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Le Blog
Interview du Webmestre sur France3
 De la cosmogonie et de la berbérité.
Auteur: Amirouche 
Date:   2001-01-09 19:11:03

Azul a ilmazyen, timazyine,

Un préhistorien bien de chez nous qui dame le pion à quelques auteurs confirmés. Il sait lire mais autrement. Il n'a que faire de l'écriture. Son domaine est beaucoup plus complexe et riche, un univers où ne s'aventurent que ceux qui parlent et vivent leur berbérité profonde, celle de la matrice. Bonne lecture.

Le préhistorien Slimane Hachi à travers ses recherches et découvertes

L’art préhistorique en Afrique du Nord est aussi ancien que celui du monde

C’est notamment la découverte de figurines sur le site d’Afalou, qui permet d’affirmer que l’art préhistorique, au contraire de ce qui est prétendu, n’est pas d’apparition récente. Et à travers ces fouilles, ce sont des cultures de peuplement qui sont mises en exergue. Les gravures rupestres racontent un mode de vie, des traditions, une continuité dans la civilisation en question. Slimane Hachi, docteur d’Etat en préhistoire, dans la suite de l’entretien accordé à notre collaborateur, donne plus qu’un aperçu sur un travail autant que passionné qu’il est de longue haleine, sur la région et l’homme de Mechta-Afalou. Un art plus ancien que l’art rupestre. Découvertes

Entretien réalisé par Boussad Berrich

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(prière de mentionner le sujet)

La Tribune: Que représentent les fragments de 56 figurines et éléments d’argile modelée et cuite que vous avez découverts ?

Slimane Hachi : Ces figurines représentent les premières manifestations artistiques d’Afrique. C’est très très émouvant de découvrir les premières représentations. C’est très évoquant d’être en contact avec les premiers instants où l’homme a pris conscience du monde, de son existence et de l’existence du monde qui l’environne. La prise de conscience de ce monde s’est accompagnée de sa représentation. Nous sommes pour la première fois en face d’une création, en face de la production d’images du monde tel que l’homme l’a transformé, et ça, c’est extraordinaire, du point de vue de l’histoire de l’art.Sur le plan du discours sur la préhistoire de l’Afrique du Nord qu’est-ce que ces choses vont changer ? C’est choses-là vont tout changer, vont changer toute la perception que l’on avait de ce qui va suivre. Parce que jusque-là on disait que l’art préhistorique, par exemple de l’Atlas saharien, du Hoggar ou du Tassili, était d’apparition récente. Or, nous avons montré pour l’existence de ces figurines à Afalou que l’art en Afrique du Nord était aussi ancien que celui du reste du monde. Nous avons pu proposer un schéma d’évolution culturelle de l’art en Afrique du Nord totalement différent de celui qui était présenté par nos prédécesseurs.Les découvertes d’Afalou nous permettent d’avancer un âge plus ancien pour l’art rupestre.La deuxième grande chose que permettent ces découvertes, ces trouvailles, est que le schéma d’évolution du peuplement de l’Afrique du Nord a été complètement bouleversé dans le sens de la continuité et non dans le sens de la discontinuité, comme cela était présenté par nos prédécesseurs qui n’avaient pas les données que nous avons pu dégager par les fouilles d’Afalou et les données fournies par les travaux les plus récents.

A travers la fresque de Tin-n-Hanakaten, qu’avez-vous pu montrer au point de vue anthropologique ?

Nous avons pu montrer que l’art rupestre n’était pas un art à destination documentaire, ce n’est pas un art qui est fait pour montrer, pour représenter la réalité objective telle qu’elle s’est donné à voir, que c’est un art qui représente des mythogrammes, que cet art dit un récit. Ce n’est pas de la photographie, on ne représente pas une vache pour dire : voilà une vache.C’est pour dire un mythe, un récit, pour dire que nous avons une société structurée autour d’une certaine idée de la vache, autour d’une certaine idée de taureau et non pas de la réalité objective du taureau ou de la vache. L’art exprime des mythogrammes, c’est l’écriture de mythe.Nous avons pu lire, quasiment à livre ouvert, la fresque de Ti-n-Hanakaten, en mobilisant la cosmogonie encore actuelle des Berbères en général et des Touareg en particulier (je vous revois à l’article que j’ai publié dans la revue Etudes et Documents berbères n°15 (1999).

Qu’avez-vous découvert à travers les comportements symboliques de l’homme de Mechta-Afalou ?

Nous avons pu mettre en évidence par les fouilles d’Afalou que l’homme de Mechta-Afalou ne se contentait pas d’activités directement liées à la subsistance, à l’alimentation, mais qu’il investissait une sphère symbolique d’une charge de cérémonies, de rituels, de systèmes de représentations très complexe et très diversifiée.Le second aspect que j’ai montré par les travaux que j’ai présentés en thèse à Montpellier est que l’art rupestre pouvait se donner à lire à l’intérieur dans le cadre de l’analyse structurale mise au point par Lévi-Strauss, mais aussi en mobilisant nos propres cosmogonies, la cosmogonie berbère, c’est-à-dire la vision du monde berbère. Nous avons pu lire une fresque rupestre du Tassili qui remonte à 8 000 ou 9 000 ans, peut-être même un peu plus.

Quelles sont les perspectives de recherches ?

L’histoire, la préhistoire, l’anthropologie de l’Algérie et du peuple algérien méritent toute notre attention et celle des pouvoirs publics. Il faut ériger un véritable centre de recherche avec des problématiques, avec des équipes de recherche qui ont des problèmes à résoudre et non des individus qui sont là à improviser à l’occasion de ceci ou de cela. Un vrai centre de recherche avec un vrai programme, avec de véritables chercheurs. Des chercheurs, il y en a ici, il y en a à l’extérieur du pays. Le deuxième point qui me paraît fondamental est qu’il faut reconnaître que la recherche préhistorique et anthropologique constitue une recherche stratégique pour le pays, parce que c’est un domaine de connaissance qui est très utile. Nous devons nous connaître nous-mêmes, connaître notre passé, notre préhistoire dans le plus petit détail et du mieux que nous pouvons pour pouvoir mieux maîtriser notre destin, maîtriser notre avenir, parce que la société attend de nous que nous lui renvoyions une image d’elle-même dans le passé, lui permettant d’avoir un ancrage identitaire, d’avoir des repères identitaires, de pouvoir construire un discours sur elle-même, un discours historique, ça c’est la mission philosophique d’un centre de recherche.Un centre de recherche, ça ne s’improvise pas. Un centre de recherche se construit autour de problématiques, autour de chercheurs, autour de l’amour de la chose qu’on cherche. On ne peut faire aimer, on ne peut faire découvrir quelque chose qu’on n’aime pas soi-même. Or, nous avons besoin de produire des connaissances, des théories, des avoirs sur notre plus lointaine préhistoire, sur notre plus lointaine histoire, sur notre anthropologie, notre culture, notre civilisation. Nous avons besoin de ça.Or, nous avons de quoi être fiers de notre passé. J’ai pu montrer que nos plus lointains ancêtres ont fabriqué les plus vieux objets d’art figuratif d’Afrique. Ce sont de très grands motifs de fierté.

Comment faire alors ?

Les perspectives de recherches qui s’offre à nous sont très vastes et très complexes. D’abord, il faut se convaincre que les idées n’avancent pas par leurs propres vertus. Une idée n’avance pas d’une manière mécanique parce qu’elle est vertueuse. Les idées avancent par les hommes et les femmes qui les connaissent le mieux, qui les ont produites, qui les connaissent et peuvent les faire avancer. La deuxième grande chose est que nous avons un patrimoine préhistorique et anthropologique d’une richesse extraordinaire. Un patrimoine qui est admis comme l’un des plus attachants de l’humanité, qui attend de nous une investigation, des recherches, des études scientifiques sérieuses et poussées et non de l’improvisation. Les immenses et les très nombreux chantiers de fouilles, les nombreux sites et gisements préhistoriques qui attendent d’être fouillés.Les immenses domaines d’art figuratif que constitue l’Atlas saharien, le Hoggar et le Tassili. Les immenses chantiers qui attendent de nous d’être repris et que sont les monuments funéraires de l’Afrique du Nord. Les immenses chantiers que sont les inscriptions les plus anciennes et les processus d’émergence de l’écriture très complexe qui attendent de nous d’être mieux prospectés, mieux étudiés, on doit renouer avec ces grandes ambitions.Tout cela, pour pouvoir faire des recherches avec tout le monde, avec tous les professeurs qui le désirent dans un cadre approprié de recherche-formation permanente, pour les jeunes en Algérie et à l’étranger, parce que nous n’avons pas le droit de nous cloîtrer, de nous enfermer, de rester entre nous de manière schizophrénique. Nous devons et nous avons les moyens avec nos propres surfaces de contact dans les laboratoires étrangers, dans les institutions universitaires étrangères, d’envoyer les jeunes en formation pour qu’ils puissent acquérir et revenir avec des techniques modernes, nouvelles et des méthodes de travail de pointe. Nous devons pouvoir déployer ces programmes et ces projets de recherche dans le cadre de collaboration et de coopération internationales avec les pays de la Méditerranée et les pays africains. Dans la coopération avec de vraies universités qui ont des idées à donner, qui ont des moyens humains, matériels à donner à des pays comme le nôtre qui ne peuvent pas continuer à être seulement des terrains d’investigation et de recherche ou des institutions qui délivrent des ordres de mission. Nous devons pouvoir nous impliquer dans des programmes de recherche internationaux multidisciplinaires sur le patrimoine algérien, mais aussi sur d’autres types de patrimoines. C’est cela l’ambition que j’ai pour mon pays et pour le centre de recherche que j’imagine.

Avec toutes ces perspectives que vous venez d’exposer brièvement, peut-être la recherche algérienne (ou africaine du Nord) en sciences humaines et sociales verra-t-elle des jours meilleurs ?

Eh bien oui ! On ne peut pas continuer à improviser, à gérer de manière hors la loi, à continuer à agresser les chercheurs les plus compétents, à leur demander de démissionner même, on ne peut pas continuer ainsi. L’Algérie appartient à tous les Algériens. A ceux qui la travaillent.Ici et là ce centre, la république, la science universelle et la culture nationale sont violentés tous les jours par un fonctionnement hors de toutes normes.Ce n’est pas le seul bien où l’échelle des valeurs est complètement bouleversée par la morgue, la haine et l’incompétence, mais ici, cela défie tout entendement, et prend des tournures surréalistes !

B. B.

 Sujet Auteur  Date
 De la cosmogonie et de la berbérité.  nouveau
Amirouche 2001-01-09 19:11:03 
 Re: De la cosmogonie et de la berbérité.  nouveau
Ullial 2001-01-10 09:39:46 

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