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Interview du Webmestre sur France3
 La parité kabyle
Auteur: sh 
Date:   2004-06-28 16:04:55

Algérie " Mais que vient faire une femme dans ces réunions ? "
En Kabylie, où le système patriarcal domine, même si les femmes enveloppées du voile islamique se font rares, elles sont sous l’emprise totale des pères, frères ou maris.

Envoyée spéciale.

La fontaine, c’est le sanctuaire des femmes. Implantée dans la plupart des villages de Kabylie, elle leur est exclusivement réservée, les hommes ne peuvent y accéder avant la tombée de la nuit. Chaque jour, vêtues de leurs robes aux couleurs chatoyantes, elles traversent les ruelles qui les mènent vers cet endroit caché par des figuiers, où elles lavent le linge et remplissent des bidons, voire des tonneaux d’eau de source, qu’elles trimballent sur le dos une fois la besogne terminée. Mais la fontaine demeure pour elles avant tout un moment de détente et de liberté. Vieilles ou jeunes, elles s’y retrouvent pour plaisanter, se confier ou commenter les derniers événements de leur village ou leur région, particulièrement denses depuis la création, en 2001, du mouvement citoyen.

Très impliquées dans ce combat pour la démocratie en Algérie et pour le respect de l’identité berbère, les femmes sont pourtant exclues des structures de ce mouvement et n’assistent pas aux assemblées générales des bourgades. Aucune d’elles ne compte parmi les 10 000 délégués élus des villes et villages de Kabylie. Une situation tacite, acceptée aussi bien par les hommes que par les femmes. À la fontaine, Tassadit, cinquante ans, tout en brossant un jean de son fils de trente ans, qui vit encore chez elle, répond : " Mais que va faire une femme dans ces réunions ? C’est honteux. " À côté d’elle, Lila, une jeune de vingt-huit ans, précise : " C’est honteux qu’une femme parle devant un homme. " Cependant, l’une et l’autre suivent quotidiennement l’activité du mouvement, participent aux tâches matérielles et, surtout, aident à la confection des repas quand, par exemple, les délégués des bourgades de sa commune se rassemblent dans leur village.

Ce jour-là, réunis à notre demande, quelques-uns d’entre eux abordent avec franchise cette absence du sexe féminin dans l’organisation de cette force, pourtant à l’avant-garde de la lutte contre l’oppression du pouvoir. Aziz, quarante et un ans, justifie : " Les femmes font leurs propres manifestations... " Rachid, vingt-six ans : " Notre mouvement s’inscrit dans la modernité, tout en gardant nos valeurs ancestrales. " Makhlouf, trente-deux ans : " Il est impossible, même si on le souhaite, de faire venir nos sours ou nos épouses aux AG. " Toufik, trente-sept ans : " Au niveau de la commune et du département, nous avons lancé un appel aux femmes. Ça n’a pas toujours pas abouti. La balle est dans leur camp. " Idir, quarante-cinq ans : " Il y a quand même des avancées : elles travaillent de plus en plus, font de longues études. Mais il y a sur nous une pesanteur sociale. Nous n’arrivons pas à casser ce tabou de la présence des femmes. Beaucoup de nos camarades estiment malvenu que ce cercle typiquement masculin soit investi par elles. "

Problème épineux dans cette Kabylie où le système patriarcal domine la société. Ici, si les femmes enveloppées du voile islamique se comptent sur les doigts de la main, elles sont sous l’emprise totale des pères, frères ou maris. Taos, sour de l’un des délégués, supporte de moins en moins la soumission : " Je me sens comme une prisonnière, tellement de choses nous sont interdites quand on est une fille. " À seize ans, elle s’accroche à ses études comme à une bouée de sauvetage qui la mènera vers la liberté. " Avec un diplôme, je pourrai enfin quitter le village. " Taos ne voit pas d’avenir pour elle dans ces bourgades de la région où on continue encore à féliciter une mère qui met au monde un garçon, à lui présenter les condoléances quand le bébé est de sexe féminin. " Dans les familles, explique Taos, il y a beaucoup de filles car tant que la maman n’accouche pas d’un garçon, elle ne prend pas la pilule. " À la naissance de l’enfant tant désiré, tous les habitants sont invités à la cérémonie. La mère devient ainsi une personne qui compte.

Dans le village de Taos, les femmes et les hommes se croisent sans se rencontrer. Quand le soleil décline, laissant la brise rafraîchir l’atmosphère, certaines campent en bas des maisons, d’autres, leurs tonneaux sur le dos, soutenus par de grosses ficelles, s’en vont papoter à la fontaine. Sur le chemin, des jeunes " tiennent les murs ", les plus âgés sirotent une boisson dans les sombres cafés ou jouent aux dominos. Un oil averti constatera forcément le respect d’une tradition qui veut qu’un homme et une femme doivent baisser la tête en se croisant. On ne se fait jamais la bise en public, même si l’on est frère et sour, cousin et cousine. Dans sa propre famille, Taos ne mange pas en présence d’un homme, fût-ce son frère. Mais elle précise que, dans ce domaine, les choses évoluent : " Ma sour, tente-t-elle de convaincre, prend ses repas à la même table que son époux. " Flagrante dans la sphère publique, la séparation des sexes est également codifiée dans le cercle familial. Certain(e)s s’en plaignent, sans oser l’enfreindre. Smaïl, un jeune de vingt-cinq ans, estime : " La frustration sexuelle s’ajoute à notre misère sociale. "

En Kabylie, le système patriarcal est à l’origine de l’absence des femmes dans les structures du mouvement citoyen. Belaïd Abrika, l’un de ses leaders, lui-même délégué d’une cité de Tizi-Ouzou, se dit " conscient de cette grande carence. Depuis 2001, date de la naissance de notre mouvement, nous avons fait six bilans dans lesquels nous mentionnons systématiquement ce problème. Jusqu’à présent, nous n’avons pas trouvé la formule nous permettant d’intégrer les femmes, ce qui ne veut pas dire que nous refusons l’égalité ". Son mouvement se trouve confronté à une situation qu’il n’avait pas imaginée au départ. En effet, les délégués représentent les habitants des villes et des villages qui les ont élus. Ils ne peuvent être mandatés par une formation politique, un syndicat ou une association. Or, les femmes susceptibles d’y être intégrées sont essentiellement militantes de ces organisations. De plus, la base du mouvement, qui y exerce une influence certaine, est-elle prête à élire des femmes pour la représenter ? Belaïd Abrika et ses camarades se prennent la tête pour tenter de résoudre cette situation préjudiciable à leur force.

M. K.




Article paru dans l'édition du 27 septembre 2003.
L'Humanité

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 La parité kabyle  nouveau
sh 2004-06-28 16:04:55 
 Re: La parité kabyle  nouveau
Mohand 2004-06-28 22:26:13 
 Re: La parité kabyle  nouveau
Sentinel 2004-06-29 14:02:36 
 Re: La parité kabyle  nouveau
ALKAPECA 2004-06-30 01:34:14 
 Re: La parité kabyle  nouveau
sh 2004-06-30 15:40:03 
 La grande parité kabyle  nouveau
Oumerri 2004-06-30 01:40:05 
 Re: La grande parité kabyle  nouveau
ALKAPECA 2004-06-30 12:14:12 
 Re: La parité kabyle  nouveau
ALKAPECA 2004-07-01 04:17:42 
 Re: La parité kabyle  nouveau
oumerri 2004-07-01 16:04:49 
 Re: La parité kabyle  nouveau
sh 2004-07-02 23:06:12 
 Re: La parité kabyle  nouveau
Mohand 2004-07-07 21:35:41 
 Re: La parité kabyle  nouveau
sh 2004-07-09 16:12:08 
 Un petit tour et ca revient ...  nouveau
[MarlboroMaN] 2004-07-09 13:26:36 
 Re: Un petit  nouveau
said hamidouche 2004-07-12 14:32:31 
 Re: Un petit  nouveau
iflis 2004-10-19 13:58:10 
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al djazaïri 2004-10-19 20:20:02 
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KARIM 2004-10-22 12:30:32 
 Re: Un petit  nouveau
said hamidouche 2004-10-25 14:31:26 
 Re: Un petit  nouveau
Mohand 2004-10-25 20:58:34 
 Re: Un petit  nouveau
said hamidouche 2004-10-26 13:22:58 
 Re: La parité kabyle  nouveau
seddiq u Baca 2006-02-27 19:06:53 

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