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Interview du Webmestre sur France3
 Tadmaït Misère et révolte
Auteur: Hacéne 
Date:   2001-07-24 15:13:14

Tadmaït Misère et révolte
par Mohamed Younsi
Poète et journaliste

Dans le sillage des émeutes qui ont ensanglanté la Kabylie depuis le 20 avril, la localité de Tadmaït située à 17 Km à l'Ouest de Tizi-Ouzou n'est pas demeurée en reste. De violents affrontements s'y sont produits entre la jeunesse survoltée et les gendarmes qui ont trouvé là l'occasion de se venger d'une population qui ne leur a jamais caché sa répulsion naturelle. Pour cause, ce corps de sécurité s'est traditionnellement conduit comme en terrain conquis, à l'image d'un véritable corps colonial. Il était jusque-là de coutume que les gendarmes se fassent servir gracieusement par quelques commerçants obséquieux et serviles ou seulement apeurés par l'injustice dont pouvaient faire preuve ces représentants de l'ordre plutôt enclins au désordre.

Certains éléments de la gendarmerie sont cités par les citoyens dans diverses tentatives d'extorsion de fond. Seule la crainte des représailles a empêché, du reste, les citoyens de porter plainte ; l'institution judiciaire étant elle-même désavouée, plus aucun recours n'est possible, aujourd'hui encore, au petit citoyen, sans appui dans l'administration ou les services de sécurité. Des chômeurs travaillant dans l'oued Sébaou ont fait l'objet, il y a quelque temps, de demande de "Tchipa " (pot de vin) de la part de certains gendarmes ripoux. Ces derniers se sont livrés selon les citoyens à des activités illégales contre lesquelles ils sont en principe sensés légalement sévir. Drogue et corruption figurent en tête de liste des dérives de ces gendarmes au-dessus des lois d'un état qui se veut officiellement républicain tout en usant de tous les pouvoirs d'une monarchie absolue. Un jeune gendarme particulièrement virulent, honni par la population de Tadmaït, s'est même cru en droit d'attenter à l'honneur d'une famille en toute impunité. Au lieu de le juger comme un vulgaire malfrat, sa tutelle l'a honoré en l'affectant ailleurs où il sévira certainement de la même manière.Aussi, une véritable stratégie de harcèlement a été mise en place par les manifestants, en majorité des jeunes ayant juré de mener la vie dure aux gendarmes, jusqu'à la satisfaction de leurs revendications essentielles. A savoir, la redistribution équitable des richesses nationales, la reconnaissance de Tamazight comme langue nationale et officielle et par-dessus tout, l'exigence d'un changement systémique radical, en clair la chute du régime qui devra passer nécessairement par le jugement des commanditaires et des assassins de la jeunesse kabyle, responsable de la faillite du pays. Car, à ce niveau de la crise nationale, aucun recul du pouvoir, quel qu'il soit, ne pourra désormais apaiser l'ire d'un peuple plus que paupérisé dans un pays pourtant richissime. Le recyclage d'un personnel politique anachronique et obsolète a vécu, n'en déplaise à M. Bouteflika qui a exhumé de son sarcophage la sinistre et macabre momie de Messaadia.Durant les deux nuits des 24 et 25 mai, les jeunes insurgés ont lancé des cocktails Molotov sur les locaux de la gendarmerie et brûlé le grand portail à l'aide de pneus. Complètement calciné celui-ci ressemble désormais à une vulgaire feuille d'aluminium déformée par la chaleur. La façade donnant sur la rue principale porte encore les traces épaisses du feu qui avait failli s'étendre à tout l'édifice. Devant l'ampleur des assauts répétés des manifestants, les gendarmes sortis pour occuper la rue ont été contraints à plusieurs reprises de battre en retraite et se réfugier dans leurs locaux. Les heurts se sont ainsi prolongés à chaque fois jusqu'aux environs deux heures du matin. Dans le feu de l'action deux jeunes manifestants D. Azeddine et S. Dahmane ont été arrêtés par les éléments de la gendarmerie qui les ont violemment passés à tabac. Pour avoir voulu éteindre le feu mis par les gendarmes à une voiture de marque Citroën, appartenant à un citoyen, S. Dahmane a été intercepté par ces derniers et violemment battu. Comme de vulgaires voyous, les gendarmes l'ont délesté de la somme de 1000 dinars pour le relâcher ensuite tout nu après avoir brûlé tous ses vêtements. Le crime et la barbarie ont été poussés à leur paroxysme lorsque les gendarmes ont violé des domiciles pour rechercher des manifestants. C'est ainsi que dans la nuit du 26 mai une meute de criminels a violé le domicile de B. Amara pour massacrer son neveu B. Kamal. Cette nuit-là, la gendarmerie a fait usage de ses armes, sans faire de blessés, des tirs nourris de fusil mitrailleur (F.M) et de mitraillettes ont été entendus du côté de la forêt de Sidi Ali Bounab. La veille, un autre jeune, R. Amar, a été lui aussi martyrisé lors de ces manifestations. Il a été plus gravement atteint que ses camarades, bien que ses jours ne soient pas en danger. Les commerces du boulevard Colonel Amirouche ont été mis à mal par les gendarmes qui ont défoncé les rideaux touchant plus particulièrement la pharmacie du centre-ville. Dans la foulée, les familles riveraines ont été méthodiquement agressées à l'aide de bombes lacrymogènes dont les effets secondaires tels que maux de têtes, crises d'asthmes violentes, diarrhées, éruptions cutanées, ont été signalés par de nombreuses personnes qui appréhendent des pathologies plus graves liées à l'usage abusif de ces gaz anti-émeutes.

Devant la gravité des faits, la nature juridique de ces exactions ne fait aucun doute, sauf pour les exécutants et leurs commanditaires qui se sont emmurés pendant longtemps dans un silence tout aussi criminel. Il y a là incontestablement crime contre l'humanité. Aussi, seul un véritable Nuremberg algérien rendra un jour justice aux victimes de cet ethnocide que l'on tente à tout prix d'exécuter à huis-clos en allant jusqu'à passer à tabac des journalistes comme ce fut le cas de notre confrère du journal Le Matin, Nadir Benseba, à Tizi-Ouzou.Dans cette localité jadis terriblement martyrisée par le colonialisme français et tout aussi méprisée durant 38 ans d'indépendance, le régime a failli récemment mettre le feu aux poudres en détournant 40 logements communaux au profit des enseignants de l'université alors que les citoyens de la commune croupissent encore qui dans des bidonvilles et dans des caves qui dans des garages sans le moindre espoir de voir un jour leur problème se résoudre. Autant de mépris de la part du régime oligarchique d'Alger et de ses relais dans la région ne pouvait que faire casser le vase ; la goutte l'ayant déjà fait déborder depuis bien longtemps.Au pied du fameux massif montagneux de Sidi Ali Bounab, à Tadmaït, le nombre de laissées-pour-compte victimes de la cupidité et de l'iniquité du système féodal augmente de façon quasi exponentielle ainsi que dans tous les bourgs oubliés d'Algérie. Les richesses étant les plus souvent détenues par des sectes de privilégiés inféodés corps et âmes aux autorités et auprès desquels le système puise ses larbins les plus vils et serviles et ses relais inconditionnels.Tous les soirs, pendant près d'une semaine, les émeutiers reprenaient le chemin du combat, à chaque fois, pour une nouvelle nuit blanche promise le matin même aux gendarmes. A quelques encablures de là, Tizi-Ouzou, s'embrasait nuit et jour, des rumeurs laissaient entendre que le Wali (préfet) était démissionnaire et que l'armée allait prendre possession de la rue, comme au printemps 1980. Qu'en est-il aujourd'hui, après quelques jours d'accalmie ? Le mur déjà bien lézardé du régime commence-t-il à s'écrouler ? Aux abois, comme un prédateur blessé, celui-ci traîne une illégitimité telle qu'il n'en est plus à redorer son blason définitivement terni. Aussi, continuera-t-il, en dépit de tout, à faire passer ses immenses intérêts devant ceux du pays quitte à hypothéquer son avenir pour toujours. Au point où nous en sommes, les populations des bourgs oubliés de Tadmaït et de toute la Kabylie n'espèrent rien du régime en place. Aucun indice ne permet, du reste, de présager une quelconque solution politique imminente à la crise actuelle. Le pouvoir semble plutôt enclin à la violence et au pourrissement qu'au bon sens, croyant qu'un simple replâtrage dans le gouvernement serait à même de berner une population dont le seuil de lucidité politique est, le moins que l'on puisse dire, très largement supérieur à la moyenne nationale.Alea jacta este, les dés de l'aventure ethnocidaire trônent toujours sur le tapis des décideurs jusqu'au-boutistes ! A moins que la solidarité nationale ne se manifeste avec une Kabylie qui attend et espère un sursaut salutaire, comme en 1954. Ce qui est peu probable en regard de la léthargie politique dans laquelle sont plongées les autres régions d'Algérie.

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 Tadmaït Misère et révolte  nouveau
Hacéne 2001-07-24 15:13:14 

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