Auteur: dingue
Date: 2004-12-03 22:24:51
Ferhat Mehenni : Avenir de la Kabylie
Conférence à Montpellier du 26/11/04
mis en ligne le mercredi 1er décembre 2004
Vendredi 26 novembre 2004 s’était tenue une conférence débat à Montpellier organisée par l’Association des Berbères de Kabylie (ACBK). Elle était animée conjointement par Ferhat MEHENNI, Hacène HIRECHE et Arezki METREF, modérateur de la rencontre. Nous avons le plaisir de vous livrer la déclaration préliminaire de Ferhat MEHENNI sur le thème : Algérie : quel avenir pour la Kabylie ? Nous espérons recevoir les déclarations des autres intervenants
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L’avenir de l’Algérie est, au plan intérieur, l’enjeu essentiel d’un combat politique entre la Kabylie et les forces qui ont une emprise sur le reste du pays. Ce dernier, acquis aux thèses arabo-musulmanes pour ne pas dires islamo-baassistes, chères au régime algérien, n’envisage d’autre avenir que son passé. Dans le meilleur des cas, nous ne sommes promis qu’au statu quo et au conservatisme. Les différentes élections qui se sont déroulées depuis la " démocratisation " de l’Algérie, survenue en 1989, le prouvent aisément. Elles ont le mérite de montrer que le seul dépassement de cette situation auquel aspirent nos compatriotes est celui qui les projetterait dans une théocratie, une sorte de nouveau califat. Ainsi, si les islamistes ont échoué dans leur tentative de prendre le pouvoir par la terreur, ils ont réussi par leur poids dans la société et leur infiltration dans les rouages de l’Etat à infléchir la ligne de conduite des dirigeants algériens et à s’imposer à ces derniers ! Leur volonté de faire de l’Algérie un bastion de l’islamisme. Entre le mouvement intégriste et les tenants du pouvoir, la lutte ne concerne plus le projet de société qu’ils ont en commun mais son leadership. C’est, en quelque sorte, la dynamique de la surenchère entre les communistes et les trotskistes. Dès lors que l’essentiel pour les deux camps est le pouvoir, ceux qui l’occupent n’ont aucun scrupule à caresser dans le sens du poil de ceux qui le leur disputent par leur charisme et leur profond ancrage populaire. Alors, plus nos gouvernants en font, plus ils doivent faire la preuve de leur sincérité à aller plus loin dans la même voie que leurs concurrents. La dérive est consommée. Il n’est plus question pour les deux protagonistes de défendre les valeurs de la démocratie, de la liberté et des droits humains mais de les combattre. Comme ces valeurs sont davantage revendiquées, portées et assumées par la Kabylie, celle-ci est devenue leur cible privilégiée.
Ceci est d’autant plus aisé que cette région frondeuse rejette autant l’arabisme du pouvoir que l’islamisme de la rue. C’est cette double opposition kabyle qui a permis depuis quelques années une alliance entre les tenants de l’arabisme qui tiennent en main les rênes du pays et ceux de l’islamisme qui veulent instaurer le règne de la charia’, la loi coranique. L’Algérie, avec son système actuel a donc de beaux jours devant elle. N’était le casse-tête kabyle, elle dormirait tranquillement sur ses lauriers. Ce qui est, par contre, plus préoccupant est l’avenir de la Kabylie. C’est un véritable cri d’alarme que les autonomistes en général et le MAK en particulier ne cessent de lancer depuis trois ans pour faire prendre conscience à toute la classe politique kabyle sur les graves dangers qui menacent sa région et son futur immédiat. Le printemps noir 2001 qui a vu plus de 120 personnes pacifiques abattues par les forces de l’ordre pourrait n’être qu’un signe avant-coureur d’un génocide à venir. Une Algérie démocratique aurait été plus salutaire pour tous mais en a-t-on vraiment le temps ? Rien n’est moins sûr. Le temps presse et nos acteurs politiques kabyles le savent mais n’en tirent pas toutes les conséquences. Leur stratégie, qui fait de la Kabylie le bastion de la démocratie devant déteindre sur son environnement, est aujourd’hui vouée à l’échec. Notre région s’est retrouvée isolée et désignée à la vindicte nationale par des médias tant publics que privés. En lui assignant une mission au dessus de ses moyens nos acteurs politiques finiront par tuer la poule aux œufs d’or. Le printemps noir, marqué par l’absence totale de solidarité des Algériens avec elle face au massacre de ses enfants est une manifestation édifiante autant de cette incapacité de notre région à influer sur son proche environnement que de l’échec de cette stratégie. En effet, si la Kabylie, depuis 1926 avec l’Etoile Nord Africaine, était le fer de lance du mouvement indépendantiste national contre le colonialisme français, elle n’a plus la force d’entraîner derrière elle le reste des Algériens. Il serait suicidaire de continuer à lui confier une mission impossible. Pourquoi ?
1- Les idéaux démocratiques de la Kabylie sont en porte-à-faux avec ceux nés de l’idéologie arabo-musulmane officielle et environnante.
2- L’isolement politique de notre région à l’échelle nationale est la conséquence de sa spécificité identitaire et linguistique. La kabylité, selon les " arabophones " porterait préjudice à " l’unité nationale ", ce qui est mal vécu par la majorité de nos compatriotes. Dès qu’un Kabyle, devant eux, assume son identité il est automatiquement taxé de raciste. Il n’est de bon Kabyle que celui qui ne l’est pas.
3- Les Kabyles sont un peuple qui aspire à sa reconnaissance et à son respect par le reste des Algériens.
4- Nous n’avons pas encore assisté à l’émergence d’une classe politique transcendant le régionalisme. Bref, l’Algérie n’est pas une nation aboutie, elle n’est qu’un pays où coexistent difficilement le Constantinois et l’Oranais qui, de temps en temps, se retrouvent ensemble contre le " péril kabyle ". L’antikabylisme actuel est le substitut de l’antisémitisme du temps où les Juifs vivaient encore en Algérie.
Pour donner toutes ses chances à la démocratie de s’enraciner sur la rive sud de la Méditerranée il n’y a pas trente six solutions. Seule une autonomie régionale en Kabylie est susceptible d’offrir cette possibilité. En effet, en recouvrant sa souveraineté locale, notre région se donnera les moyens appropriés- politiques, économiques, médiatiques, scolaires et culturels...- à même de lui permettre de diffuser autour d’elle les valeurs qu’elle a en partage avec l’Occident. De facto, l’autonomie régionale kabyle préfigurera un pays fédéré dans lequel l’émulation pour le développement économique induira une dynamique salutaire dans toutes les régions. Chacune d’elles aura le souci du bien être de ses enfants et œuvrera en faveur de leur liberté en consolidant la démocratie et la justice dans le respect des individus, des organisations et des communautés avec toutes leurs différences non oppressives.
— - Site web du MAK : http://www.makabylie.info
Pour contacter le MAK : info@makabylie.info
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