Auteur: oubekkou
Date: 2002-01-16 17:27:02
LA POLITIQUE INTERNATIONALE
En politique internationale, ces derniers mois ont été marqués par deux événements majeurs : l'un est d'influence planétaire avec l'engagement US en Afghanistan ; l'autre est d'ordre régional mais néanmoins important : c'est la signature de l'accord d'association entre l'Algérie et l'UE.
Sur ces deux événements, nous essayons d'analyser les implications sur le monde en général, et l'Algérie en particulier, et les bénéfices que peut tirer notre pays, voire le courrant démocratique.
L'AGRESSION DU 11 SEPTEMBRE
Avant l'attaque des Twin Towers à New York et du Pentagone à Washington par El Quaïda, le monde occidental avait une double position vis-à-vis du phénomène @!#$ radical : d'un côté, il le perçoit bien comme l'ennemi de l'Occident, qui ne s'embarrasse d'assumer ouvertement le choc des civilisations ; de l'autre, il compose avec lui pour contrecarrer l'adversaire principal d'hier, l'Union Soviétique, tout en bénéficiant de la manne pétrolière de l'Arabie Saoudite et des pays du Golfe, grands pourvoyeurs en fonds des mouvements islamistes dans le monde.
Nous voyons que l'intérêt économique n'est pas absent dans l'approche occidentale, principalement US, de l'islamisme, même si des considérations idéologiques peuvent parfois prendre le dessus (exemple : l'aide à la résistance afghane contre l'URSS).
Après l'agression d'El Quaïda contre leur propre sol, les Américains ont décidé d'en finir avec le terrorisme @!#$, et beaucoup d'idéologues et stratèges en Occident désignent clairement cette idéologie comme le 3ème phénomène totalitaire d'influence mondiale après le nazisme et le stalinisme.
Les Occidentaux ont toujours compris que le combat anti-@!#$ ne peut être réduit à la dimension sécuritaire exclusivement. L'option prise est de le combattre sur tous les fronts, en lui asséchant ses sources et circuits financiers, en mettant la pression sur ses parrains du Golfe et en pourchassant les groupements islamistes réfugiés en Europe, principalement à Londres.
Ainsi, voit-on geler les avoirs des personnes soupçonnées de financer El Quaïda, l'Arabie Saoudite accepter ses terrains d'aviation comme bases de déploiement des soldats US contre leurs enfants spirituels, les taliban, et, enfin, la promulgation du Terrorisme act, à Londres, cette loi qui permet à la police d'avoir des pouvoirs étendus dans sa lutte contre les islamistes réfugiés sur le sol britannique. Il en est de même aux USA.
Aujourd'hui, les résultats sont parlants : le sanctuaire étatique que fut l'Afghanistan est anéanti, et la "rue musulmane" reste étrangement silencieuse, sans doute groggy face à la réalité et à la monstruosité des "nouveaux barbares" que sont les islamo-terroristes.
Un nouveau monde est en train de se dessiner avec une alliance solide contre le terrorisme composée des USA, de l'Europe, de la Russie et de la Chine. La marge de manœuvre des islamo-terroristes ne s'en trouvera que réduite.
Une marge de manœuvre plus ouverte aux démocrates
Les conséquences immédiates sur l'Algérie sont certainement l'évolution de la perception de l'islamisme du point de vue occidental. Rappelons que l'option Sant'Egidio avait reçu l'assentiment et l'encouragement des faiseurs d'opinion et même des organismes para-étatiques, comme la fondation "Rand Corporation" aux USA.
Le changement de cap occidental qui est passé de l'accommodement au rejet de l'islamisme ne peut être efficient que si les pouvoirs des Etats musulmans accompagnent ce mouvement. Cela suppose, dans ces pays, une plus grande ouverture vers la modernité et accepter l'idée de l'alternative démocratique, car les phénomènes totalitaires se combattent sur les plans militaire et politique. Et la réponse politique, c'est toujours la démocratie. La confusion idéologique et politique et le manque de perspectives au sommet de l'Etat dénotent l'absence d'imagination et de détermination à combattre l'islamisme et, finalement, à faire rater à l'Algérie une occasion de rayonner sur le plan diplomatique en faisant un retour tonitruant sur la scène internationale.
Finalement, la détermination occidentale à lutter contre le terrorisme et son soubassement idéologique, l'islamisme, ne peut être que bénéfique à l'Etat algérien et, partant, pour le courant démocratique.
Mais, c'est de notre capacité à dépasser le régime et à paraître comme un élément alternatif à la situation actuelle qui fera que les démocrates occidentaux miseront ouvertement sur nous. A défaut, le régime en place sera considéré comme un pis-aller.
L'ACCORD D'ASSOCIATION
Le deuxième événement qui pourra jouer positivement en faveur des démocrates est la signature, le 19 décembre dernier, de l'accord d'association entre l'Algérie et l'UE.
Mais avant d'expliciter cet avantage, il faudrait connaître ce qu'est un traité d'association, son contenu, ses conséquences.
Bien avant le lancement d'accord d'association par l'UE en direction des PTR (pays tiers méditerranéens) ou des PSEM (pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée), il y avait une coopération organisée. Le cadre qui existait entre l'Algérie et l'UE est régi par l'accord conclu le 26 avril 1976, entré en vigueur en 1978 et complété par les protocoles additionnels du 25 juin 1987, consécutifs à l'élargissement de la Communauté européenne à l'Espagne et au Portugal. Cet accord comporte trois volets portant sur les échanges commerciaux, la coopération financière et la main-d'œuvre.
Un cadre de coopération additif, intitulé "Politique méditerranéenne renouée", mis en place par la Communauté européenne, est venu élargir la coopération dans le cadre de l'accord de 1976 à de nouveaux domaines : l'appui à l'ajustement structurel, la coopération inter-institutionnelle décentralisée, le partenariat dans le secteur PME/PMI. Grâce à cette politique, l'Algérie a bénéficié d'assistance macro-économique en bénéficiant de deux prêts (1991 et 1993) à moyen terme en vue de soutenir sa balance des paiements. Dès que l'Algérie a annoncé sa disponibilité à négocier un accord de partenariat avec l'UE, en 1993, elle a été déclarée éligible à l'aide financière MEDA, qui est l'instrument majeur de l'accord d'association lequel est né, à Barcelone, le 28 novembre 1995. Ce jour-là, il a été adopté la déclaration de Barcelone, qui met en place l'accord de partenariat euro-méditerranéen, par 15 Etats membres de l'UE et les 12 Etats du Sud et de l'est de la Méditerranée (Algérie, Chypre, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Territoires palestiniens, Syrie, Tunisie, Turquie).
L'Union européenne proposait à nos partenaires méditerranéens de substituer aux accords bilatéraux existants une approche globale et multilatérale comportant 3 volets :
1. politique,
2. économique,
3. social, culturel et humain.
Le processus de Barcelone qui visait à créer une zone de libre échange - la plus grande du monde - dans une période de 12 ans - se voulait aussi une initiative originale. Les 3 volets définis auparavant étaient considérés comme interdépendants et dans l'esprit des signataires devaient s'équilibrer, dans une démarche où l'approche économique ou même purement commerciale qui avait prévalu antérieurement s'intégrait dans une vision politique plus large liant entre eux les objectifs de sécurité et de stabilité politique dans le respect des libertés, de développement économique solidaire, de progrès social et de rapprochement des cultures dans le respect de leur diversité.
1. Le volet politique
Le volet politique avait comme ambition de départ "l'établissement d'un dialogue politique renforcé et régulier" afin de garantir en Méditerranée un espace de paix, de solidarité et de sécurité.
Il a également été accepté par consensus que le dialogue instrumentalisé puisse aussi porter sur :
- la promotion des droits de l'Homme et de la démocratie, la tolérance et la compréhension mutuelle ;
- la coopération face à la criminalité organisée, le terrorisme et en matière de non prolifération d'armes de destruction massive ;
- la prévention des conflits, la gestion des crises et le relèvement après les conflits.
2. Le volet économique
L'objectif affiché est de parvenir à un développement économique et social durable et équilibré, à la lutte contre la pauvreté grâce à une coopération économique et financière renforcée.
Cet objectif ambitieux vise à l'établissement d'une vaste zone de prospérité partagée et doit être atteint par des accords bilatéraux entre l'UE et chaque Etat partenaire du PSEM, concrétisé par la signature d'accord d'association s'appuyant sur la mise en œuvre d'une aide financière renforcée de l'UE, au moyen de l'instrument budgétaire MEDA et de l'octroi de prêts spéciaux de la BEI. L'objectif global est l'instauration de la zone de libre échange, donc de la levée des barrières douanières jusqu'à leur disparition totale.
L'assistance financière de l'UE contribue à assumer une partie des coûts de l'ouverture des économies et des réformes d'accompagnement et/ou de structure.
Le règlement MEDA est une ligue budgétaire qui peut financer pratiquement tout type de projet de nature "transition économique", socio-économique et culturel.
Les projets susceptibles d'être financés par la commission doivent entrer dans le cadre d'une programmation régionale ou nationale établie pour trois ans, en concertation avec les Etats membres et les PSEM. De ce fait, la programmation permet d'assurer que les objectifs financés sont en conformité avec les objectifs de la Déclaration de Barcelone dans les trois volets et qu'ils correspondent également à un besoin de pays récipiendaires. De plus, le financement est soumis à une conditionnalité économique (aide à l'ajustement structurel) et politique (clause suspensive des droits de l'Homme).
Dès lors, les financements prévus ne sont pas acquis et dépendent, en principe, des avancées réformatrices des pays partenaires, ce qui introduit un mécanisme d'incitation et de sanction.
A côté de ces fonds classiques, sur requête du Parlement européen, la commission a créé une ligne budgétaire distincte, intitulée MEDA-Démocratie, qui n'est pas intégrée au cadre général de la coopération financière à la région MEDA. Ces fonds sont destinés à des organismes publics ou privés qui promeuvent l'établissement d'un Etat de droit et défendent les minorités. Les pays récipiendaires n'ont pas droit de regard sur eux, contrairement aux fonds classiques.
Quant à la BEI, elle est soumise aux mêmes règles d'engagement des fonds que MEDA. Son intervention est davantage axée sur les dépenses d'infrastructures (eau, énergie, transports).
Il faut distinguer la nuance entre ces aides. L'une MEDA est à fond perdus, l'autre, relevant de la BEI, sont des prêts bonifiés, comportant donc un élément don.
3. Le volet humain, social et culturel
C'est incontestablement l'aspect le plus novateur du processus de Barcelone, parce qu'il repose sur le développement des échanges entre sociétés civiles. Tout en luttant contre la pauvreté, ce volet vise la promotion d'une meilleure compréhension entre les cultures.
L'Algérie face à cet accord
L'accord d'association avec l'UE ouvre des perspectives politiques, économiques et sociales des plus intéressantes.
Cela ne se fera pas sans difficultés. Je reviendrai sur ce point dans un moment. En attendant, cet accord, qui comporte 250 pages avec les additifs et qui n'est pas encore public, doit être entériné par la Communauté européenne, ratifié par les 15 parlements de l'UE et le nôtre. Cela demandera 3 ans afin qu'il entre en vigueur. Pour qu'elle réunisse cette entrée de plain-pied dans cet accord d'association, l'Algérie a déjà été déclarée pays éligible aux programmes MEDA I (1996-1999) et à MEDA II (2000-2006). Cependant, les retards pris dans les réformes de structures (administration, douane, banques, cadastre) et l'absence de vision politique, résumée par le concept de "spécificité de l'économie nationale", ont fait que l'Algérie est considérée comme "un mauvais absorbeur" de l'aide européenne, contrairement à la Tunisie ou au Maroc (36% des fonds MEDA leur ont été attribués). L'Algérie n'en est qu'à 6%.
Notre pays se situe dernière la Jordanie, la Tunisie (14%), le Maroc (22%), l'Egypte et la Turquie. Nous devançons la Syrie, refermée sur elle-même, le Liban et les Territoires palestiniens. Israël et Chypre ne bénéficient pas de cette aide grâce à leur niveau de développement.
Il en est de même concernant les prêts de la BEI. Il n'y a que deux projets qui sont financés : l'un dans l'énergie pour la construction des gazoducs GR II A et GR II B et l'autre concernant le barrage de Taksebt. (30 M d'euros). C'est très peu, mais c'est indicatif de la frilosité de notre diplomatie.
Changement sous la contrainte et l'urgence
N'ayant pas su anticiper cet accord d'association, l'Algérie est en train de faire dans l'urgence et sous la contrainte une mise en œuvre d'un dispositif plus à même de répondre aux conditions de l'UE et, d'une certaine façon, aux exigences de la mondialisation/globalisation qu'incarne l'OMC.
Ainsi, la Loi de finance complémentaire de juin dernier, renforcée par la Loi de finances 2002, a introduit la baisse des tarifs douaniers sur les matières premières, les produits manufacturiers finis et semi-finis. Désormais, il n'y a que trois tarifs douaniers applicables : 5%, 15%, 30%. C'est par rapport à cette disposition que le patronat privé s'est élevé car les produits manufacturiers d'origine UE seront, à l'avenir, moins chers que les produits nationaux.
La mise à niveau des secteurs public et privé se caractérisera par des compressions d'effectifs afin que les entreprises nationales puissent être compétitives. L'on évalue une compression d'effectifs de 400 000 personnes sur une période de 4 ans.
Pour le budget national, la perte des rentrées fiscales douanières doit normalement être compensée par des investissements directs étranger (IDE). A titre d'exemple, la Tunisie et le Maroc, après une période de stagnation, commencent à avoir des effets positifs à l'heure actuelle. L'Algérie, par rapport à ces deux pays, possède un avantage certain en disposant d'une main-d'œuvre bon marché au regard de sa formation.
Une avancée politico-idéologique
Au final, il faut prendre cet accord d'association de façon positive car, idéologiquement, l'Algérie, trop longtemps freinée par son arabo-islamisme militant, est désormais arrimée à l'Europe. Cet accord d'association est global et, par conséquent, les valeurs politiques pour lesquelles nous nous battons sont mises en avant. Il s'agit de la démocratie, des droits de l'Homme dans une économie de marché où la compétence doit primer.
Nous avons, grâce à ce partenariat euro-méditerranéen, des instruments pour la défense et la promotion des droits de l'Homme. Je rappelle que le Parlement européen est très sourcilleux sur cette problématique d'autant que le respect et la promotion de l'Etat de droit constitue une conditionnalité à l'aide au développement.
Je suis persuadé que quoi que fasse désormais le régime algérien pour conserver ses privilèges, il lui sera plus difficile de le faire. La transparence en matière économique est l'un des critères qui vont s'imposer peu à peu à tous les partenaires.
Il nous appartient d'ouvrir davantage cette brèche et être ambitieux et novateur. Si pour la première fois l'Algérie n'a pas privilégié l'option idéologique au détriment de ses intérêts nationaux, on doit militer pour un meilleur rendement de cet accord en mettant en place une coopération de type horizontal avec nos partenaires maghrébins et pourquoi pas, dès maintenant, revendiquer un accord qui se situe entre l'association et l'intégration. C'est un défi qui incombe à notre pays et principalement aux démocrates.
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