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Re: KABYLITE, BERBERITE, TEMOIGNAGE ET REFLEXION |
Auteur: Ghania
Date: 2001-03-16 23:26:10
Votre témoignage est très constructif. Quelles solutions proposées vous aux jeunes kabykes pour éviter cette fracture ?
merciamirouche a écris:
>
> Azul fellawen marra,
>
> La suite
>
>
> *************************************
>
>
> Cette transmission, à la fois, une histoire mythique,
> verticale et une histoire horizontale, temporelle.
>
> A ce titre, si les Kabyles portent un intérêt particulier à
> l’histoire écrite, ils ont perdu, en revanche, l’histoire
> sacrée constituée par les mythes et les récits de fondation
> (cosmogonie, création du monde et de l’homme …). Si les
> associations kabyles se sont emparées de la culture savante
> concernant les Berbères, elles ont cependant laisser en
> friche toutes ces sources de la connaissance initiatique
> constitutive du noyau.
>
> Les cultures n'ont pas les mêmes capacités d'adaptation et
> les mêmes lignes de fracture quand elles sont transplantées à
> l'étranger.
>
> En tant que nord-africain, kabyle, je constate que nous
> représentons
> en France un système endogame - idéal faisant partie de
> notre ethos, qui ne se réalise pas obligatoirement dans la
> pratique - face à un système français fortement exogame
> (depuis quelques siècles), fondé sur la notion de couple.
> Cette différence de système de filiation se révèle corrosive
> pour les Nord-africains, exposés sans défense, à des groupes
> professionnels (enseignants, psychiatres, assistantes
> sociales, éducateurs, juges ... ) prêts à démonter cette
> structure avec des théories fondées sur l'universalité de
> l'individu, en divergence avec les notions de personne et de
> famille, telles qu'elles sont conçues et vécues dans notre
> monde. Un système patrilinéaire strict s'oppose ici à celui
> du citoyen où les enfants deviennent majeurs et égaux à leurs
> parents dès qu'ils atteignent l'âge de dix-huit. ans.
>
> Dans la conception d'un père kabyle, sa descendance ne peut
> se subsumer à lui qu'après sa disparition ou de son plein gré
> avec sa bénédiction. D'ailleurs, la relation père-enfant ne
> peut se comprendre qu'en référence à l'ancêtre. Néanmoins, un
> enfant peut dépasser son père à condition qu'il se rattache à
> un ancêtre, un être ou un maître invisible (inspiration,
> possession, vision).
>
> Par la modernité, la valeur accordée à la jeunesse comme
> groupe autonome a éclipsé notre valeur fondamentale qui est
> la vieillesse, auréolée de notions de sagesse et de respect.
>
> La dévalorisation des vieux (“ vieux vous’’) a commencé à se
> propager avec la colonisation. Le concept de jeunesse
> emprunté à l'Occident, a servi à la création de mouvements de
> jeunes, à l'origine des nationalismes modernes (jeunes turcs,
> jeunes tunisiens, jeunes algériens…),
>
> Depuis l'émergence et le développement du nationalisme
> algérien, on observe une rupture continuelle entre les
> générations. L'absence de transmission débouche sur une
> violence récurrente entre les vieux et les jeunes, due au
> "sacrifice" de l’ancêtre. En effet, un enfant n'est pas
> immédiatement relié à son père: il n'est que le dernier
> maillon de la chaîne ancestrale. Un ancêtre se trouve à
> l'origine de chaque cercle, système d'emboîtement dynamique,
> comprenant des groupes allant de la famille à la
> confédération, mobilisés par une conception duelle du monde -
> ceux du haut, ceux du bas - traversés par des ligues (sof) en
> rivalité. C'est de l'ancêtre que vient la fertilité, la
> prospérité, la fécondité, la richesse, la protection, la
> chance. Il est souvent représenté par un mausolée on une
> zaouia.
>
> La plupart des familles se référent à un ancêtre dont le nom
> diffère de celui donné par l'administration. L'état civil
> français, instauré en Kabylie vers la fin du 19ème siècle, a
> évincé les noms de tribus. Les enfants de seconde génération
> n’ont pas toujours accès à des noms ancestraux. Quant aux
> Kabyles, en. général, ils se sont adaptés à une double
> appellation ethnique et administrative. Ils ne semblent pas
> revendiquer leurs noms d'origine.
>
> L'ancêtre est remis en cause à plusieurs niveaux, tout
> d’abord par l’Etat qui continue, apparemment, l’œuvre de
> désagrégation et d’homogénéisation des groupes (ethnies,
> castes et confréries…) entamée par la colonisation. Nous
> savons néanmoins que la notion de région et d'ethnie, tout en
> étant constamment occultée, reste d'une brûlante actualité.
> D’ailleurs elle est utilisée dans toutes les stratégies du
> pouvoir, en Algérie, dont le centre est constitué par des
> groupes issus d'une ou deux régions du pays.
>
> Quant au système culturel imposé par la scolarisation
> moderne, il dévalorise la culture orale, inverse les
> hiérarchies traditionnelles (les jeunes sachant plus que les
> vieux) et disloque le système initiatique basé sur un savoir
> dont la source est toujours en amont, venant du monde
> invisible. Dans ce sens, l’école est génératrice de confusion
> entre la culture en tant qu’initiation et le savoir en tant
> que science.
>
> Ainsi, un enfant apprenant à l'école que son ancêtre est un
> singe, sera troublé par cette inversion du monde, rabaissant
> son ancêtre vénéré, sanctifié à un animal. Son savoir
> initiatique sera totalement dévalué, En Kabylie, les singes
> proviennent de la métamorphose d'un groupe d'hommes qui se
> sont livrés à des actes anti-culture : c'est le résultat
> d'une malédiction divine.
>
> La logique scientifique vulgarisée est apparemment reprise
> comme un énoncé mythique à partir duquel l'enfant s'est
> construit. Il semble moins catastrophique pour un citoyen de
> l'Etat (en Occident) d'apprendre qu’il est un descendant
> lointain du singe que pour un enfant de migrants kabyles,
> dont l'être dépend d'un ancêtre mythique mais proche (il peut
> apparaître dans les rêves, les visions ..). Les processus
> d'affiliation sont détruits : comment pourrait-il respecter
> son père et son patrilignage s'il pense qu'il descend
> réellement du singe ? Dans notre culture le mythe est
> toujours vivant : il est incarné et vécu grâce aux pratiques
> initiatiques, D'ailleurs dans la langue, la notion "El Haqq"
> (mot d'origine sémitique) signifie à la fois, vrai, réel et
> juste.
>
> A suivre .....
>
> Qimet di lahna
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Auteur |
Date |
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amirouche |
2001-03-09 11:10:25 |
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Si Samir |
2001-03-09 13:02:19 |
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L.M. |
2001-03-09 15:32:55 |
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amirouche |
2001-03-09 15:39:07 |
|
amirouche |
2001-03-09 15:33:14 |
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Re: KABYLITE, BERBERITE, TEMOIGNAGE ET REFLEXION nouveau |
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Ghania |
2001-03-16 23:26:10 |
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