Auteur: Amirouche
Date: 2001-04-28 14:43:28
Chercher l'erreur. Trouver l'ennemi
Par Sid Ahmed Semiane
La Kabylie est en feu. Tout de suite une topographie : à gauche, un peuple en colère depuis la mort de Massinissa et le départ des Romains. A droite, les forces du désordre, depuis l'arrivée de Ben Bella au pouvoir. Au centre, des balles meurtrières sifflant de droite à gauche des slogans hostiles, à la reconnaissance de tamazight. A l'hôpital, des blessés qui attendent de succomber au Printemps berbère. A la morgue, des morts qui font la queue pour avoir un permis d'inhumer avant la sortie du prochain disque de Ferhat M'henni.
Que s'est-il passé ? Pourquoi tant de violence ? Qui a commencé ? Et qu'en pense Abderahmane Djalti ? La Kabylie est-elle une région d'Algérie ou un pays voisin avec lequel l'administration coloniale d'Alger veut rompre toutes ses relations diplomatiques ? Pouvons-nous faire l'économie de telles interrogations tellement essentielles ? Certainement pas.
Un peuple est dans la rue depuis plusieurs jours. Il hurle une colère ancestrale en cassant ce qu'il trouve sur son passage. Mais comme il n'y a rien, il s'attaque à tout. Et comme à chaque fois que le peuple sort dans la rue, le pouvoir reprend les mêmes procédés. Au lieu d'écouter, le pouvoir dégaine. D'abord des armes, ensuite des comptables. On réprime les marches, puis on comptabilise les dégâts matériels avant de chercher un ennemi virtuel que tout le monde croit connaître, mais que personne ne désigne clairement. On veut mettre la main sur le manipulateur qui agite les manifestants.
En pareil cas, la presse publique est le meilleur relais de l'administration coloniale. Elle compte les milliards qui partent en fumée, oubliant que les véritables dégâts ne sont pas matériels et que personne ne pourra jamais les évaluer. Et combien de milliards coûte la répression culturelle ?
La classe politique, elle, se demande pourquoi les jeunes ne rentrent pas chez eux alors qu'il commence à se faire tard avant d'accuser chacun un adversaire non identifié. Le FFS accuse
« des clans qui veulent régler leurs différends par populations interposées ». Le RCD accuse les « apprentis pyromanes ». Le ministre de l'Intérieur accuse « les ennemis de la nation à l'appartenance connue de tous ». Abderahmane Mahmoudi, l'éditorialiste, incrimine
« les adversaires acharnés de tout mandat présidentiel conduit à son terme »
Entre apprentis pyromanes, ennemis de la nation, clans au pouvoir et les adversaires des mandats présidentiels conduits à terme, chacun inculpe un ennemi qu'il désigne comme le manipulateur des foules. On cherche tellement le parfait coupable qu'on en oublie l'essentiel : un enfant de 19 ans a été tué dans les locaux de la gendarmerie.
Et pourquoi les foules auraient-elles nécessairement besoin de manipulateurs ?
Un enfant qu'on tue par balle dans un établissement d'Etat est un acte suffisamment grave pour mettre en colère un peuple. Du moins, ça devrait l'être.
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