Auteur: A3essas
Date: 2001-07-28 12:55:34
SOCIETE/
HISTOIRE:
Des Guanches, des Ibères et des études berbères
Les études berbères sont si variées qu'on ne peut en résumer les grands axes dans un tel écrit. Souvent, le chercheur dans le domaine berbère doit être à la fois linguiste et historien, ethnologue et anthropologue, géographe et sociologue, voire politicien. Ces multiples facettes d'une même pièce sont dues aux grandes lignes d'attache qui lient ces disciplines.
On peut aisément entrevoir cet état des choses à travers les différents écrits de presse relatifs à la question où les auteurs nous donnent un aperçu général d'un ensemble de thèmes en détailler aucun. Cette globalisation nous apparaît même dans le monde de l'édition et des recherches amazighes. Ce manque de spécialisation a de ce fait laissé certains faits historiques, importants à nos yeux, moisir aux marges des livres et de l'histoire.
Cet écrit a pour but d'en rappeler certains. On y parlera notamment des grands liens historiques entre les peuples de la berbérie antique et de l'Ibérie, cette terre si proche de l'Afrique (14 km dans le détroit de Gibraltar) que certains la considèrent comme son prolongement naturel, et peut-être humain.
LES GUANCHES :
Les Guanches sont les habitants autochtones des îles Canaries. Ces îles, souvent considérées telles la limite occidentale de la berbérophonie, sont situées en océan atlantique à 100 km du rivage africain et sont d'une superficie de 7273 km2. Aux "ravins abruptes et au sol accidenté qui servit de cadre aux plus belles histoires réunissant les princesses Guanches - indigènes, les sorciers et les colonisateurs de la péninsule" ibérique comme sauront vous les décrire les brochures touristiques espagnoles. Ces îles, appelées dans l'antiquité Héspirides ou Fortunates, faisaient rêver les explorateurs de l'antiquité. Elles furent "découvertes" en 1402 par le Normand Jean de Bethencourt. Colonisées par les espagnoles en 1474, elles en deviendront un département à nos jours. Les autochtones Guanches, "proches des berbères" (1) furent massacrés, exterminés sinon assimilés. Leur langue - le Guanche - éteinte au XIXe siècle. Disons-le donc, la langue Guanche (berbère pour certains) n'y est plus pratiquée. Son souvenir demeure cependant très vivace et les Canariens y trouvent leur spécificité qui les différencies des Espagnols de la péninsule. La tenue du premier Congrès Mondial Amazigh aux îles Canaries est assez significatif.
Dans son livre "Le Mystère de l'Atlantide", Charles Berlitz nous décrit ainsi la civilisation Guanche à l'arrivée des espagnols : "Ces îliens représentaient un curieux mélange de civilisation et de barbarie de l'âge de pierre : Ils avaient entre autres un régime de monarchie élective de dix rois…, ils adoraient le soleil, avaient un ordre de prêtresses sacrées vouées au soleil, momifiaient leurs morts, construisaient des maisons de pierre parfaitement jointes, aux murs teintés de rouge, de blanc et de noir comme leurs grandes fortifications circulaires, pratiquaient une forme d'irrigation par canaux, se marquaient la peau avec des sceaux tatoués, fabriquaient des poteries semblables à celles des Indiens d'Amérique et des lampes de pierre, ils avaient une littérature et une poésie ainsi qu'un langage alphabétique écrit. Leur langue parlée, aujourd'hui disparue, semble avoir été proche de celle des berbères… En matière de médecine, l'examen des momies montrent… [qu'ils] pratiquaient la trépanation et fixaient une plaque d'or ou d'argent sur la partie du crane atteinte…" (2).
Cette civilisation est encore très peu connue et garde tous ces mystères. Plusieurs indices dénotent chez les Guanches une décadence culturelle profonde : L'armement par exemple, à base de pierre et de bois alors que l'armée était assez organisée pour avoir tenue tête un certain temps aux espagnols. Des vestiges de bâtiments et de villes ont été découverts par les premiers conquérants espagnols alors que les Guanches - à l'arrivée des espagnols - n'étaient plus capables de construire que de simples huttes. Autre curiosité, les Guanches n'avaient pas de bateaux, lacune fort insolite pour celui qui habite les îles. Pour Berlitz : "L'antiquité connut des contacts occasionnels entre les Guanches et les phéniciens, les carthaginois, les numides et les romains mais leur niveau culturel déclina considérablement avant leur redécouverte par les espagnols" (3).
Le peuplement des îles Canaries, quoique très ancien, garde lui aussi tout ses mystères. Les Guanches, des blancs, donnent l'impression de part leur stature et leur physionomie, d'être des fossiles vivants de l'homme de Cro-magnon. On émis également l'hypothèse que les Canaries aient été colonisées et peuplées par les phéniciens ou les carthaginois mais il est, cependant, peu probable que des descendants d'une race de marins vivent sur des îles mais craignant la mer. Seule une inondation ou un raz-de-marée aurait pu laisser une marque indélébile dans le psychisme des survivants. Cette peur de la mer a encouragé les atlantologues à voir dans ces îles et leurs habitants les survivants de l'Atlantide, ce fabuleux continent qui "disparut sous la mer en un seul jour et une seule nuit" comme nous le relate Platon dans ses dialogues. Il est vrai, cependant, que certaines similitudes troublantes apparaissent entre le récit de Platon et la civilisation guanche. Ch. Berlitz rapporte d'ailleurs qu'à leur découverte, les Guanches conservaient la légende d'une catastrophe dont ils étaient les survivants.
Aujourd'hui, on s'accorde généralement à parler d'un apparentement guancho-berbère. La Toponymie des lieux habités ou déserts des îles Canaries plaide d'ailleurs en faveur de cet apparentement. Dans sa classification des langues, l'encyclopédie Quid, classe la langue guanche avec le Libyque ancien et le berbère (les parlers actuels) dans la même branche "Libyco-berbère" dans le groupe des langues chamito-sémitiques. Se basant sur les données lexicales collectées par le savant autrichien D. J. Wôlfel dans "Onuments Lingua Conariae", Alexander Militarev - chercheur russe - a fait une reconstitution du système phonologique guanche qu'il compara avec sa reconstitution du Proto-Guanche-Berbère. "Les résultats obtenus, dit-il, avec ma comparaison morphologique fragmentaire étayant l'idée que berbère et guanche sont deux branches axonomicalement égales de la famille berbère-Guanche. En même temps, certains traits communs et spécifiques au Guanche et à un des dialectes du Nord Touareg… qui ne peuvent s'expliquer par des liens génétiques étroits mais seulement par des contacts ultérieurs". Il postule donc une migration touaregue aux îles Canaries datable gloss-chronologiquement au VIIe - VIIIe siècle de notre ère. (4).
LES IBERES :
Les ibères sont les habitants antiques de l'Espagne et du Portugal actuels. C'est le plus ancien peuple de l'Europe occidentale. C'est à eux que cette péninsule (ibérique) et que l'Ebre (antique Ibérus, grand fleuve d'Espagne) doivent leurs noms. L'origine des Ibères est incertaine. Néanmoins, on pense aujourd'hui qu'il s'agit de Nord-Africains (pour ne pas dire berbères) ayant quitté l'Afrique pour l'Europe à l'âge de bronze. La ressemblance entre "BERBÈRE" et "IBÈRE" est d'ailleurs frappante. Pour Mr Mouloud Gaïd, dans "Les berbères dans l'histoire", ces deux mots dérivent du même mot berbère "BER" qui veut dire voyager, émigrer,… on retrouve cette racine dans ABRID (route), AMSEBRID (voyageur), BERRA (dehors), ABERRANI (l'étranger),… Ainsi, les Ibères (de Ibiren) voudrait dire émigrés (5). Plusieurs faits confirment l'apparentement Ibéro-berbère. Par exemple, la ville de "VOLUBILIS" (populairement : Ksar Feraoun), capitale des royaumes berbères antiques marocains, porte un nom ibérique qui vient de "BURUBERRI", c'est-à-dire "le bourg neuf".
En 1525, Fernando de Oriedo, dans "Histoire générale et naturelle des Indes", affirmait que Hespérus, roi d'Espagne préhistorique, était le frère d'Atlas, roi du pays d'en face, le Maroc. Cet apparentement mythologique se retrouve chez les habitants d'Italie de l'époque romaine qui appelaient "atlantes" les anciens Ibères. Mme E.M.Wishow, étant directrice de l'école d'archéologie anglo-hispano-américaine, qui aurait découvert "un temple du soleil" à cinq mètres sous les rues de Séville écrit : "le peuple préhistorique merveilleusement civilisé dont j'ai évoqué la civilisation naquit de la fusion des Lybiens préhistoriques, qui, à une étape précédente de l'humanité, venaient de l'Atlantide en Andalousie pour y acheter l'or, l'argent et le cuivre extraits des mines néolithiques du Rio Tinto et qui, au cours des générations suivantes… soudèrent si étroitement les cultures ibériques et africaines que Tartessos et l'Afrique créérent finalement une race commune : les Lybio-Tartessiens" (6).
À l'arrivée des phéniciens en Espagne et la fondation de Gades au Xe siècle avant J.C., les Tartessiens (Ibères de la ville de Tartessos) possédaient toute la côte du sud-est jusqu'au cap Nao. Les Ibères lusitaniens occupèrent le Portugal. C'est à partir du XIIIe siècle avant J.C. que prospérera la civilisation ibérique : cités de pierre, industrie des armes en fer, élevage du cheval, culture de la vigne et de l'olivier. Leurs principales villes étaient : Elche, Indica, Sagonte,… À la même époque, des Celtes pénétrent au nord-ouest de l'Espagne et y fondent trois provinces celtophones. Ils se mêlèrent sur le plateau central aux Ibères, formant la nation celtibérique. Selon Aloïs Reiss dans "Description des monnaies antiques de l'Espagne", plusieurs signes de l'alphabet libyque antique apparaissent sur des monnaies celtibériques du Ier Siècle avant J.C., et sont donc contemporains des inscriptions libyques (7). Au VIe siècle avant J.C., les Ibères passent les Pyrénées et colonisent l'Aquitaine et la Septimanie (France), habitées jusqu'alors par les Ligures. Les Ibères résistèrent ensuite aux Carthaginois et aux Romains jusqu'en 133 avant J.C. (prise de Numance) puis se révoltèrent jusqu'en 37 avant J.C. Survint alors la romanisation de l'Espagne suivie de l'occupation vandale et musulmane causant la disparition de leur langue et de leur culture sauf peut-être parmi les basques que certains considèrent comme leurs derniers survivants.
En France, l'expansion ibère allait occuper tout le sud-ouest à partir du VIe siècle avant J.C. Les Aquitains de race et de langue ibérique occupèrent toute la rive gauche de la Garonne jusqu'en Espagne, comme en témoigne la toponymie de la région, et ce jusqu'à l'invasion romaine en 52 avant J.C. Dans la Languedoc, il conquirent les plaines et y fusionnèrent avec la population primitive locale formant le peuple Elysique ou Élyséen (pasteurs, bûcherons et menuisiers) qui a donné son nom aux Champs-Élysées. Les Ibères couvrent la Gascogne de villages enclos et d'oppidums, commandant les routes de transhumance vers le sud des Pyrénées. En 350 avant J.C., ils résistent à l'invasion gauloise et y maintiendront leur parler ibérique jusqu'à l'invasion romaine en 52 avant J.C. Les Ibères pousseront leurs conquêtes jusqu'en Provence, aux abords du Rhône, occupèrent la Corse et puis fondèrent même des colonies en Normandie (le nord). Plus loin encore, les Ibères fondèrent plusieurs colonies en Grande Bretagne même, avant l'arrivée celtique.
La civilisation ibère reste largement inconnue. "on pense que Tartessos était le centre d'une civilisation très avancée, prospère et particulièrement riche en minerais, mais qui fut rayée de la carte du monde après sa prise par les Carthaginois en 553 avant J.C." (8) sans laisser de traces tangibles de son existence. On ignore actuellement l'emplacement exacte de Tartessos. Les archéologues allemands Schulten, Jessen, Herman et Hennig la localisèrent dès 1905 sur une île à l'embouchure du Guadalquivir, un gros port commercial qui fournissait du métal à tout le bassin méditerranéen, le Sierra Moreno étant l'un des plus riches gisements de minerai de l'antiquité. Mme E.M. Wishow situait Tartessos en Andalousie, non loin des mines de Rio Tinto (dont on fait remonter l'origine à 8000 ou 10000 ans). Strabon (63 avant - 21 après J.C.) dit à propos des Tetuniens (Tartessiens) : "Ce sont les plus civilisés des Ibères. Ils savent écrire et possèdent des livres anciens ainsi que des poèmes et des lois en vers qu'ils disent remonter à 7000 ans" (9). Un exemple de leur langage écrit est peut-être l'inscription gravée sur un anneau découvert par Schulten dans un village espagnol de pécheurs près du site présumé de Tartessos. Mme Wishow a relevé d'autres inscriptions ibères (que nul n'a encore pu traduire) et a découvert qu'environ 150 de ces signes alphabétiques apparaissent aussi sur les murs des cavernes de Libye, elles aussi non traduites. L'une des découvertes les plus remarquables sur la civilisation ibère est le buste appelé "la dame d'Elche" découvert à Elche dans le sud de l'Espagne et qui se trouve aujourd'hui dans un musée madrilène. Cette statue dont on a parfois pensé qu'elle était le portrait d'une prêtresse atlante, constitue en elle-même la preuve du haut degré de civilisation atteint par les Ibères.
Tout cela semble établir l'existence d'une "civilisation peu connue en Méditerranée occidentale à une époque très reculée" conclut enfin Ch. Berlitz (10).
Par M. AMIROUCHE
Matchi d-ketch amirouche?
Ar tufat.
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