Auteur: Michel_Mohand
Date: 2003-11-17 20:20:51
Bonjour à tous :
Voici une interview de Salah Bekka au journal "La dépéche de Kabylie" qui explique sa démarche. Je n'ai pas dit que j'approuve les arguments de Mr Bekka, loin de là, et ce texte est donné ici comme contribution au débat :
"Interview de Salah Bekka, producteur exécutif de L'Algérie en chœur
"LA CULTURE NE DOIT PAS ÊTRE UN EXCÉDENT DE BAGAGES"
C'est à la limite de l'offense que de vouloir ou même tenter de présenter un homme tel que Salah Bekka. Il est multiple et il n'aime pas quitter l'ombre sous laquelle il se plaît. Sa redoutable efficacité et sa droiture sont discrètes.
Depuis quinze ans, Bekka est devenu l'homme "solidarité". Aujourd'hui, il est aussi un professionnel du spectacle qui a acquis ses lettres de noblesse parmi les "nababs" du métier en Europe. Que d'actions il a initiées avec son ami Aït Menguellet ! Inutile d'y revenir. Cet homme qui vit en France donne pourtant l'air de n'avoir jamais quitté l'ombre des oliviers de sa Barbacha natale.
C'est aussi cela le génie.
Nous nous sommes promis de ne pas lui faire quitter son ombre, mais qu'y pouvons-nous ?
Nous ne pouvons plus que l'écouter.
La Dépêche de Kabylie : Vous êtes partie prenante de L'Année de l'Algérie en France. Qu'en attendez-vous exactement ?
Salah Bekka : Nous savons tous que la meilleure façon de faire connaître son pays, c'est de brandir sa carte d'identité culturelle. Lorsque nous recommencerons à raconter notre propre culture au reste du monde, le monde se rapprochera forcément encore plus près de nous. Mais si nous l'étouffons de nos propres mains, qui sera en mesure de nous raconter ?
Ce que nous attendons tous de Djazaïr, une année de l'Algérie en France, c'est qu'elle replace le pays parmi les nations, pour qui la culture n'est pas un excédent de bagages, et ce, par le biais de ses artistes et de ses hommes de lettres et de culture ; qu'elle dise au monde que, malgré nos difficultés, nous continuons à produire, donc à aimer l'Algérie.
Mon espoir est qu'elle explique et démontre aux Européens que l'Algérie n'est pas une terre d'égorgeurs, que, chez l'Algérien, la fraternité est une tradition et la modernité une de ses priorités.
Mon espoir est qu'elle démontre et mette au jour nos capacités créatrices qui n'ont rien à envier aux meilleurs.
D'ailleurs, beaucoup, moi en premier, ne s'attendaient pas à ce que l'Algérie, vu la situation qu'elle endure depuis dix ans, assume les 2000 manifestations culturelles prévues, notamment les arts plastiques, le théâtre, le cinéma et bien d'autres arts qui ne peuvent s'épanouir que dans la sérénité.
En tant qu'organisateur de L'Algérie en chœur, d'après-vous, que peuvent en attendre les artistes qui y participent ?
Qu'elle leur apporte les possibilités de montrer leurs œuvres et démontrer leur talent. En se produisant à travers toute la France, les artistes gagneraient à se faire connaître des grands producteurs et organisateurs de spectacles.
Ne perdons pas de vue que Djazair, une année de l'Algérie en France se termine en décembre 2003.
C'est à mon avis une opportunité qu'ils devraient saisir car elle ne se reproduira pas de sitôt.
Vos propos ressemblent à une réponse à ceux qui pensent que participer à L'Année de l'Algérie en France c'est "faire le jeu du pouvoir"...
D'abord, sachez que je n'ai à répondre à personne. A quel titre d'ailleurs leur répondrai-je ? Je ne suis ni un politique, ni un faiseur d'opinions, je ne draine pas les foules. J'ai toujours vécu en France et je réponds au titre de professionnel de spectacles. Cela veut dire quoi "faire le jeu du pouvoir" ? Si c'est être au contact des pouvoirs publics, qui ne sait que toute activité culturelle ou autre est soumise à des autorisations ? Qui peut vous délivrer ces autorisations sinon les institutions publiques ? Que vous organisiez l'esplanade de Riad El Feth ou la place du marché de Barbacha, vous êtes tenu de négocier avec les autorités ministérielles pour la première, le maire et le commissariat du quartier pour Barbacha. Dans cette profession, si vous ne voulez pas avoir de contact avec les pouvoirs publics et ne pas faire, comme vous le dites, "le jeu du pouvoir", alors il ne vous reste plus qu'à mettre une croix sur tous vos projets et arrêter dès maintenant de travailler.
Oui, mais certains artistes disent qu'ils ont peur d'être censurés...
Quand j'ai décidé de participer à Djazaïr, une année de l'Algérie en France, j'ai posé une simple question à M. Raouraoua en présence d'une douzaine d'artistes de renom. Je lui ai dit exactement ceci : "Imaginez que je sois artiste, que j'accepte de participer, que je signe un contrat avec vous aujourd'hui, et, le jour du concert, au moment de monter sur scène, que je vous dise : je vais dénoncer ce qui se passe en Kabylie et demander la libération des détenus d'opinion du Mouvement citoyen ; quelle serait votre réaction ?" Sa réponse était claire. Il m'a dit : "M. Bekka, certains artistes se méprennent sur ma position. Je suis pour la liberté d'expression et pour l'épanouissement de l'artiste." M. Raouraoua était visiblement étonné que je lui pose cette question car, en vérité, elle frisait le ridicule, sachant que, si en Algérie, on n'interdit plus depuis longtemps à l'artiste de dire ce qu'il veut, ce n'est pas en France que cela risque de se produire.
Est-ce pour cela que vous avez lu un texte que les artistes vous ont remis pendant les concerts de l'Olympia et du Palais des Congrès ?
Oui, et le texte parle de lui-même (lire encadré).
L'avez-vous fait lire avant à M. le commissaire général ?
Je n'y étais nullement tenu, mais, par droiture, vous pensez bien que oui. Et je peux vous assurer qu'il n'a eu pour seul propos : "Ce texte est très fort". Sachez que pour moi, cette manière de travailler a toujours été et restera d'une rigidité irréversible. Sans louvoiement.
J'ai absolument le même respect pour tous mes partenaires, quel que soit leur rang, mais aussi les mêmes exigences.
Vous paraissez avoir une bonne opinion de M. Raouraoua...
Je dois dire que je ne le connais que depuis le début de cette année et je reconnais pour l'avoir vu à l'œuvre, à maintes reprises, que j'ai rarement trouvé un homme aussi attentif, décisif et efficace dans ce domaine qu'est la promotion de la culture. Avec lui on ne peut que concrétiser.
Parlez-nous de L'Algérie en chœur...
Il s'agit de l'organisation de plus de 26 concerts qui seront programmés dans diverses salles à travers toute la France.
A titre d'exemple, je vous cite quelques salles où les spectacles sont confirmés : Rouen, Champigny, Mulhouse, Bourges, Lille, le Palais des Congrès de Lyon, le Zénith de Nancy, le Dôme de Marseille, le Parc des expositions de Toulouse, le festival de Nantes et, le théâtre de Roubaix. A Paris, les plus prestigieuses salles sont réservées : deux fois le Zénith, le Palais des Congrès, le Casino de Paris, le théâtre Mogador, l'Olympia...
Peut-on connaître les noms des chanteurs qui y prendront part ?
Il y en a beaucoup, je ne peux pas vous les citer tous mais il y aura Rabah Asma, Massa Bouchafa, Hamdi Benani, City 16, Karima, Guerrouabi, Aït Menguellet, Billal, Fadhela, Chérif Hamani, Tayeb Brahim, Baâziz, Hanini, Katchou, Mami, Ouazib, Kheloui Lounès, Hacène Ahrès, Khaled, Zahouania, Khalas, Abdou, Yamina, Fahem, Kamel Igman, Farid Gaya, Arezki Moussaoui, Ali Idheflawen, Amira et bien bien d'autres.
Sur quels critères s'est fait le choix des artistes programmés ?
Les critères sont simples. L'Algérie est multiple et diverse, sa musique aussi. Mon principal objectif, c'est que toutes les régions soient représentées.
Quant à l'approche, soit je les contacte directement moi-même, soit je contacte leur manager, et la programmation se fait selon leur disponibilité, soit l'organisateur local les propose, et c'est souvent le cas.
La tournée de L'Algérie en chœur se fera en partenariat avec les producteurs et les associations algériennes résidant en France afin d'aider à leur promotion, à l'épanouissement de leurs activités et à la réalisation de leur mission.
Si je vous proposais de terminer cet entretien, que diriez-vous ?
Je terminerai par trois mots, qu'il serait bon que chacun de nous médite longuement et garde ça au fond de lui-même parce qu'ils ne peuvent être que salvateurs. Ce sont les mots de l'un des plus grands hommes de notre pays : "L'Algérie avant tout."
Entretien réalisé par Amir Guedouri
|
|