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Le Blog
Interview du Webmestre sur France3
 Re: GUERRE DE "JUGURTHA" (suite)
Auteur: Ammar 
Date:   2002-02-12 12:47:38

Bonjour à toutes et à tous,
M'étant aperçu que mon était tronqué d'une bonne moitié, du à la capacité de mémoire des etxtes du forum, je jins la seconde partie.
Avec mes excuses et merci à tous.
A bientôt
mmar Negadi


III - Colonies phéniciennes.

Dès le XVIè siècle av. J.C. des colonies phéniciennes vinrent s’établir sur la côte orientale de l’Afrique du Nord. Ces Phéniciens, issus d’un petit pays coincé entre la mer et la montagne (le Liban actuel), aux cités-royaumes autonomes, menacé souvent par de puissants voisins (Assyriens...). Leur pays ne pouvait donc les absorber tous. L’excédent de population fut contraint de se tourner vers la mer d’abord pour survivre et ensuite pour émigrer. C’est ainsi que les îles proches furent peuplées ou reliées au continent, puis ce fut le tour de Chypre, etc. Tour à tour les Phéniciens émigrèrent en Israël, en Egypte et autres îles méditerranéennes. Mais ce fut dans l’est de l’Afrique du Nord (l’actuelle Libye) qu’ils connurent le plus grand essor. Cependant, durant des siècles aucune de ces colonies en diaspora ne put s’affranchir de la tutelle d’une de leurs cités-mères : Tyr. Seule Carthage osera le faire, comme elle s’imposera par la suite aux autres colonies sœurs.

C’est vers la fin du IXè siècles av. J.C. (- 814) que pour la première fois une importante colonie phénicienne vint émigrer en Afrique du Nord. Contrairement aux tentatives précédentes, nous avons cette fois-ci affaire à un déplacement d’un «mini Etat» ; car il y avait là une princesse avec son conseil et sa cour, sa noblesse, ses bourgeois, son clergé et ses femmes et filles. Il s’agissait pour la première d’une véritable colonie de peuplement. dirigée par Elissa, ou Didon selon d’autres sources, une princesse de Tyr (Liban), fuyant la tyrannie de son frère, roi de Tyr qui fit exécuter son époux. Elle conclut une alliance avec la noblesse et surtout le clergé, dont elle rend la charge héréditaire ; en échange de quoi ce clergé se fera accompagner de quatre-vingt jeunes filles destinées à la prostitution sacrée. Elissa vint donc avec tout son peuple s’établir non loin de Tunes (l’actuel Tunis) et pas trop loin non plus d’une ancienne colonie phénicienne précédemment établie plus à l’ouest : Utique.

Selon l’historien latin Justin, Hiarbas (ou Iharban), l’aguellid local, roi des Maxitani, exigea, en échange du territoire consenti sur son royaume, un tribut que les Carthaginois honorèrent pendant trois siècles. Le même auteur affirme qu’Elissa préféra se donner la mort, en se jetant dans les flammes, plutôt que de devenir l’épouse d’Hiarbas.

Bien plus que par l’Alphabet, dont ils seraient les présumés inventeurs, les Phéniciens se firent connaître surtout comme de bons navigateurs et d’excellents marchands. Ingénieux, industrieux, entreprenants, leur cabotage maritime et leurs activités marchandes, surtout le troc, s’étendaient à toute la Méditerranée tant au Nord qu’au Sud. Longtemps la côte nord méditerranéenne fut le domaine exclusif des Grecs. Ce monopole sera battu en brèche par les Carthaginois. On a remarqué à propos des comptoirs phéniciens qu’ils étaient tous plus ou moins distants à une journée de navigation les uns des autres : chaque nuit les bateaux devaient mouiller et se mettre à l’abri (c’est ce qui donna le nom d’ « Echelles puniques » à ces localités). Cela supposait également qu’ils devaient naviguer à vue, pas trop loin des côtes et rarement sinon jamais de nuit.

D’abord «locataires» des ports où ils relâchaient, les Carthaginois finirent, au bout de trois siècles par s’emparer, grâce à quelques alliances locales, de quelques territoires limitrophes de Carthage et c’est ainsi que se constitua peu à peu «l’empire carthaginois». Après le déclin des peuples de la mer : Etrusques et Crétois, Carthage se heurta aux Grecs qu’elle évinça de la Méditerranée sauf de la Sicile partagée en deux et de Marseille où ils coexistaient sur le qui-vive. Mais Carthage sera très vite confrontée à un autre impérialisme naissant : celui de Rome.

Tant que Carthage fut puissante, elle se tourna vers la mer et le commerce maritime, délaissant l’intérieur du pays, trouvant plus profitable de faire payer tribut aux Aguellids locaux tout en réalisant de substantielles affaires avec la vente de sa pacotille aux populations de l’hinterland. Mais après son recul en Méditerranée, après sa défaite à Himère face aux Grecs en Sicile (- 480), puis les accords contraignants qu’elle dut consentir à Rome ensuite, firent de Carthage une puissance en voie de marginalisation. Elle fut donc amenée, pour compenser la perte de son commerce, à devenir une puissance «terrestre» et à entreprendre la colonisation de la Numidie orientale... En fait cette conquête fut plus longue qu’on ne l’a cru d’abord. Elle prit bien souvent l’aspect d’alliances multiples entre «nobles» carthaginois et familles princières numides : économiques, militaires, sociales (que de chefs Numides n’ont-ils pas été pourvus en princesses carthaginoises !). Avec ses filles, Carthage, outre qu’elle scellait de solides alliances, propageait également sa culture : croyance, langue, industrie... (la femme/la mère a toujours été le plus grand vecteur de propagation et de préservation d’une culture). Bref, son influence ne cessa de croître au sein d’une élite africaine qui ne cessera de se puniciser. Inversement, c’est l’apport amazigh qui fit de Carthage une cité avec un peuple à part, différent de ses origines. Carthage devint une puissance militaire contrairement aux autres cités puniques demeurées purement maritimes et marchandes. Cela aussi est l’apport amazigh.

Cette colonisation carthaginoise va donc se maintenir et s’appuyer sur l’élite amazigh locale. Mais très vite une République d’aristocrates marchands, succédant au pouvoir royal, va entreprendre la spoliation de grandes surfaces à l’intérieur du pays et constituer de vastes domaines latifundiaires. Cette confiscation se fera au profit d’une oligarchie de marchands relativement ruinés par leur éviction du marché maritime méditerranéen. Cette caste, grâce au soutien de la féodalité amazigh, imposera aux populations, qu’elle réduit en esclavage, une monoculture dominée notamment par le blé ; elle fut en cela l’initiatrice d’une « économie spécialisée » extravertie destinée à l’exportation. De plus, là où sévissait son pouvoir, elle porta un rude coup aux structures communautaires et tribales. Elle entreprit même des « déportations » massives de populations vers ses centres de cultures. Et l’introduction de cet « esclavage », induisant une main d’œuvre pléthorique et presque gratuite, bloqua tout progrès dans les techniques agricoles et industrielles.


IV - Royaumes Imazighen.

Du IXè siècle au IVè siècle av. J.C., tant que les Carthaginois étaient peu nombreux et ne constituant pas une menace, les Aguellids se contentèrent de percevoir un impôt sur Carthage sans songer à se fédérer en de véritables royaumes. Jusque-là donc n’existait pas un grand royaume amazigh mais une multitude de principautés numides plus ou moins alliées, plus ou moins opposées. Dès lors que Rome et Carthage entrèrent en conflit pour leur hégémonie en Méditerranée au détriment de la Grèce (jusqu’à la deuxième guerre punique -264 / -241), des royaumes imazighen se constituèrent comme une réponse à cette menace. C’est ainsi qu’apparurent d’Est en Ouest : le royaume des Massyles comprenant le Constantinois avec l’Aurès qui en constituait le réservoir en hommes et en moyens (d’ailleurs selon certaines sources, les Massyles seraient originaires de l’Aurès où le nom Mcil -oued Mcil- subsiste de nos jours), et une partie de la Tunisie; le royaume des Massaesyles qui englobait les hautes plaines de Sétif à l’Oranie en passant par l’Algérois ; et enfin le royaume de Maurétanie qui correspond à l’actuel Maroc jusqu’à la Moulouya. Carthage avant sa chute (-146) ne contrôlait plus que la partie nord-est de la Tunisie, alors que le royaume Massyle, s’étant agrandit au détriment des Massaesyles, allait de la Libye à la Moulouya.

Ces royaumes étaient-ils si puissants pour représenter une menace contre Carthage ? Il semblerait au contraire que celle-ci les ait « tolérés » et recourue à leur service aussi bien dans ses guerres étrangères, que pour agrandir ses possessions ou maintenir dans la soumission des populations réduites en esclavage. Ces royaumes n’exerçaient-ils leur puissance que pour se nuire et se neutraliser mutuellement ? En effet, certains épisodes de l’histoire semblent confirmer cela puisqu’ils furent souvent en lutte les uns contre les autres au lieu de s’unir contre l’ennemi commun. Enfin leur formation «tardive» n’était-elle pas le signe avant-coureur de leur faiblesse et de leurs échecs futurs face aux dominations étrangères ? Toutes questions qui demeurent sans réponse et qui sont toujours d’actualité.

L’histoire de la formation de ces royaumes est encore mal connue. Leurs fondateurs, comme leurs successeurs, n’ayant jamais éprouvé le besoin d’écrire leur histoire pas plus que celui de laisser des documents ou des traces de leurs œuvres, de leurs projets, des buts poursuivis... Aussi le peu que nous savons de ces royaumes nous vient de ce que les autres ont écrit sur eux. Les autres étant essentiellement les Grecs et les Romains. Et encore cela ne concernait-il que la partie qui leur était connue, accessible ou avec laquelle ils étaient en conflit : en gros le Nord-Est de l’Afrique du Nord. Celle où Carthage était prépondérante, donc mieux intégrée dans les échanges commerciaux méditerranéens. Même là encore, c’est davantage l’histoire de Carthage, ou de tout autre occupant, qui nous est contée plutôt que celle de la population autochtone proprement dite. Celle-ci apparaît en décor, en arrière, en filigrane, simple auxiliaire dans les différents conflits. G. Camps a parfaitement résumé cette situation en écrivant :

«On serait tenté de dire que l’histoire de l’Afrique du Nord et du Sahara n’est que l’histoire des conquêtes et des dominations étrangères que les Berbères auraient subies avec plus ou moins de patience. Leur rôle dans l’histoire se serait borné à une «résistance» dont le maintien de la langue, du droit coutumier et des formes archaïques d’organisation sociale constitue le plus beau fleuron... En fait on pourrait inverser les prémisses et demander comment des populations aussi malléables aux cultures étrangères, au point que certaines sont devenues tour à tour punique, romano-africaine, arabe, ont pu rester aussi fidèles à leurs coutumes, à leur langue, à leurs traditions techniques, en un mot rester elles-mêmes. C’est cela être berbère... Condamner les Berbères à un rôle passif, c’est-à-dire quasiment nul, on ne voyant en eux qu’une infatigable piétaille et une bonne cavalerie au service de dominateurs étrangers, même si on reconnaît que ces contingents furent les vrais conquérants de l’Espagne au VIIIè siècle et de l’Egypte au Xè siècle n’est qu’une aberration non dépourvue de racisme.»

Malgré la rareté des sources concernant la formation des royaumes imazighen, on peut affirmer sans être démenti que pour certains, celle-ci remonte à la nuit des temps comme nous l’avons vu pour les Lébous et Hiarbas. Mais sans remonter si loin, il est incontestable que des royaumes, dépassant la fédération de tribus, s’étaient constitués dès le IIIè siècle av. J.C. Ces royaumes, avec des fortunes diverses, demeurent en gros dans les limites géographiques décrites plus haut. Et qu’en dépit du relief accidenté, de la rareté des voies de communications, des liaisons soutenues existaient déjà entre les différentes régions des trois royaumes. Parfois unis, parfois (et souvent) en guerre, ces royaumes dessinèrent l’ébauche d’un empire à l’existence hélas éphémère.

Tel était certainement le cas du royaume des Massyles.


V - Dynastie Massyle

A la mort de son père, Gaya roi des Massyles, Massinissa, après bien des péripéties (v. supra), jouant habilement des rivalités opposant Rome et Carthage, va se tailler au détriment de son cousin Syphax, roi des Massaesyles, un vaste royaume qui s’étendra progressivement depuis le Maroc jusqu’en Cyrénaïque et cela dès -160. Pour ce faire, Massinissa dû heurter les structures et l’idéologie communautaires basées sur l’appropriation collective des terres et des troupeaux, sur la coopération (entraide -twiza-) et l’égalitarisme parfois neutralisant. Il y parviendra dans les plaines côtières et autour des villes où la chose fut relativement aisée. Depuis longtemps en effet sous l’influence de Carthage et de son commerce, les structures communautaires étaient sérieusement entamées. L’apparition de privilégiés accaparant le surproduit de la communauté rendait vain le principe d’égalité entre clans d’une même tribu, et illusoire la démocratie traditionnelle au sein des assemblées. C’est ainsi qu’il devint fréquent que le représentant de la famille, ou du clan le plus riche, qui est aussi le plus puissant, fut choisi comme patriarche (ou « guide ») de la tribu ou du village. En cas de danger imminent plusieurs villages ou tribus s’unissaient en désignant comme chef celui dont la famille était la plus puissante. La famille des Massinissa était une de ces puissantes familles.

Avec lui une première entorse sera introduite dans le système de transmission du pouvoir qui était, jusque là, par filiation agnatique. Massinissa prit le titre d’aguellid qui revenait en principe à un de ses oncles plus âgés. Ensuite, à l’exemple des princes puniques, il rendit son pouvoir héréditaire puisqu’il transmettra son trône à ses fils. Il est à noter que cette même évolution vers une monarchie héréditaire et transmissible se dessinait également dans le royaume voisin où Syphax associait son fils, Vermina, à son règne. Massinissa, comme Syphax, avait une monnaie à son effigie. Cette évolution se retrouvera plus tard chez Bukhus. Bref, l’Afrique du Nord s’acheminait vers la constitution de royaumes stables, aux frontières bien définies, avec des monarchies héréditaires et la constitution de Conseil d’Etat (les Quarante) composé par les notables des tribus. Cette évolution est en soi discutable mais très positive dans la mesure où il y a une rupture avec le système ancien qui laissait la porte ouverte aux contestations, à la rébellion, à l’anarchie où chaque agnat d’une fraction opposée pouvait se prévaloir du titre d’aguellid ; c’était l’affaiblissement de tous.

Malheureusement cette expérience sera de courte durée. Très tôt les Romains sauront y mettre un terme. C’est en cela aussi qu’il faut comprendre la lutte de Yughurthen.


VI- Colonisation romaine.

On a vu que, à la faveur des guerres puniques ou parallèlement à celles-ci, des royaumes imazighen se constituèrent dès le IIIè s. av. J.C. mais que ceux-ci auront fort à faire avec les Carthaginois mais surtout qu’ils auront une brève durée dès l’instant où Rome supplantera Carthage en Afrique.

Les guerres que se livrèrent Romains et Carthaginois se terminent par la destruction de Carthage en -146. Toutes les raisons invoquées n’expliquent ni ne justifient un tel acharnement de la part des Romains si ce n’est leur volonté de raser Carthage afin d’éliminer toute tentation de ressusciter celle-ci. Par cet acte horrible, les Romains voulaient donner une démonstration à titre préventif pour quiconque s’opposerait à leur dessein mais également saper toute velléité chez les aguellid de restaurer la puissance carthaginoise. C’est à partir de cette époque que les Romains, après avoir occupé Utique et annexé le territoire de Carthage, occuperont progressivement toutes les grandes villes d’Afrique du Nord dès la mort de Misibsen, à l’exception des montagnes, des zones désertiques et du désert lui-même dont ils se protègeront par un cordon : le Limes.

Si la colonisation romaine fut lente, hésitante et parfois contradictoire. Cela était dû en grande partie aux difficultés que leur opposèrent les Imazighen. A chaque fois, il leur fallait mâter une révolte. A peine tel feu éteint, une autre région s’embrasait. Peu à peu, maîtrisant un peu mieux la géographie et le climat, s’adaptant à la mentalité locale, enserrant le pays par une chaîne de fortifications pour se protéger des incursions de tribus toujours libres et rebelles, c’est ainsi que les Romains établirent un limes qui allait, en gros des confins tuniso-libyens et longeant la ligne nord des Chotts, contournant les Aurès par le Sud, il parvenait dans les Hauts Plateaux pour suivre la vallée sud du Chéliff et aboutir à la Moulouya. Aux points stratégiques et partout où cela s’avérait indispensable, ils établissaient des postes de contrôle et des garnisons avec des colons-soldats composés par des vétérans et de jeunes recrues souvent issues du terroir et parfois d’auxiliaires étrangers, dont le but principal était de surveiller les voies de communications, l’accès aux marchés mais surtout de propager la culture et « l’ordre » romains dans les campagnes et chez les populations alentours ; enfin ce limes servait aussi à la défense de l’empire contre les fréquentes attaques des Imazighen non pacifiés notamment les Gétules et les Maures. Cet exemple inspirera le général Bugeaud avec ses « soldats-laboureurs ».

Les Romains ne créèrent pas beaucoup de nouveaux centres de colonisation, ils se contentèrent d’établir des colonies dans les cités puniques et imazighen préexistantes. Partout où cela leur fut possible, ils préférèrent l’administration indirecte. Les tribus imazighen sous leur contrôle avaient leurs propres chefs nommés par Rome, ils recevaient un bernus (dont les Français ont fait burnous) rouge et un bâton d’ivoire comme attribut de leur pouvoir, mais dont le titre et le pouvoir devinrent avec le temps héréditaires. L’assemblée des anciens n’avait plus qu’un rôle consultatif... Bref la même situation qu’adoptera la France avec ses caïds (et leurs différents burnous bleus, rouges... ) et réduisant la «djémaâ» à un simulacre de démocratie.

La politique de confiscation des terres entreprise sous Carthage va se poursuivre sous les Romains. De grandes propriétés furent distribuées aux sénateurs ou intégrées au domaine impérial. Des tribus entières furent déplacées et cantonnées dans des terres incultes ou insuffisantes, fournissant ainsi une main d’œuvre à bon marché aux compradores romains et imazighen. D’autres tribus furent refoulées au-delà du limes, toujours plus au Sud, accroissant ainsi les populations nomades et transhumantes. Quant aux paysans qui restèrent sur leurs terres, ils ne purent survivre qu’en devenant des ouvriers agricoles : ancêtres de nos Khamès de l’époque coloniale. Ils étaient doublement exploités par les fermiers qui eux-mêmes l’étaient par des propriétaires qui parfois n’habitaient même pas les lieux. Des intendants représentants le maître étaient chargés de récupérer la récolte pour le compte des fermiers. Ils avaient à leur disposition une ‘police et un appareil bureaucratique... ’ si l’on peut dire.

Ainsi la Tamazgha s’orientait de plus en plus vers la monoculture (blé, huile), déjà entreprise sous Carthage, fournissant ainsi à Rome les deux tiers de ses besoins en blé et en huile d’éclairage. Mais elle fournissait également à Rome du vin, du marbre, du bois, du cuivre sans oublier les bêtes sauvages pour ses cirques ! Cette exploitation intensive entraîna la disparition d’espèces animales mais surtout la destruction de l’environnement par la réduction des surfaces boisées au profit de la céréaliculture ce qui, conjuguée à l’action du nomadisme forcé (tribus refoulées au sud), accélère la déforestation d’où l’érosion des sols et une désertification induisant un bouleversement climatique notamment par la diminution des précipitations. Tout cela n’était pas fait pour arranger un système écologique des plus fragiles. Cette dégradation loin d’être stoppée s’est continuellement poursuivie jusqu’à nos jours et nous en mesurons les conséquences... le désert est aujourd’hui à 100/150 km à peine de la mer !

Si Carthaginois et Romains communiquèrent un savoir-faire dans le domaine agricole, c’était avant tout en vue d’une meilleure exploitation et un meilleur rendement de leurs domaines. Comme des quelques ouvrages hydrauliques réalisés surtout au temps de Carthage et entretenus ensuite par les Romains, ces aqueducs n’intéressaient que leurs cités. Il en va de même de la culture punique ou romaine, celle-ci ne toucha qu’une infime frange de la population, celle qui vivait dans les cités et une élite amazigh intégrée. Quant au reste de la population, c’est-à-dire la grande majorité, elle garda sa langue et sa culture propres.

Tout cela n’allait pas sans susciter une résistance de la part des Imazighen. Malheureusement cette résistance souffrit dès le départ de la division comme aiment à le souligner avec insistance certains historiens. Rome, comme hier Carthage, sut utiliser les antagonismes et les rivalités, quitte à les attiser, entre les princes et les tribus. Hier Carthage utilisa Syphax contre Massinissa lequel servit Rome pour combattre Syphax et Carthage. La révolte des mercenaires imazighen dirigée par le libyen Matho fut matée par Carthage grâce aux troupes imazighen de Naravas (que Flaubert appelle Narhawas dans son roman Salombô) à qui Hamilcar promit la main de sa fille ; c’est avec le concours de Massinissa que Rome défit l’armée d’Hannibal à Zama. C’est pour Hannibal ou pour Rome, c’est-à-dire toujours pour les autres, que la cavalerie et les fantassins numides serviront en Espagne, en Gaule, en Germanie, en Angleterre, en Orient, pour la grandeur de l’un ou de l’autre. Souvent, lors de grandes batailles décisives, enlevez l’encadrement et quelques troupes insignifiantes, et vous ne trouverez que des troupes numides de part et d’autres qui s’entre-tuent pour la gloire de leurs mortels ennemis !

Donc Rome, redoutant la naissance d’un grand royaume numide, ne permit pas à Massinissa de mener une politique d’indépendance. Ce dernier en adoptant le modèle politique et économique légué par Carthage, bien que tempéré par quelques saupoudrages grecs (une manière chez lui d’observer une certaine équidistance entre Athènes et Rome), se coupa des ‘masses populaires’ d’autant plus facilement que celles-ci étaient éloignées des cités et des centres du pouvoir. Aussi Massinissa ne put réellement s’appuyer sur cette population lorsque vers la fin de son règne il entreprit de rendre «l’Afrique aux Africains» comme il aimait à le répéter selon l’historien Polybe. Sous son règne, la Tamazgha était déjà le grenier de Rome et son auxiliaire dans toutes ses guerres. Là aussi les avis divergent quant au rôle exact de Massinissa : a-t-il servi les Romains ou s’en était-il servi pour asseoir sa puissance ? Sans être en mesure de trancher, disons que Massinissa, compte tenu des moyens dérisoires dont il disposait et ce à quoi il exposait son royaume, ne pouvait pas se permettre le moindre écart vis-à-vis de Rome et donc, il ne pouvait agir que comme il l’avait fait. Par contre ce qui paraît le plus regrettable, c’est que l’on n’ait pas poursuivi et approfondi son œuvre.

A la mort de Massinissa, Rome tentera de pousser au partage du royaume entre ses trois fils, mais l’aîné, Misibsen, réussit à le préserver uni. Son successeur, Yughurthen après avoir éliminé ses rivaux, lutta durement pour maintenir l’indépendance et empêcher le démembrement de son royaume. Il sut utiliser les rivalités internes romaines et leurs difficultés extérieures ; mais le répit fut de courte durée. L’impérialisme romain ne pouvait souffrir la présence d’une riche contrée sans en tirer parti. Aussi Yughurthen dut soutenir une longue et coûteuse guerre de sept ans contre les Romains. Il ne succomba que par la trahison de son beau-père Bukhus 1er, roi de Maurétanie. Après sa défaite et durant un demi-siècle, la Tamazgha fut divisée en quatre royaumes ayant à leur tête des rois fantoches. Hiarbas, un petit-fils de Massinissa, réussit pour une dernière fois, à la faveur des rivalités au sein du Sénat romain, à reconstituer le royaume amazigh. L’armée romaine le renversa. Désormais s’ouvrait l’ère des rois-collabos et ce jusqu’à l’arrivée des Vandales.

VII - Peuple Amazigh.

L’emploi fréquent du terme «peuple amazigh» n’est pas à interpréter comme une notion monolithique, figée, mais à relativiser en y apportant les correctifs nécessaires. De par sa longue histoire et son extension dans le temps et l’espace, le peuple amazigh, tout en étant UN, ne peut être que divers. Divers dans son habitat comme dans son mode de vie, parce que parfois coupé, fragmenté, isolé, opposé en de multitudes, etc. Ce peuple peut paraître pour certains, étrangers à la contrée et au jugement superficiel, comme une « mosaïque de peuples juxtaposés »... Ce qui est absolument faux. Certes il peut y avoir autant de différences entre les montagnards sédentaires et les nomades, entre les « ksouriens » des oasis, les habitants des grandes plaines (parfois transhumants dans l’Atlas saharien) et les pêcheurs du Sous et de Mauritanie, etc. A cette diversité apparente s’en est ajoutée une autre, bien plus pernicieuse : le monde amazigh est divisé depuis trois à quatre bons siècles en Etats qui ont sécrété chacun ses chauvinismes, nationalismes et autres particularismes que la parenthèse coloniale n’a fait que renforcer. Et depuis l’indépendance des uns et des autres, ces Etats, loin de se rapprocher, sont davantage opposés que solidaires, avec des politiques souvent hostiles et des économies concurrentes au lieu d’être complémentaires…

Quant aux élites intellectuelles ou bourgeoises de ces Etats, hier comme aujourd’hui, elles semblent n’avoir aucun souci de l’intérêt amazigh. Au contraire, tous les dirigeants de ces pays lorgnent vers des horizons lointains ; tous obéissent aux ordres de l’étranger qui n’a nulle intérêt de voir émerger une puissance amazigh. A ce propos, plutôt que le cartel de chefs d’Etat instituant l’Union du Maghreb Arabe (UMA), nous aurions préféré l’Union du Peuple Amazigh (UPA) terme plus réel et plus approprié.

Cependant si le peuple amazigh est riche de sa diversité, il n’est pas non plus cette « nation en formation » expression chère à Maurice Thorez , ni cette « mosaïque de minorités », ni ces « îlots fragmentés » que se complaisaient à décrire les socio-anthropologues du temps de la « splendeur coloniale » et de ses empires peuplés de « bons sauvages ». Le peuple amazigh ne constitue pas pour autant une « race » qui serait opposable à d’autres races peuplant l’Afrique du Nord. La notion de race appliquée à l’humanité n’a aucun fondement historique et encore moins scientifique ; c’est même une idée philosophique erronée et dans ce cas précis, c’est faire preuve de racisme. Non, le peuple amazigh est formé par un brassage de populations, peut-être d’origine commune, qui s’est stabilisée entre le paléolithique et le néolithique. D’ailleurs aucune nation ni peuple ne sont exempts de tels brassages. Quant aux «mélanges» qui interviendront dans les temps historiques relativement «récents», ils sont si insignifiants qu’ils ne méritent même pas d’être mentionnés.

Ainsi constitué depuis fort longtemps, ce peuple n’a pas attendu l’arrivée des Phéniciens pour pratiquer l’élevage, l’agriculture, la construction de chars ou l’usage de l’écriture. En effet «l’archéologie témoigne que ni le blé, ni l’olivier, ni le figuier, ni la vigne ne sont d’importation phénicienne. La sédentarisation est un fait bien antérieur au 1er millénaire, et l’hydraulique en général ne doit pas plus aux Phéniciens qu’aux Romains». Il en est de même de la domestication du cheval bien antérieure à l’arrivée de ces deux peuples et peut-être même du dromadaire en Tripolitaine, entré naturellement par les déserts libyques puis domestiqué. Les Imazighen n’ont jamais accompli un saut dans l’histoire comme l’affirme St Gsell. La découverte de gisements de cuivre et d’étain, l’existence de chars (dont l’attelage servira de modèle aux Grecs selon Hérodote), connus bien avant les Phéniciens et dont la construction nécessitait l’usage des métaux. La preuve en est fournie par les gravures rupestres du Sahara qui détruisent la théorie de St Gsell selon laquelle les Imazighen auraient « sautés » l’âge du cuivre et du bronze !

Les Imazighen sont donc historiquement le peuple le plus ancien et le plus stable de l’Afrique du Nord. S’ils ne forment pas à l’origine un «bloc racial unique et pur», ils n’ont pas moins forgé une unité culturelle et linguistique incontestable. Des îles Canaries à l’oasis de Siwa (en Egypte) et de la Méditerranée aux rives du Niger, voici la région qui fut et demeure l’aire d’habitat naturelle et traditionnelle des Imazighen. Cultivateurs et arboriculteurs au Nord (la zone humide avançait alors plus au Sud), pasteurs, chasseurs et transhumants dans ce qui est un désert aujourd’hui et qui fut une zone de steppe et de savane (là encore, les gravures rupestres du Sahara et de l’Atlas saharien l’attestent). Cet ensemble de traits communs se trouve également attesté par la toponymie sur ce vaste ensemble géographique qui ne peut se comprendre qu’en recourant au libyque, c’est-à-dire à tamazight.

Dire que le peuple amazigh n’est «entré dans l’histoire» qu’avec l’arrivée des Phéniciens pour les uns ou des... Arabes selon d’autres, comme s’il n’existait pas auparavant ! Dire qu’il est le peuple le plus beau, le plus fort, le plus noble... ; dire qu’il est d’une intelligence supérieure ou de même nature que celle des Européens, donc plus proche des Occidentaux ; dire qu’il est blond aux yeux bleus ; dire qu’il est frappé d’une inaptitude congénitale à s’unifier, s’organiser et se constituer en Etat ; dire qu’il y avait une harmonie préétablie entre son génie et celui des Arabes, d’où la «facilité » avec laquelle ces derniers le subjuguèrent ; dire que sa résistance à l’invasion arabe n’était que le fait de quelques tribus judaïsées ; dire de Yughurthen, ce «Bourbon africain» ; dire que c’est un peuple élu ou que c’est le dernier des peuples, etc. Dire tout cela et bien d’autres inepties dans ce genre...

Et elles furent toutes dites et écrites hélas ! Cela relève de l’ignorance, du racisme ou tout simplement de la bêtise.

Après de semblables affirmations, toutes aussi péremptoires les unes que les autres mais toutes aussi démentielles, succèdent alors des questions tout aussi baroques du genre quel est-il ce peuple amazigh ? D’où vient-il ? Qu’a-t-il de spécifique ? Ainsi est-on arrivé à créer l’énigme amazigh ! Pourtant ces questions peuvent être posées à propos de tout autre peuple y compris à propos de l’humanité entière !

Pourtant ces questions on ne les pose pas à propos des Grecs, des Phéniciens, des Romains, des Arabes, des Gaulois, etc. ! Les pose-t-on à propos de ces Européens qui, une fois l’Atlantique franchi, se proclament Canadiens, Mexicains, Américains, Brésiliens... ? Ces peuples qui ne sont en réalité que des «Pieds-Noirs», affranchis de leurs mères patries d’origine et se taillant des Etats en exterminant les peuples autochtones : les Indiens...

Au nom de quoi se permet-on de s’interroger sur l’origine, l’identité, l’authenticité, d’un peuple plutôt que sur un autre ? En vertu de quoi se permet-on de mettre en doute non seulement la légitimité d’un peuple et jusqu’y compris son identité ? D’où viennent cette arrogance, cette haine, ce mépris pour tout ce qui touche au peuple amazigh ? Ce peuple aurait-il usurpé quelque chose ? Aurait-il violé, dérobé un secret absolu ? Est-il un envahisseur, un extra-terrestre, aurait-il commis des crimes terribles... ? Alors que ce peuple, plusieurs fois millénaires, solidement ancré sur son territoire et dans sa culture, inébranlablement attaché à son identité, qui, très tôt, a démontré ses capacités d’organisation sociale et économique, qui a fait preuve de création et d’ingéniosités qui firent de lui, dès l’antiquité, l’égal des grands peuples de l’époque au moment même ou bon nombre de Nations, aujourd’hui arrogantes, n’existaient pas en tant que Nations ni en tant qu’Etats mais seulement à l’état de peuplades éparses, disparates ; c’est-à-dire qu’elles étaient encore sauvages ; presque au seuil de l’humanité !

Non, le peuple amazigh est un peuple comme tant d’autres ; parmi tant d’autres. Il a ses qualités et ses défauts. Il a eu ses victoires et ses défaites. Il n’est ni meilleur ni pire que d’autres ; il n’est ni plus beau ni plus laid que d’autres ; pas plus qu’il ne serait supérieur ou inférieur à quiconque. C’est un peuple comme tant d’autres, parmi tant d’autres. Comme il n’a rien à envier à d’autres nations. Il aurait même certainement plus de chance à exploiter les richesses dont la nature l’a dotée lui-même et son pays. Son drame et son malheur est qu’il n’éprouve aucune haine envers les autres peuples y compris envers ceux qui lui firent le plus de mal et dont il aurait de quoi se plaindre à juste titre. Contrairement à d’autres peuples, le peuple amazigh ne connaît ni ressentiment ni esprit de revanche, parce qu’il oublie facilement et pardonne de même. Peut-être est-ce là son tort ? Il ne poursuit ni ses criminels ni ses bourreaux ; pas plus qu’il n’oserait réclamer une dette de guerre ou une reconnaissance quelconque (comme certains osent le faire cinquante ans plus tard...).

Qu’importe ! Contrairement aux peuples antiques tous disparus, le peuple amazigh existe toujours. Il est là, debout, présent ; cela lui suffit. A-t-il besoin d’un « certificat d’existence » pour exister ? Certificat délivré par qui ? Ce qui lui importe actuellement, et compte tenu de sa longue histoire, c’est sa situation géopolitique nouvelle dans un contexte socio-économique et historique précis peu propice à son épanouissement et c’est de sa capacité d’y faire face dont dépendra son avenir. Finalement que lui importe ce que l’on a écrit sur lui ; que lui importe ses lointaines origines préhistoriques !

L’humanité entière est concernée par de telles questions. L’important pour lui, quoiqu’on l’ait déclaré mort, disparu, anachronique, néolithique attardé, c’est qu’il est bien vivant, identique à lui-même, plus fort que jamais pour attester le contraire de ces contrevérités.

Sa preuve d’existence, il l’a en lui et ne la doit qu’à lui. C’est également sa conviction intime et profonde de constituer un tout homogène, solidaire, spécifique, malgré son apparente diversité. C’est aussi la conscience qu’il a de soi, de son appartenance à une grande entité (famille) culturelle et ethnique qui le rende si proche et uni à tout autre amazigh, fut-il à des milliers de kilomètres de lui. C’est également la conviction claire de son idéal et la connaissance précise des obstacles qui lui sont mis en travers pour la réalisation du but poursuivi : son unité et son épanouissement.

Aujourd’hui ces obstacles ont le visage du baathisme, du panarabisme, du panislamisme. Surtout d’un islamisme tentaculaire, rétrograde, intégriste, fasciste. Un @!#$ @!#$ qui rêve d’un âge d’or mythique, d’un nouveau mahdisme, en ressuscitant justement ce qui causa sa perte historique et son fiasco civilisationnel.

C’est aussi la dictature avec son cortège d’oppression, d’injustice, de misère, de négation, d’indignité. C’est également une acculturation qui le ronge depuis des siècles au travers de langues et cultures étrangères dont une arabisation outrancière, vengeresse, sans but ni intérêt concrets pour lui et dont il n’a que faire de ce lourd handicap. C’est également l’usage abusif de la @!#$ dans ce qu’elle a de plus hideux, de dégradant et de contre-nature, au cas où la @!#$ serait un état naturel de l’homme ! C’est enfin l’impérialisme occidental arrogant, niveleur, appauvrissant qui, ayant atteint un certain stade de puissance et de développement, veut imposer son modèle culturel, économique et civilisationnel par tous les moyens à l’humanité entière. C’est l’Occident qui partout où il est passé a laissé des bombes à retardement sous formes de conflits frontaliers, ethniques, économiques, et qui, par ses interventions directes ou camouflées, érode, aplani, élimine toute velléité d’indépendance, de particularisme, d’autonomie, de différence chez les autres peuples, en pensant que son modèle est unique et le meilleur. Mais la dynamique de l’histoire obéit à d’autres lois que celles du profit, du capitalisme sauvage, etc., elle obéit à sa propre... dynamique.

L’Histoire n’est pas figée ; elle est mobile, fluctuante, variée, changeante : sa roue tourne et n’a pas fini de tourner... Le peuple amazigh étonnera peut-être demain. Car rien n’est encore définitivement joué !


BIOGRAPHIES

YUGHURTHEN

a) D’après Le Petit Robert, T.II, noms propres, Paris, éd. 1990.
Jugurtha (v. -160 ; Rome v -104). Roi de Numidie (-118/-105). Fils illégitime de Mastanabal, ce dernier étant le plus jeune fils de Massinissa, il reçut en partage avec ses cousins Hiempsal et Adherbal le royaume de son oncle Micipsa. Impatient de régner, il fit tuer Hiempsal, et Adherbal dut s’enfuir ; Mais Rome rétablit ce dernier sur le trône et lui confia la Numidie Orientale avec Cirta comme capitale. Désireux de reconstituer l’antique royaume de Massinissa, Jugurtha prit Cirta (-113) et y massacra Adherbal ainsi que les négociants romains réfugiés dans la ville. Rome lui déclara alors la guerre (-112). Longtemps il tint les légions en échec en corrompant les chefs romains. Après deux ans d’hésitation la guerre reprit et Métellus battit Jugurtha à Vaga (-109), puis au Muthul. Mais la bataille n’était pas décisive. Sylla, questeur de Marius, réussit alors à entraîner Bucchus à trahir Jugurtha et à le livrer aux Romains (-105). Jugurtha, emmené à Rome, fut jeté en prison et y mourut de faim.

b) D’après Le Petit Larousse, Paris, éd. 1988.
Jugurtha (v. 160 av. J.C. - Rome 104), roi de Numidie (118 - 105 av. J.C.). Il lutta contre Rome, fut vaincu par Marius (107 av. J.C.) et livré à Sulla (105), il mourut en prison.

c) D’après Le Quid, Paris, éd. 1992.
Vers. -118, Micipsa meurt. Rivalités entre ses fils Adherbal et Hiempsal 1er, et son fils adoptif Jugurtha. Jugurtha s’impose. Hiempsal est assassiné, Adherbal résiste, Jugurtha prend Cirta, arrête Adherbal et le met à mort car il voulait traiter avec les Romains. Il devint roi des Numides, épouse la fille de Bucchus, roi des Maures. Après 7 ans de guerre contre les Romains, il est trahi par son beau-père qui le livre aux Romains. condamné à mort, étranglé à Rome au Tullianum. Après sa mort, le royaume est attribué à son frère Gauda.

d) Chronologie.

- 160 : Naissance de Yughurthen, fils de Mastanabal (l’un des jeunes fils de Massinissa) et d’une concubine.

- 153 : Massinissa s’empare des Campi Magni (la Dakhla en Tunisie) riches terres agricoles que Carthage avait pris à son père.

- 150 : Yughurthen âgé de dix ans voit son illustre grand-père et souverain qui, à 88 ans, monte à cheval et mène ses guerriers contre Carthage qui lui opposera une forte armée commandée par Hasdrubal. L’image de cet aguellid constamment à cheval, les armes à la main, défendant ou agrandissant son royaume, demeure à jamais gravée dans la mémoire de Yughurthen.
- 148 : Massinissa meurt à l’âge de 90 ans avant de parachever son œuvre : unifier la Numidie, chasser les étrangers (Romains et Carthaginois) afin de rendre l’Afrique aux Africains comme il aimait à le répéter. Son ambition était de faire de Carthage la capitale de son royaume.
Selon ses vœux, d’après la version romaine, il aurait chargé Scipion Emilien, qui vient d’être nommé consul à l’âge de 38 ans, de procéder au partage du pouvoir entre ses trois fils :

. Misibsen aurait l’administration et la garde de la capitale ;
. Gulussa aurait l’armée ;
. Mastanabal serait en charge de la Justice.

- 146 : Au printemps de cette année, Carthage est détruite (toutes les richesses -notamment la bibliothèque- sont brûlées, détruites ou emmenées à Rome) par les Romains. Gulussa et Mastanabal s’étant affrontés à leur frère, quant à l’attitude à prendre dans l’affaire de Carthage, meurent bientôt l’un et l’autre de maladie...
Yughurthen a quatorze ans, c’est un jeune adolescent plein de vigueur et d’ardeur, tel que nous le dépeint Salluste. Il constate la soumission de son oncle Misibsen aux Romains et la haine de ces derniers pour tout ce qui n’est pas des leurs. Dès lors Yughurthen éprouvera une haine non moins farouche pour tout ce qui est romain.

- 134 : A vingt-six ans, Yughurthen commande un contingent de cavaliers numides au siège de Numance. Là, il découvre d’une part la juste lutte que livre un peuple pour échapper au joug romain et, d’autre part, cette «fine fleur» de la noblesse romaine qui entend régenter l’univers. Il y apprendra également à connaître cet ennemi qu’il combattra jusqu’à sa mort.

- 121 : Grâce à l’appui de Scipion et à la pression populaire certainement, Misibsen désigne Yughurthen comme cohéritier de son trône avec ses deux fils ; auparavant il l’avait adopté et légitimé. C’est également à cette époque que la présence et l’influence des trafiquants et négociants romains se font le plus sentir : soldats, éléphants, blé, animaux et autres richesses partent en quantité pour les besoins insatiables de Rome.

- 118 : Misibsen meurt. Etablissement d’un triumvirat : Adherbal-Hiemsal-Yughurthen. Celui-ci est établi avec la bénédiction de Rome. Mais très vite un désaccord opposera les trois princes aussi bien sur le partage du pouvoir que sur le rôle des Romains en Afrique. Yughurthen suggère que l’on abroge toutes les lois et décrets votés durant les cinq dernières années du règne de Misibsen qui accordaient trop de facilités aux Romains. Ce sera le signal de l’opposition armée des deux frères appuyés par Rome contre Yughurthen.

- 117 : Se rappelant sans doute comment son père était « mort de maladie », Yughurthen prend les devants et fait supprimer Hiemsal, le plus acharné à sa perte. Adherbal prend les armes pour soi-disant venger son frère mais il est vaincu. Saisissant ce prétexte, Yughurthen envahit les terres d’Adherbal et l’oblige à reprendre les armes.

- 116 : Deuxième guerre contre Adherbal qui est de nouveau vaincu et chassé de son territoire. Il se réfugie à Rome où il implore le Sénat d’intervenir. Celui-ci dépêche une commission de sages chargés de partager le royaume entre les deux belligérants. Dans ce partage quelques villes du Nord, dont Cirta, restent aux mains d’Adherbal tandis que Yughurthen obtient toute la partie occidentale de la Numidie.

- 115 : Troisième guerre entre Adherbal - Yughurthen.

- 113 : Adherbal, vaincu, se réfugie dans Cirta où il est assiégé. Deuxième délégation romaine en Afrique chargée d’imposer la paix entre les deux princes. Elle repart sans avoir rien résolu ni pu entrer en contact avec Adherbal.

- 112 : Cirta est prise par Yughurthen. Adherbal, ses partisans et les Italiens pris les armes à la main sont mis à mort.
Première armée romaine en Afrique (Bestia - Scaurus). Un accord, à des conditions avantageuses pour Yughurthen, est conclu entre ce dernier et les Romains.

- 111 : A Rome, face à la colère des Plébéiens, cet accord est dénoncé et le Sénat refuse sa ratification. Un procès pour corruption est intenté. Yughurthen est prié de se rendre à Rome pour y être entendu. Une fois à Rome, il fait assassiner Massiwa, petit-fils de Massinissa, que les Romains espéraient imposer sur le trône de Numidie. Yughurthen est sommé de quitter Rome.
La deuxième armée romaine est expédiée en Afrique (commandée par Albinus puis Aulus).

- 110 : La deuxième armée romaine est vaincue, passée sous le joug, et sommée de quitter le pays sous dizaine.

- 109 : Au printemps, une troisième armée est dépêchée en Afrique (Métellus). Occupation de Vaga (actuelle Béja en Tunisie) par Métellus. Au mois d’août, c’est la grande bataille sur le Muthul (Oued Mellègue) ; octobre, échec de Métellus devant Zama.

- 109/108 : Hiver, soulèvement des habitants de Vaga et massacre de la garnison romaine. Métellus intervient et fait décimer la population de Vaga. Prise de Thala par les Romains. Alliance de Yughurthen avec les Gétules (Gectula -Guechtoula ?-). Retour de Métellus à Cirta.

- 107 : Quatrième armée romaine en Afrique (Marius). Prise de Capsa (Gafsa) par Marius, malgré la reddition de la ville, toute la population mâle est massacrée à partir de quinze ans. Alliance de Yughurthen et du roi Bukhus.

- 106 : Prise de la citadelle de Taourirt ? (sur la Moulouya) par Marius.
Cinquième armée romaine en Afrique (Sylla en renfort de Marius). Octobre, attaque conjuguée de Yughurthen et du roi Bukhus contre les Romains dans la vallée de la Médjana. La victoire aurait pu être décisive du côté amazigh...

- 105 : L’été de cette année, Yughurthen est livré par son beau-père à Sylla.

- 104 : Le 1er janvier, Marius triomphe à Rome avec Yughurthen enchaîné.
Le 7 janvier -104, après six jours sans boire ni manger, Yughurthen est étranglé dans la prison de Tullianum à Rome.

Fin de la chronologie Yughurthinienne


SALLUSTE

Salluste (Caius Sallustius Crispus). Né en -86 à Amiterne (Sabine) de famille plébéienne mais aisée. Suivit une éducation libérale à Rome où sa famille possédait une maison. Il fréquente alors une jeunesse dorée menant une vie de plaisir, de dissipation et d’adultère (affaire Catilina). Il mena donc une vie moralement condamnable entre vingt et quarante ans. Sans grand avenir, comploteur ambitieux, il se lance dans la seule voie qui lui reste : la politique sans pour autant réussir comme homme public.

A vint sept ans, en -59, il est questeur, puis tribun de la Plèbe. Il est exclu du Sénat, en -50, pour immoralité mais il y reviendra un an plus tard -49 grâce à l’appui de César qui le nomme, en -46, gouverneur de la Province romaine d’Afrique. Il ne restera à ce poste que dix-huit mois mais suffisamment pour s’enrichir sans scrupule. Ne dit-on pas qu’il ne fut occupé qu’à rançonner ses administrés.

En -45, après la mort de César, sans protecteur ni avenir politique, déçu par les hommes et par la vie (tout au moins le prétend-il), Salluste abandonne toute vie publique et, grâce à sa fortune amassée en Afrique du Nord, il peut se consacrer à ses jardins et à sa passion : l’histoire.

En -35, Salluste meurt à 51 ans avant l’achèvement de ses «Histoires» mais après avoir écrit : «De conjuratione Catilinae» et «De Bello Jugurthino». Lorsqu’il entreprend de relater la guerre de Yughurthen, celle-ci a déjà eu lieu soixante ans plus tôt. Salluste n’est donc ni acteur ni contemporain des événements qu’il raconte et ceux-ci ne l’intéressent que dans la mesure où ils se rapportent à l’histoire romaine et lui servent de prétextes pour régler ses comptes avec la noblesse.

Bêtisier sallustien :

Cet être débauché, concupiscent, imbu de ses origines ; bref un être immoral qui se pose, dès qu’il s’agit des Imazighen, en moraliste et en donneur de leçons ! Mais ce qui par-dessus tout domine son oeuvre, c’est sa haine des nobles et des étrangers en l’occurrence les Numides. Et ceci entache gravement son récit comme il lui fait écrire des énormités telles que :
(ch.46) = La perfidie des Numides, leur inconstance, leur amour du changement.
(ch.56) = ...tant les Numides sont changeants.
(ch. 61) = ... Le Numide qui, outre sa perfidie naturelle....
(ch.65) = ... Parce qu’il serait injurieux pour des cavaliers romains d’être remis à un Numide pour devenir ses gardes du corps.
(ch.66) = ... quant à la foule, surtout chez les Numides, elle était de caractère changeant, amie de la sédition et de la discorde, désireuse de nouveauté, ennemie du repos et de la paix.
(ch.66) = ... par goût instinctif pour de pareilles choses (en parlant de l’extermination des soldats romains par les habitants de Vaga), et parce que ... ils trouvaient un plaisir suffisant dans le désordre et la nouveauté.
(ch.74) = ... Généralement les Numides, dans toutes les batailles, se fient plus à leurs jambes qu’à leurs armes.
(ch.80) = Aussi l’affection se perd dans cette multitude (en parlant de la polygamie chez les Numides). Aucune (les épouses) ne tient le rang d’une véritable compagne ; toutes sont partiellement méprisées.
(ch.91) = ... la population (celle de Capsa, et des Imazighen en général), versatile, perfide, incapable jusqu’alors d’être contenue par la bienveillance ni par la crainte.
(ch. 108) = ... Qu’avec une perfidie toute punique... (en parlant de Bukhus).


MARIUS

Marius (Caius Marius). Général et homme politique romain (né à Ceraetae, près d’Arpinum en -156 et mort à Rome en -86). Vrai soudard d’origine modeste mais excellent soldat, il participe au siège de Numance (-133) sous les ordres de Scipion Emilien. Tribun de la plèbe en -119, puis préteur en -115, il servit comme lieutenant de Métellus dans la guerre contre Yughurthen. S’oppose à Métellus qui l’empêchait de poser sa candidature au consulat où ne pouvaient être élus que les membres issus de la noblesse. Marius sera tout de même élu consul en -107 à cause de l’appui du parti populaire. Il devint le porte-drapeau de la revanche contre l’oligarchie sénatoriale et se présente comme le champion des classes défavorisées. Il fit une réforme décisive dans l’armée qui fut ouverte aux prolétaires et aux chômeurs et devint de la sorte un instrument pour la conquête du pouvoir. Cette armée tout acquise à son chef devint une « force spéciale » pour l’exécution de coups d’Etat. Dès lors les généraux devenaient des putschistes dans l’âme.

Aussitôt après son élection au consulat, Marius reparti en Afrique pour continuer la guerre à Yughurthen. Mais ce fut le questeur Sylla, qui obtint la reddition de Yughurthen. Dès lors une compétition opposera les deux hommes. Marius meurt au cours de son septième consulat en -86. (V. ch. 63).


SYLLA

Sylla (Lucius Cornelius Sulla). Général et homme politique romain (-138, Cumes -78). D’origine aristocratique mais peu fortuné, Sylla ne montre dans sa jeunesse aucun goût pour la guerre ou pour la politique. Nourri d’hellénisme, il mena une vie d’esthète débauché. Légat de Marius en Numidie, il révéla des qualités d’habile diplomate car il réussit à persuader le roi Bukhus à lui livrer Yughurthen (-105). En vain Marius dispute-t-il à Sylla le pouvoir au moment du départ de ce dernier en Asie Mineure.

Sylla à son retour d’Orient, après la mort de Marius, écrase les marianistes (proscriptions). Maître de Rome, Sylla tente pendant trois ans d’organiser un pouvoir monarchique. Il se heurta à l’opposition du Sénat qui le contraint à l’abdication (-79).

Son teint rouge foncé, parsemé de taches blanches, lui valut ces vers féroces de la part d’un poète athénien :

« Tu n’es qu’une mure, Sylla Que de farine on saupoudra »
(Plutarque, Vie de Sylla).

ã Ammar NEGADI

 Sujet Auteur  Date
 GUERRE DE "JUGURTHA"  nouveau
Ammar NEGADI 2002-01-28 18:52:37 
 Re: GUERRE DE "JUGURTHA"  nouveau
kahina 2002-02-09 15:36:12 
 Re: GUERRE DE "JUGURTHA" (suite)  nouveau
Ammar 2002-02-12 12:47:38 

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