi que de
l¹instrumentalisation politique des luttes de la Kabylie. Exilé, il décide de se retirer de toute activité politique partisane pour se consacrer à la défense de la cause amazighe.
Le 10 août 1967, à la préfecture de Paris, sont déposés les statuts de l¹"Association berbère d¹échanges et de recherche culturels", que venaient de fonder quelques personnes réunies autour de Muhend Aarav Bessaoud, dont Taous Amrouche, Saïd Hanouz, Amar Naroun, Si Muhend Amokrane Khélifati... comme il le rapporte lui-même dans un texte autobiographique et auto-édité,
"De Petites gens pour une grande cause ou l¹Histoire de l¹Académie berbère (1966-1978)". Cette association prendra le nom d¹"Académie berbère - Agraw Imazighen" le 25 mai 1969. L¹Académie berbère publiera bientôt un bulletin,
"Imazighène", qui circulera sous le manteau dans toute Tamazgha et sera le moyen d¹un formidable éveil à la nouvelle conscience amazighe, qui est devenue aujourd¹hui l¹héritage le plus précieux de ce vieux combattant qui nous a malheureusement quitté.
L¹Académie sera naturellement combattue très vite et durablement par toute une coalition de nationalistes algériens, des arabo-islamistes du FLN et de l¹Amicale des Algériens en Europe (une organisation chargé de fliquer l¹émigration algérienne) aux nationalistes kabyles du FFS en passant par le PRS de Boudiaf et le PAGS (une organisation stalinienne qui fut le meilleur
et le plus constant soutien de Boumédiène).
L¹Académie berbère va, une douzaine d¹années durant, être le pôle de référence de la nouvelle génération de militants kabyles mobilisée pour la défense de l¹identité amazighe. Bessaoud publiera d¹ailleurs, en 1977, un livre à ce sujet, "L¹Identité provisoire". Il y traitera de la place des Imazighen en Europe. Il est difficile de dire à quel point la conscience
amazighe est redevable au travail artisanal mais têtu de l¹Académie berbère. Toute la génération du Printemps kabyle de 1980 lui doit sa sensibilité et sa thématique. L¹Académie se fera la championne de la défense du "tifinagh", même si aujourd¹hui les caractères latins sont plus largement employés. Le tifinagh reste cependant le témoin de nos plus lointaines origines, et de nombreux Imazighen qui le préfèrent aux caractères latins n¹y ont pas renoncé et le cultivent. Le "Z" tifinagh est d¹ailleurs le symbole même de
l¹amazighité aujourd¹hui ; il se retrouve au coeur du drapeau amazigh, celui-là même que l¹Académie berbère a conçu aux temps héroïques de son combat pour l¹identité amazighe.
L¹Académie berbère est interdite par le gouvernement français, sur pression d¹Alger, en 1978, comme il est toujours encore le meilleur soutien du régime algérien. Au demeurant, la France continue à vouloir arabiser, dans ses
écoles publiques, les Imazighen de France auxquels elle propose
systématiquement un enseignement de langue et civilisation arabes. Muhend Aarav Bessaoud, qui avait été emprisonné à Fresnes durant six mois, en 1978, quittera la France, en septembre de cette année-là, pour l¹Espagne puis
l¹Angleterre, où il vivra désormais.
Le Congrès mondial amazigh rend hommage à cette grande conscience de notre identité et de notre peuple amazigh et s¹associe à la douleur de sa famille et des Imazighen affectés par cette perte irréparable. Le CMA, qui s¹est construit dans le droit fil du combat amazigh mené par l¹Académie, n¹oubliera pas son exemple et continuera son combat jusqu¹au complet
recouvrement de la souveraineté amazighe en terre amazighe.
Paris, le 2 janvier 2002
|
|
