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Le Blog
Interview du Webmestre sur France3
 d'un amazigh à un autre
Auteur: dino 
Date:   2002-03-04 20:39:32

Lettre de Tahar Djaout à Mouloud Mammeri

Comme il va être dur de devoir désormais parler de toi
au passe! Quelques heures après ta mort, que ta
famille et tes amis ignoraient encore, un
universitaire qui venait d'assister à ce colloque
d'Oujda d'où tu revenais toi aussi m'entretenait de
toi. Il me disait, entre autres, que tu avais passe
sept heures a la frontière; trois heures et demie du
coté algérien et autant du cote marocain.

En dépit de ce que tu as donne à la culture
maghrébine, tu demeurais un citoyen comme les autres,
un homme qui n'a jamais demande de privilèges qui a,
au contraire, refuse tous ceux qui lui ont été
proposes.

Depuis le prix littéraire qui a couronne ton premier
roman et que tu as refuse d'aller recevoir, tu t'es
méfie de toutes les récompenses parce que tu savais
qu'elles demandaient des contreparties. Tu n'étais pas
de ces écrivains qui voyagent dans les délégations
officielles, dans les bagages des ministres ou des
présidents, et qui poussent parfois le cynisme jusqu'a
écrire, une fois rentres, des articles contre les
intellectuels aux ordres des pouvoirs !

Tes rapports avec le pouvoir (tous les pouvoirs) ont
été très clairs; une distance souveraine. Tu étais, au
lendemain de l'indépendance, président de la première
Union d'écrivains algériens. Mais le jour ou l'on
était venu t'informer que l'Union allait passer sous
l'autorité du Parti, tu avais remis le tablier avec
cette courtoisie seigneuriale qui t'est coutumière. Tu
n'acceptais aucune contrainte, aucun boulet a ton
pied, aucune laisse a ton cou. Tu étais par
excellence, UN HOMME LIBRE. Et c'est ce que AMAZIGH
veut dire. Cette liberté t'a coûte cher.

De toute façon, tu en savais le prix et tu l'a
toujours accepte. Tu as été peut-être le plus
persécute des intellectuels algériens, toi l'un des
fils les plus valeureux que cette nation ait jamais
engendres. Le soir ou la télévision avait annonce
laconiquement et brutalement ta mort, je ne pus
m'empêcher, en dépit de l'indicible émotion, de
remarquer que c'était la deuxième fois qu'elle parlait
de toi; la premiere fois pour t'insulter lorsque, en
1980, une campagne honteusement diffamatoire a ete
declenchee contre toi et la deuxieme fois, neuf ans
plus tard, pour nous annoncer ta disparition.


La télévision de ton pays n'avait aucun document a
nous montrer sur toi; Elle ne t'avait jamais filme,
elle ne t'avait jamais donne la parole, elle qui a
pérennise en des kilomètres de pellicule tant
d'intellectuels approximatifs, tant de manieurs de
plume aux ordres du pouvoir. Mais je vais clore la le
chapitre navrant et long des brimades. Ce serait faire
affront a ta générosité et a ta noblesse d'âme que de
m'attarder à l'énumération des injustices, des
diffamations qui glissaient sur toi comme de simples
égratignures, qui te faisaient peut-être mal a
l'intérieur mais ne transparaissaient pas.

Tes préoccupations étaient ailleurs, tu avais autre
chose a faire. Et puis, tu respectais trop les autres,
même lorsqu'ils te faisaient du mal. Sans avoir jamais
prétendu donner de leçon, ta vie, ton comportement,
ton courage et ton intégrité constituaient en eux
mêmes un exemple et une leçon. C'est pourquoi, toi
l'homme modeste et brillant qui ne se montre gene et
pris de court que lorsqu'il s'agit de lui-même, tu as
toujours été au cour de ce qui fait ce pays.

Et les 200 000 personnes venues de toute l'Algérie
escalader ces "chemins qui montent" pour t'accompagner
à ton ultime demeure au cour du Djurdjura témoignent
en quelque sorte de cela. Toi l'homme pacifique et
courtois, toi qui ne claques les portes que lorsqu'un
pouvoir ou une chapelle quelconque tente de
t'embrigader, tu as aide, non par des déclarations
fracassantes, mais par ta lucidité, par ton travail
intellectuel minutieux et soutenu, au lent cheminement
de la tolérance et de la liberté.

Qui peut oublier les débuts de l'année 80 ? Des hommes
qui nient une partie de la culture de ce peuple (tout
le monde heureusement a oublie leurs noms, car ce ne
sont pas des noms que l'histoire retient)
t'interdisent de prononcer une conférence sur la
poésie kabyle. De partout, de Bejaia, de Bouira, de
Tizi-Ouzou, la Kabylie se lève pour défendre ses
poètes. Et c'est toute l'Algérie qui, peu a peu, année
après année, rejettera les baillons, les exclusions,
les intolérances, la médiocrité et qui un jour
d'octobre descendra dans la rue pour l'affirmer en
versant une fois encore son sang. Toi, l'humaniste
sceptique et indépendant qui n'a jamais assené de
vérité, qui n'a jamais juge personne, tu étais,
presque malgré toi, en amont d'une prise de
conscience.

Et voici que nous devons désormais nous passer de ta
présence chaleureuse et brillante, de ta superbe
intelligence, de ta bonne humeur a toute épreuve, de
ton endurance physique (on peut difficilement
t'imaginer malade, par exemple) qui te faisait faire
des centaines de kilomètres par jour pour aller donner
bénévolement une conférence et remonter tout de suite
après dans ta voiture. Tu es mort au volant de ta 205
(une voiture de jeune) comme le jeune homme fougueux
que tu as toujours été. Sois rassure, Da Lmulud, la
dernière image que je garderai de toi ce n'est pas
celle, émouvante, du mort accidente que j'ai vu mais
celle de ce jeudi 16 février ou nous nous étions
retrouves avec d'autres amis a Ighil-Bwamas pour
discuter du tournage d'un film. Tu étais élégant et
alerte comme toujours, en tennis. Tu étais le premier
au rendez-vous. Tu nous plaisantais sur notre retard,
disant que tu croyais te tromper de jour. Tu étais
aussi le premier a repartir, toujours disponible et
toujours presse.

Tu avais beaucoup de choses à faire, à donner à cette
culture que tu as servie généreusement, sans rien
demander en retour, supportant au contraire avec
dignité les brimades que ton travail t'attirait. Tu
étais impatient en ce jeudi 16 février comme si tu
savais déjà que le temps pressait. Je te vois monter
dans ta 205 et démarrer bruyamment sur la route
difficile tandis que nous étions encore a bavarder.

C'était la dernière fois que je devais te voir vivant.
La jeunesse assoiffée de culture et de liberté t'a
toujours reconnu comme l'une de ses figures
symboliques, quelques intellectuels et artistes t'ont
toujours témoigne amitié, respect ou admiration dans
les moments les plus difficiles.

Mais ces derniers mois, c'est tout le monde
intellectuel et médiatique algérien qui a commencé a
comprendre ton importance et qui a recherche ton point
de vue. C'est vrai que certains médias, qui avaient
peur de "se compromettre", te sont demeures fermes
jusqu'a ta mort. Mais que de projets auxquels des gens
voulaient t'associer ! que de journaux t'ont
interviewe ! Et toi, porte et comme enivre par cette
brise de liberté, tu te démenais, tu prenais ta
voiture, sillonnais les routes et te rendais partout
ou l'on te sollicitait.

Oran, Ain-El-Hammam (ou tu devais rendre hommage a Si
Mohand ou Mhand et ou l'on t'avait offert un burnous),
Bejaia. Et enfin Oujda. Au mois de janvier, a Bejaia,
ta conférence sur la culture berbère a draine
tellement de monde qu'aucun édifice ne pouvait le
contenir. Et c'est dans le stade de la ville que des
milliers de gens t'ont écoute et ont discute de leur
culture. Quelle belle revanche sur l'interdiction de
ta conférence en 1980 ! Quel trajet parcouru depuis
cette date sur le chemin de l'expression libre !

Je te revois à cette époque ou nous préparions
l'entretien qui allait paraître aux éditions Laphomic.
Je me rappelle la vivacité de ton intelligence, ton
sens de la repartie, ta pudeur et ta gêne lorsque nous
sortions du domaine de l'esthétique ou des idées et
que je te demandais de parler de toi-même (ton combat
nationaliste, par exemple, ton militantisme au MTLD,
ce que tu as souffert durant la guerre, tu ne les
évoquais jamais même lorsqu'on te contestait ton passe
ou qu'on t'en fabriquait un autre). Je me rappelle
surtout ta jeunesse indéfectible. Je nous revois
prenant des glaces dans l'un de ces innombrables
salons de thé qui encombrent la rue Ben M'hidi ou dans
le café "Le Véronèse" a Paris.

Tu seras toujours près de nous, éternel jeune homme
des Ath Yenni et d'Algérie....

 Sujet Auteur  Date
 d'un amazigh à un autre  nouveau
dino 2002-03-04 20:39:32 
 Des amazighs passent la culture reste.  nouveau
Amirouche 2002-03-05 12:33:26 

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