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Le Blog
Interview du Webmestre sur France3
 Louisette
Auteur: sh 
Date:   2001-12-19 14:53:59

Louisette Ighilahriz, « Lila » de son nom de guerre, avait vingt ans quand elle a été capturée par l'armée française en Algérie, après être tombée dans une embuscade avec son commando, le 28 septembre 1957. Cette jeune Kabyle serait morte des tortures qu'elle a subies jour et nuit pendant trois mois si un certain commandant Richaud ne s'était interposé, l'avait fait soigner, puis transférer en prison pour la soustraire à ses bourreaux. Après l'indépendance de l'Algérie en 1962, Louisette Ighilahriz n'a cessé de chercher son sauveur pour le remercier. Dans une étonnante confession, le général Massu a avoué ses regrets à ce sujet (Le Monde du 22 juin) tandis que le général Bigeard niait en bloc avoir jamais été l'auteur ou le spectateur de scènes de tortures.
« Votre histoire a brusquement surgi à la « une » du Mondele 20 juin. Un certain nombre de gens vous ont ainsi retrouvée, après quarante ans d'absence. Pourquoi une aussi longue disparition ?
- Après que le commandant Richaud m'a sortie des mains de mes tortionnaires, j'ai passé quatre années en prison puis l'année 1961 en résidence surveillée en Corse, d'où je me suis échappée. Ensuite, il n'y a pas eu un jour sans que je ne pense aux gens qui m'avaient aidée, mais je vivais dans la hantise de leur attirer des représailles. Ma fuite de Corse aggravait mon cas. A cette peur s'est ajouté au fur et à mesure le sentiment qu'en France on n'avait peut-être plus envie d'entendre parler de l'Algérie, que les uns et les autres souhaitaient tourner cette page.
- Ceux qui vous avaient connue autrefois soulignent que vous étiez promise à une carrière politique brillante en Algérie.
- Après l'indépendance, j'ai repris des études. J'ai commencé par faire médecine, en souvenir, j'imagine, du commandant Richaud. Et puis, au bout d'un an et demi, j'ai craqué, je restais très fragile nerveusement. Je me suis réorientée pour devenir psychologue clinicienne. Je me suis occupée de problèmes tournant autour de la prostitution. Pendant mes années de prison, j'avais été amenée à connaître un certain nombre de prostituées, détenues avec moi aux Baumettes, à la Roquette et à Fresnes, notamment. J'ai eu la chance de travailler longtemps avec le professeur Mahfoud Boucebci, psychiatre exceptionnel, assassiné le 15 juin 1993 à Alger, année noire pour les intellectuels algériens. De 1970 à 1985, j'ai fait une parenthèse politique dans ma vie professionnelle. On m'a demandé de participer à la réorganisation du FLN, ce que j'ai accepté. Je suis d'abord entrée au secrétariat de l'Union nationale des femmes algériennes, puis j'ai été chargée des relations extérieures du parti. J'ai été nommée directeur central du FLN en 1980.
- Avez-vous été satisfaite de cette carrière politique ?
- Je dois dire que non. J'étais contre le système de parti unique. J'ai beaucoup souffert de devoir rester »dans la ligne«, je n'aimais pas ce carcan qui me faisait penser à un emprisonnement, et je ne me suis pas gênée pour le dire et le redire. Mais, plutôt que de claquer la porte du FLN, j'ai préféré rester et lutter de l'intérieur pour tenter de faire évoluer la structure, ce qui a fini par arriver puisque l'Algérie s'est ouverte au multipartisme en 1989. Aujourd'hui, je suis sympathisante du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), mais je n'en suis pas encore membre.
- Le général Bigeard ironise sur le fait qu'on ne met pas quarante-trois ans, dit-il, à retrouver un médecin militaire français ayant rang de commandant...
- Bigeard est-il capable de comprendre que si je me suis tue pendant tant d'années et me suis empêchée de saluer publiquement tous ceux qui m'avaient aidée, c'est à cause de lui ? J'étais persuadée, je vous le répète, qu'il tuerait tous ceux qui m'avaient apporté un soutien. J'ai vécu avec la peur pendant des années, je vis toujours avec. Dites de ma part à Bigeard que, depuis quarante-trois ans, il ne s'est pas passé une semaine sans que je ne pense à Richaud avec gratitude, et à lui, Bigeard, avec l'idée qu'un jour j'irai cracher sur sa tombe !
» En outre, peut-on se rendre compte de l'état de l'Algérie depuis si longtemps ? Nous n'avons pas, comme en France, des téléphones qui marchent, des annuaires, et tout ce qui peut vous faciliter des recherches. J'ai envoyé des messages multiples, via un avocat, et l'ambassade d'Algérie en France, pour tenter de retrouver la trace de mon sauveur, mais ce n'était sans doute pas la bonne méthode. Je viens de découvrir, par exemple, qu'il existe, en France, des annuaires des anciens militaires, mais comment vouliez-vous que je sache tout cela ? - Le commandant Richaud est mort, nous l'avons donc appris par le général Massu. Mais il avait deux filles dont l'une semble prête à entrer en contact avec vous. Vous arrivez au bout d'une histoire qui vous hante depuis quarante ans. Quel sentiment cela vous inspire-t-il ?
- Un sentiment de soulagement, même si, sur le coup, j'ai reçu comme un choc l'annonce de la mort de Richaud. Mon mari et mes deux enfants ont réagi de la même façon que moi, car eux aussi vivaient dans cette attente. Je regretterai toujours de ne pas avoir pu remercier Richaud directement, mais le fait que la vérité éclate enfin me libère d'un grand poids. J'obtiens la justice par la vérité, je ne demandais rien d'autre. C'est un remède qui va me libérer de mes angoisses, qui déjà m'apaise infiniment. Et, plus que jamais, je vois la France non pas à travers Massu et Bigeard, comme on nous a souvent, nous les Algériens, exhortés à le faire, mais à travers Richaud, le médecin plus que le militaire, un homme qui avait un profond respect du serment d'Hippocrate. »
Propos recueillis par Florence Beaugé

 Sujet Auteur  Date
 Louisette  nouveau
sh 2001-12-19 14:53:59 
 Re: Louisette  nouveau
zahra 2001-12-20 11:15:06 

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