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Interview du Webmestre sur France3
 kama ath zerrad et la problématique amazighe
Auteur: Thamilla 
Date:   2001-08-26 20:22:15


ilaanaya nwen, inithed atchou ithwalem thi takssit agi taemirt

Pour une politique linguistique en Kabylie
Les événements de Kabylie ont fait couler beaucoup de sang, mais ont suscité peu de
réactions de la part des politiques, hormis les partis kabyles traditionnels, dont l'un a
compris un peu tard que l'on ne pouvait faire du neuf avec du vieux et l'autre, outre une
opposition sans concession, qu'il fallait s'impliquer réellement dans les affaires de la cité.
La presse indépendante a rendu compte des émeutes et des revendications de la
jeunesse kabyle, mais en insistant sur le fait que la protestation avait son origine dans les
problèmes sociaux, le chômage et les abus de pouvoir de la gendarmerie.
Il est difficile de se prononcer sur les tenants et aboutissants de la révolte kabyle, sur les
raisons obscures qui ont poussé des gendarmes à assassiner des jeunes, sur la
préméditation et la volonté d'envenimer la situation en multipliant les provocations au lieu
de l'apaiser. Il faudra peut-être attendre les révélations des auteurs si jamais ils sont
arrêtés et jugés, ce qui paraît fort improbable, l'Algérie ayant connu des situations
semblables avec des enquêtes se terminant toujours en queue de poisson.
Qu'observe-t-on en effet, sinon un renforcement des forces de sécurité, de la répression
et des exactions en Kabylie ? Aucun signe d'ouverture de la part d'un pouvoir qualifié
d'« assassin » par la population même. Que reste-t-il alors ? Il semble que les autorités
poussent à l'isolement de la région pour mieux la museler.
On a écrit et proclamé que la jeunesse exprimait en fait le désespoir de toute une
génération d'Algériens. C'est juste Mais alors comment expliquer la quasi-absence de
réaction des jeunes des autres régions ? Comment expliquer l'absence de soutien de la
société civile en dehors de la Kabylie ? Où sont les associations, les organisations et les
organismes à caractère civique, social et culturel ? Hormis les Kabyles d'Alger et
d'Oran, personne n'a bougé. La population kabyle a été livrée à elle-même, ce qui
montre que la perception de la Kabylie reste toujours problématique.
Il faudrait également expliquer pourquoi la Kabylie est toujours en première ligne.
Pourquoi d'autres régions ne sont-elles pas à l'origine de l'exaspération qui a abouti à ce
drame sanglant ? Cela signifie que l'argument qui veut que les Kabyles soient les
porte-parole de toute la jeunesse algérienne en exprimant la hogra, le chômage, la
malvie, la corruption, reléguant ainsi au second plan la revendication identitaire et
linguistique, est partiellement fallacieux. A mon sens, il s'agit d'un tout, car qu'est-ce que
le mal-être ? On peut séparer les problèmes existentiels de ceux du quotidien Il nous
semble au contraire clair que ce qui pousse les Kabyles à se révolter, c'est avant tout ce
sentiment d'être des laissés-pour-compte, leur droit à être reconnus dans leur identité et
leur langue étant bafoué depuis trop longtemps. Toutes les autres revendications ne sont
qu'un corollaire qui, bien entendu, se confond avec celles du reste du pays, resté
pourtant bien étrangement silencieux.
La « gestion » des événements meurtriers de Kabylie montre encore une fois que nos
gouvernants et le Président lui-même n'ont pas du tout l'intention de reconnaître la
dimension berbère et kabyle en particulier Bouteflika avait déjà annoncé en plein
meeting, à Tizi Ouzou même, que le berbère ne serait jamais langue officielle. Nous
allons d'ailleurs de plus en plus vers des droits qui se muent en peau de chagrin dans
tous les domaines : celui de la liberté d'expression avec l'amendement du code pénal et
le déjà ancien code de la famille.
Un autre exemple typique : la Chaîne II. Sa portée reste limitée à Alger et à la Kabylie
malgré les multiples protestations venues des autres régions du pays, ce qui montre que
ce sont les autorités elles-mêmes qui entérinent la régionalisation de la question berbère.
Les Kabyles sont pourtant des Algériens comme les autres et ils vivent sur tout le
territoire, d'Est en Ouest, du Sud au Nord. Les émeutes et les troubles récents - qui
semblent vouloir prendre un caractère endémique - et l'inanité de toutes les actions
entreprises afin de faire reconnaître l'identité berbère - et ses implications - montrent la
nécessité de ne plus dépendre du bon vouloir de l'Etat central qui, de toute façon, n'est
pas près de modifier son socle idéologique : l'arabo-islamisme. Les forces
conservatrices sont puissantes (à l'intérieur du pouvoir comme à l'extérieur) et elles
feront tout pour bloquer une avancée significative concernant le statut de la langue
berbère.

Identité, identités
La réalité historique montre que la berbérité est le terme invariant dans l'identité des
Algériens. Aujourd'hui, les trois composantes principales de l'identité algérienne n'ont
pas le même poids selon le groupe ou la région. Pour les arabophones, l'arabité - la
langue et le sentiment d'appartenance au groupe partageant cette valeur - et l'islam
(pour les musulmans) sont manifestement les deux éléments qui ont le plus de poids,
sinon les seuls qui forment leur identité, le berbère étant quasi inexistant, même si,
comme nous l'avons vu, ils partagent fondamentalement la même culture que les
berbérophones.
Chez ces derniers et en particulier en Kabylie, ce sont la berbérité (la langue y
représentant l'élément distinctif le plus important) et l'islam (pour les musulmans) qui sont
les deux éléments essentiels de l'identité. Si l'arabe est la langue de la religion pour les
pratiquants, c'est surtout la langue de l'autre, la langue que l'on apprend à l'école pour le
classique ou dans la rue quand on émigre vers les grandes villes, il ne fait pas partie du
vécu des Kabyles, de leur intimité, de leur économie au sens large
Le triptyque est donc bien valable en général sur l'ensemble de l'Algérie, mais ses
composantes n'ont pas le même statut et leur hiérarchie est différente selon la région.
Les conséquences que l'on peut tirer de cette analyse peuvent s'énoncer ainsi : le
sentiment d'identité étant différent chez les arabophones et les berbérophones -
sentiment qui se cristallise dans la langue et partiellement la culture -, la politique
linguistique et éducative doit en tenir compte. Comme l'arabophone qui vit de toute
façon dans la langue arabe, même si ce n'est pas l'arabe algérien qui est enseigné et
pratiqué officiellement, le berbérophone, et en particulier le Kabyle, veut vivre dans sa
langue à tous les niveaux et dans tous les milieux : éducation, administration Ajoutons à
cela le fait q'une langue vivante est fortement liée au groupe qui la parle.
Mais exiger que le kabyle soit la langue de travail en Kabylie occulte encore l'essentiel,
car cela suffit-il pour que les Kabyles soient reconnus en tant que tels pour qu'ils
existent tout simplement ?
Revenons un moment sur l'arabe algérien. On peut remarquer que pratiquement
personne parmi les arabophones ne revendique l'enseignement de l'arabe algérien et ne
remet en cause l'arabe classique. Pourquoi ? La réponse est simple : parce que dans le
cas des arabophones, il ne s'agit pas d'un problème d'identité. Les arabophones sont
déjà reconnus comme tels, ils n'ont donc aucune raison de protester.

Aménagement linguistique
Il faut alors se poser la question centrale de l'existence de soi. Que recouvre la
revendication « tamazight langue nationale et officielle », qui a toujours été le leitmotiv du
MCB ? A-t-on vraiment réfléchi aux présupposés et aux implications d'une telle
revendication ?
Deux niveaux sont à constituer ici : le linguistique et le politique. La langue pose des
problèmes d'aménagement, et différentes solutions sont possibles, de la plus utopique à
celle qui tient compte de la réalité quotidienne. La solution de type « forger une langue
berbère "moyenne" sur la base des langues régionales naturelles » est tout à fait
réalisable par les linguistes. Cette vision de la langue berbère est celle qui est la plus
répandue chez les berbérophones, mais elle nous semble utopique et non viable. Elle se
couperait en effet des locuteurs berbères et de la réalité sociolinguistique pendant une
période assez longue. Les langues naturelles seraient, en tout état de cause, assez
éloignées de cette koinè, langue berbère commune, comme peut le montrer une
comparaison même superficielle de celles-ci.
Sans entrer ici dans les détails de l'étude phonétique et morphosyntaxique des
différentes variétés de berbère, les conclusions de l'analyse linguistique montrent que
l'aménagement linguistique ne peut être envisagé que sur la base d'un développement
régional, chaque région promouvant sa propre langue, mais en assurant la convergence
avec les langues des autres régions berbérophones de manière à obtenir à terme
- dans le meilleur des cas - une langue berbère commune. Cela ne signifie pas que cet
objectif sera atteint, en tout cas il faut qu'il soit intégré dans le projet. La jonction se
situerait surtout au niveau de la néologie et du vocabulaire fondamental. Le système
graphique serait le même partout, ce qui est un facteur important de convergence.
Mais après tout, pourquoi ne pas penser à un schéma du type des langues romanes, qui
dérivent du latin populaire, mais qui ont toutes leur individualité propre ?
Kamal Naït Zerrad, enseignant-chercheur, université de Francfort (Allemagne)
INALCO, Crb (Paris)

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Thamilla 2001-08-26 20:22:15 

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