Auteur: Hacéne
Date: 2001-07-24 15:53:29
Un cadre fédéral pour sauver l’Algérie
Cette contribution que nous propose Amar Ouerdane, politologue, dont le texte est déjà publié dans le journal canadien "La Presse" du 24-09-1997 est d’une importance capitale au moment où le sujet sur le fédéralisme est d’actualité suite aux revendications soulevées par la population Kabyle.
Quels que soient les responsables des horreurs inqualifiables commises sans aucune distinction d'age sur des populations innocentes et sans défense, il va falloir un jour non seulement s'asseoir à une table de négociations mais se résigner à partager le pouvoir politique et les leviers économiques sous-jacents, déterminants en cette ère de "libéralisation" de l'économie algérienne et de mondialisation des marchés.
Cette résignation est tout autant valable pour l'armée et la nomenklatura que pour les intégristes, toutes tendances confondues, car tous veulent tout le pouvoir. Et ce partage ne pourra se faire seulement entre les détenteurs du monopole des armes.
Parce que, d'une part, les atrocités de cette guerre abominable ont semé tous les germes de haine, de suspicion et de division et ont élargi des fossés psychologiques qui resteront longtemps infranchissables. D'ailleurs, les nombreuses tentatives dans cette direction ont toutes échoués.
D'autre part, si les pressions de certaines puissances, aux intérêts inavouables, aboutissaient à des négociations directes entre l'armée et les intégristes, les démocrates, jusque-là très divisés et parfois manipulés, seraient contraints, dans un sursaut de survie, de s'unir et de se défendre.
Mais faudra-t-il attendre cette éventualité aux implications imprévisibles pour que les démocrates s'unissent pour assumer leurs responsabilités historiques? Cette union s'impose dès maintenant pour que leur intégration dans le processus de négociations inéluctables soit incontournable. Ainsi, naîtra l'espoir d'une paix durable parce que, pour la première fois, on aura reconnu les réalités objectives de ce pays, à savoir qu'en Algérie il y a des gens qui veulent vivre sous la loi coranique (la Chariâ); d'autres qui continuent de rêver au socialisme arabe à la syrienne ou à l'irakienne, courant politique incarné pendant trente ans par le FLN, grand responsable du désastre actuel; et enfin, il existe des gens qui croient profondément à la démocratie républicaine moderne. Comment peuvent coexister pacifiquement ces trois idéologies antagoniques en dehors d'un cadre fédéral ?
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ces trois principaux courants politiques - islamistes, panarabiste et démocratique - se manifestent depuis au moins un demi siècle, même si les deux premiers, issus d'une même matrice, sont reliés par quelques passerelles. Cette réalité historique et sociologique, vérifiable par quiconque s'en donne la peine, a toujours été occultée par les dirigeants algériens successifs pour diverses raisons: stratégiques, pendant la guerre de libération nationale; idéologiques, pendant la guerre froide et la "construction du socialisme"; et enfin politiques, pour sauver le système de la rente. Mais la réalité finit toujours par nous rattraper.
En effet, en étudiant sérieusement les résultats de toutes les élections municipales, wilayales et législatives, depuis 1990, suite aux secousses d'Octobre noir 1988, et ce malgré toutes les magouilles grotesques et autres fraudes électorales signalées dans la presse nationale et internationale, on constate que ces trois grandes tendances politiques recoupent presque parfaitement les six régions historiques et naturelles de l'Algérie : l'Oranie, le Sahara, les Aurès, le Constantinois, la Kabylie et l'Algérois.
On comprendra donc facilement pourquoi le fédéralisme apparaît comme la solution politique et économique la moins coûteuse et la plus prometteuse. C'est dans cette perspective que l'opinion publique nationale et internationale doit être sensibilisée et éventuellement mobilisée.?
Amar OUERDANE
Politologue. Montréal - Canada
Il est l'auteur du livre
"La question berbère dans le mouvement
national algérien".
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