Auteur: mouloud
Date: 2002-01-27 19:10:37
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais, au nom du Groupe Parlementaire du RCD, exprimer toutes nos sincères condoléances aux familles des personnes ayant péri lors des dernières inondations et assurer de notre solidarité tous les sinistrés.
Au-delà des mots de réconfort dont nous sommes redevables à l'endroit des victimes, le devoir nous commande de poser le problème de la responsabilité des pouvoirs publics dans cette tragédie.
N'a-t-on vraiment pu rien faire pour prévenir un tel désastre humain ? L'Etat algérien est-il aussi déliquescent pour la prise en charge des sinistrés avec un minimum d'efficacité ? Est-ce, pour une fois, les leçons sont tirées et les dispositions nécessaires sont prévues pour parer, à l'avenir, à ce type de danger ? Aux trois interrogations, nous pouvons répondre, sans risque d'erreur, malheureusement, par la négative.
Pour preuve, il suffit de relever le comportement des autorités dans la gestion du sinistre.
Le Président de la République a mis pas moins de trois jours pour se rendre à Bab El-Oued. Au lieu de témoigner de sa sympathie, il n'a pas trouvé mieux que de se dérober de ses responsabilités et de se défausser sur la fatalité divine.
Auparavant, le Ministre de l'Intérieur a carrément fait incomber la faute aux victimes qui auraient, selon lui, préféré habiter dans ces lieux à risque.
Ces déclarations, aussi intempestives que provocatrices, résument à elles seules tout le drame de notre pays où l'imprévoyance et le cynisme tiennent lieu de stratégie d'Etat.
Après ce constat amer, que dire de la déclaration de politique générale de l'Exécutif ? Vous l'avez affirmé de vous-même, Monsieur le Chef du Gouvernement : " rien de bien nouveau à l'horizon ".
En effet, votre rapport confine au bilan comptable ou au mieux à un catalogue d'intentions et de promesses teintées d'électoralisme. La profusion des chiffres alignés ne peut masquer les réalités du terrain qui, elles, contredisent déjà les prévisions. Tout un chacun sait que le prix du baril de pétrole est dans une tendance baissière et que l'économie mondiale est en récession alors que l'économie de notre pays est dans un marasme chronique.
Bref, l'absence de souffle et d'âme qui caractérise votre déclaration de politique générale nous fait s'interroger sur la nature de ce nouveau type de texte.
N'est-ce pas là, le signe que le Gouvernement est bridé par la confusion et l'incohérence qui règnent au sommet de l'Etat ?
Effectivement, le Gouvernement est obligé constitutionnellement de s'inspirer de la démarche du Président de la République, lequel ne manque pas, sur divers sujets, de se contredire en permanence.
Aussi, la prudence et le manque d'imagination et d'idées de la déclaration de politique générale n'est-elle pas l'illustration de l'immobilisme du Chef de l'Etat lui-même.
Monsieur le Président, le Chef du Gouvernement a bien voulu commencer son discours sur la réforme de la justice pour en louer ses mérites. Bien.
Il nous semble que parallèlement à une série d'ajustements juridiques nécessaires à la mise à niveau de notre législation, pour accompagner l'ouverture de notre économie, notre système judiciaire s'est plutôt distingué par un tour de vis supplémentaire en matière de libertés publiques. La loi sur la diffamation par ses excès, en est la parfaite illustration.
Le plus inquiétant est le retour de certaines pratiques que l'on croyait révolues. Je voudrais réévoquer à ce propos, la tentative d'assassinat sur la personne du Président de notre parti. Malgré la gravité de la chose les pouvoirs publics ne semblent pas en être interpellés. Aucune prise de position! Doit-on y voir une volonté de banaliser ce genre de méthode ?
Je rappellerai qu'une question orale a été déposée à ce sujet. Là encore, aucune réponse ne nous a été notifiée. Ce silence, pour le moins inadmissible, n'augure rien de bon, sinon d'une volonté de la résurgence de l'esprit du parti unique avec son cortége d'arbitraires.
Ce retour du passé et au passé par l'approche policière des problèmes politiques fait courir au pays les plus grands dangers.
La parodie de dialogue de la salle Ibn-Khaldoun où le Chef du Gouvernement a rencontré des pseudo représentants des Arouch relèverait du burlesque n'eût été la tragédie qui a fait une centaine de morts et prés de deux mille blessés.
Quel crédit accorder à votre démarche alors que le rapport ISSAD semble remisé aux calendes Grecques ?
Comment croire à l'instauration d'un climat de confiance pendant qu'aucune sanction n'a été prise à l'encontre des auteurs d'assassinats de jeunes manifestants ?
Est-il possible pour un jeune de reprendre espoir lorsqu'il voit d'anciens relais du pouvoir sillonner la Kabylie comme des sergents recruteurs en quête de rachat auprès de leurs maîtres ?
Tout cela n'est pas sérieux et même immoral. L'approche par le pourrissement par laquelle le Gouvernement tente de contenir la protesta et les revendications de la population ne fait qu'exacerber la tension, une tension déjà grosse de tous les dangers. Le pouvoir en portera seul l'entière responsabilité.
Le recours aux techniques éculées de la manipulation, de la manœuvre dilatoire et à la représentation fictive discrédite et l'État et 1a chose publique.
Qui croira encore au discours politique lorsque l'éthique de responsabilité et de conviction n'est pas de mise ? A moins que ce soit l'objectif recherché dans le dessein de reconduire le régime qui a sécrété une caste vivant en contre-société, sourde aux cris qui montent des profondeurs du pays.
La bonne gouvernance dont se targue le Gouvernement suppose que l'on anticipe les problèmes et non les subir, encore moins les rendre compliqués.
Souvenons-nous de notre entrée au multipartisme sous la contrainte, au prix d'une révolte sanglante. Cette contrainte a chahuté une transition qui devait être pacifique et ordonnée. Aussi, ne doit-on pas, sur cette question amazigh si sensible, perdre encore du temps ? Il y a déjà trop de morts.
Le moment est venu pour opérer une rupture en matière d'organisation politico-administrative afin de densifier le lien national en prenant en compte les spécificités régionales.
Cette forme de régionalisation pratiquée dans le monde ne va pas à l'encontre de l'Etat unitaire. Bien au contraire.
Cette problématique, à l'image d'autres chantiers nécessaires tels que, la révision du Code de 1a famille et la refonte de l'éducation nationale vont propulser l'Algérie dans la modernité.
Pour cela, il faut de la volonté et de la lucidité politiques, le juste contraire de l'indécision et de l'archaïsme. Ce sont apparemment ces derniers qui sont le sceau du pouvoir. Et, d'ailleurs, qu'est devenu le rapport de la Commission nationale sur la refonte du système éducatif ?
Sur le plan international, le 11 septembre a changé la face du monde. Des nations qui faisaient semblant d'ignorer la nature du terrorisme @!#$ ont fini par le connaître à leurs dépens. Elles ont décidé de l'éradiquer au niveau mondial. C'est une excellente chose. Mais, malgré ce tournant, le pouvoir algérien tergiverse pour ne pas s'engager résolument dans la lutte contre ce fléau qui représente du point de vue de l'histoire le 3e phénomène totalitaire.
Cette frilosité tire ses racines des traditions de la diplomatie algérienne et de l'isolement dans lequel se trouvait notre pays ces dernières années à cause de son absence de communication.
Les errances de notre politique étrangère consistent à ne rien changer sur le fond et, par le moyen de gesticulations diplomatiques nombreuses et intenses, de brouiller les pistes ou de lancer des offensives de charme destinées à faire impression.
L'Algérie n'est pas définitivement revenue de l'option où l'intérêt national est sacrifié au bénéfice de l'intérêt idéologique du régime.
Bien plus que votre programme qui, évidemment, n'est pas le nôtre, c'est sur la nature du pouvoir qu'il faudrait se pencher.
Subrepticement, une normalisation est en train de s'opérer, qui s'accompagne de la confiscation des médias publics, la violation des droits de l'Homme, la complaisance à rester dans l'archaïsme et la conservation et le peu de crédit qu'accorde l'Etat à ses propres engagements.
Une véritable crise de confiance s'est installée dans le pays à tel point que nous nous interrogeons sur l'utilité de l'institution que nous représentons.
Cinq ans auparavant et en dépit de la fraude électorale, nous sommes rentrés ici dans le but de rendre l'espoir au peuple algérien. Mais le manque de considération à l'égard des institutions, la persistance de la crise socio-économique, l'indécision sur le cap idéologique, ont fini par créer un profond désenchantement.
Pour notre part, nous sommes déterminés à poursuivre le combat en faveur de la démocratie que nous avons engagé depuis trois décennies.
A présent que la démocratie n'est plus considérée comme "un produit" importé, il n'en demeure pas moins que les conditions de son avènement sont toujours bloquées par le régime en place. Cette persistance à régénérer un régime à bout de souffle sera combattue par notre persévérance à instaurer un ordre nouveau, synthèse de la république et de la démocratie.
Notre lutte politique est faite d'efforts pour faire reculer le caractère irrésistible du mal, et, finalement, aboutir à ce but ultime : le bonheur de l'humanité algérienne.
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