Auteur: Amirouche
Date: 2001-12-20 03:06:32
Chanson chaouie
L’aliénation !
A-t-il été écrit quelque part que, pour s’affirmer, les chanteurs chaouis se devaient de “prêter” allégeance au chant moyen-oriental ?
Sont-ils contraints et forcés ? Sinon, croient-ils en un passage obligé via Le Caire ? Nous n’avons rien contre la culture égyptienne, bien au contraire ! La télévision de HHC nous a gratifiés, la veille de l’Aïd, d’un cocktail purement algérien et, le lendemain, d’une émission purement chaouie où les Bouzaher et autre Ali El-Khencheli ont brillé de mille étincelles aurésiennes. Une découverte et non des moindres, la voix sublime de la jeune lycéenne Imène qui a magistralement interprété Soussem Ala memmi (Oh, tais-toi Ala mon fils, ne pleure pas...). C’était réellement un moment de rare communion avec la culture authentique des Aurès. Avec une réelle prise en charge, cette chanteuse pourraît être la nouvelle star de la chanson chaouie. Cependant, ni les “rappels” à l’ordre de l’animatrice ni les avis répétés de Bouzaher n’ont dissuadé la jeune chanteuse qui a campé sur sa ferme décision de faire savoir qu’elle adorait la chanson moyen-orientale. Et elle s’est permise de “chanter” un passage qui, considéré dans le contexte, apparaît comme un vil intrus, voire une fausse note ! Encore une autre, aux dépens d’une culture millénaire.
Ce complexe que traînent les chanteurs chaouis tel “une boule de canon”, perdure si bien que nombre d’entre eux se recyclent derechef à la chansonnette arabophone, ce qui ne constitue point en soi une tare mais, de grâce, arrêtons de l’affubler du qualificatif “chanson chaouie”.
À ce que l’on sache, ni Khaled, ni Mami, ni Idir, ni Houria Aïchi n’ont eu à travestir leurs chants et à singer les autres. Hamid Baroudi a bien, au contraire, réussi le pari d’entraîner un Égyptien à chanter algérien. À l’heure où l’affirmation de soi passe par la fierté de son appartenance culturelle, certains sont encore aliénés par le chant des sirènes du Moyen-Orient.
Ce qui désole le plus c’est que le circuit culturel, pour ne pas dire le “showbiz” chez nous, est entre les mains des adeptes des “textes en bois” ronronnés à longueur d’occasions et qui n’ont de valeur qu’aux yeux de ceux qui les ont “pondus”, et encore ! Ce lobby n’a-t-il pas poussé à l’exil des stars affirmées et reconnues à l’heure actuelle au niveau mondial ? Une question mérite d’être posée, et maintenant : pourquoi les Fellag, Khaled, Mami, Baroudi et tous les autres ont-ils réussi ailleurs où les stars ne manquent pas ?
Comment ont-ils forcé l’admiration du monde (eh oui !) en créant un phénomène typiquement algérien et universel s’il vous plaît ? C’est qu’ils ont fait un choix crucial : ils ont préféré rester Algériens, chacun en s’identifiant à sa culture, à sa région. Ils ont rejeté de facto toutes formes d’aliénation.
Ne dit-on pas que le retour aux sources est une vertu ? Les chanteurs chaouis gagneraient à faire revivre les répertoires de Aïssa Djarmouni et les autres, en innovant sans pour autant singer les autres ! À méditer...
Imadghasen A.
Liberté du 20/12/01
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