Auteur: Hacéne
Date: 2001-07-24 15:14:57
Plaidoyer pour l'instauration d'un état algérien fédéral
ou le sens de la révolution des genêts
par Mohamed Younsi
Poète et journaliste
Le régime algérien prouve une fois de plus sa véritable nature fasciste à ceux qui nourrissaient encore quelques doutes à son sujet. Les intellectuels frileux assis entre deux chaises, parfois même trois. très souvent intéressés, toujours prêts à brosser dans le sens du poil et à se ranger du côté du plus fort, dût il être illégitime et injuste, doivent aujourd'hui se positionner publiquement avant que le rouleau compresseur du changement radical en cours ne les condamne définitivement en les vouant aux marges honteuses de la compromission, de la complicité et de la collaboration. Car, le peule algérien est aujourd'hui en droit de savoir qui est avec lui et qui est contre lui pour s'inscrire définitivement dans une logique de ré-appropriation de sa souveraineté et de sa citoyenneté.Les populations abusées des régions arabophones reculées d'Algérie et méthodiquement désinformées, tous ceux, dupés et grossièrement bernés encore capables du moindre sursaut de lucidité, d'une once d'honneur et de dignité doivent aujourd'hui saisir la chance que leur offre l'histoire pour rejoindre le bon côté de la barrière sociale dans le dessein honorable d'opérer la césure nette et le divorce définitif avec un régime chaque jour un peu plus coupable de dénis pluriels : identitaire, linguistique, culturel et du refus violemment opposés aux droits économiques les plus élémentaires, et partant, au déni d'existence tout court dès lors que des algériens meurent d'inanition et qu'ils continuent à se faire anéantir à tours de bras. N'est-ce pas que, sans le droit à la vie, aucun autre droit n'a de sens ?Un régime qui a fait de l'Algérie un espace étatique sauvage, primitif et obsolète de non-droit et de non souveraineté populaire et nationale rendu possible par une rente pétrolière bradée en permanence et détournée à des fins maffieuses et coercitives en assurant l'impunité totale à des institutions déviées au seul et unique profit du régime, au point d'hypothéquer tout simplement l'avenir du peuple algérien pluriel en créant une infinité de raisons objectives de confrontation directe et généralisée avec ce dit peuple qui en est, en théorie, la source même.L'insurrection de la jeunesse berbère de Kabylie contre la gendarmerie qu'il est difficile de continuer de qualifier de nationale sans se faire violence continue encore de faire des martyrs et doit plus que jamais être perçue avec l'honneur qui lui est dû comme un devoir de résistance face à un ennemi déterminé à assurer la sécurité de ses biens immenses mal acquis et capable d'aller plus loin encore dans sa dialectique sadique d'avilissement et de mise au pas de son propre peuple La torture et le crime institués comme moyens de gouvernance et de chantage doivent être systématiquement dénoncés auprès des instances pénales internationales. Les responsables de telles exactions et du système rentier et maffieux qui les protège devront être amenés à reconsidérer leurs actes aveugles et à faire publiquement leur mea culpa avant de répondre de leur infamie devant une justice algérienne refondue à la lumière des attentes populaire et d'un gouvernement de transition qui devra être instauré et confié à une personnalité nationale parmi celles, extrêmement rares, qui sont toujours restées du bon côté de la barrière sociale. Du côté des paysans, des étudiants, des SDF, des chômeurs, des femmes tyrannisées et de tous ceux qui sont voués à l'exclusion, au mépris, à la pauvreté chronique et plus barbare que tout à un ethnocide minutieusement entamé déjà depuis les premières heures de l'indépendance par un Ben Bella qui devra lui aussi, un jour ou l'autre répondre de son crime contre l'humanité désarmée de Kabylie.Cette justice nouvelle devra nécessairement être expurgée des juges aux ordres qui ont cautionné et soutenu un système politique exécrable ayant fait de l'injustice un véritable programme de régression sociale exécuté dans l'impunité totale. Les bouleversements venus secouer le système judiciaire algérien ces dernières années témoignent de la profonde gangrène qui a complètement détruit l'édifice ayant servi à condamner sans appel le peuple algérien au sous-développement, à la misère intellectuelle, culturelle, matérielle et souvent à la mort tout court quand la raison d'état le requiert en prévalant odieusement sur les droits humains. Cette insurrection des jeunes Kabyles contre le régime oligarchique vient aujourd'hui parfaire l'édifice idéel et politique d'une révolution qui trouve ses sources dans l'élan violemment estompé du regretté Abane Ramdane dont l'espoir était de faire de la guerre de libération une authentique révolution démocratique capable de déboucher plus tard sur un véritable état de droit moderne.La révolte du FFS de 1963, vint ensuite s'inscrire dans le même sillage révolutionnaire en vue de mettre dans le débat publique l'idée d'une assemblée constituante et donc d'une expression libre et démocratique à même de construire un édifice constitutionnel respectueux des idées et des aspirations républicaines de tous les algériens en les aidant à cohabiter en bonne intelligence, comme des êtres civilisés. Le printemps berbère de 1980 s'ajouta à toutes ces révoltes pour constituer la plus formidable expression de refus et de rébellion contre le régime algérien du siècle dernier qui ne finit pas de perdurer et de faire agoniser un peuple entier dans cet immense camp de la mort qu'est devenue l'Algérie et qui aurait pu devenir un riche et beau pays pour tous ses enfants, avides de beauté, d'amour et de tolérance. Pour lui éviter de s'éteindre comme un feu de paille cette révolution amazighe et sociale d'Avril 2001 se nourrit à présent de toutes celles qui l'ont précédées et doit donc être plus forte et plus élaborée car devant être portée à bras le corps par tous les intellectuels probes, capables de lui donner la portée de plus grande ampleur qu'elle mérite et donc de faire aboutir le combat d'un peuple qui a souffert plus que sa part de malheurs et de pogroms à travers l'histoire et qui continue d'irriguer de sa culture un bassin méditerranéen porteur de l'empreinte berbère immortelle, à travers ses langues et traditions culturelles et religieuses.
Le peule berbère de Kabylie et toutes les régions d'Algérie doivent saisir aujourd'hui cette occasion et tirer les leçons de ce martyre collectif de près de 50 jeunes afin de signer l'arrêt de mort d'un pouvoir honni par le peuple qu'il continue de mépriser, de brimer et d'occire avec des rafales de mitraillettes dans le cadre d'une extermination à grande échelle programmée. Les populations algériennes dans leur ensemble doivent s'affranchir de leur longue servitude. Il leur faut trouver tout de suite, dans la sérénité de débats intelligents et autant que possible, dépassionnés et rationnels, les voies et moyens de changer d'existence à travers un système politique plus moderne de type fédéral à même de respecter scrupuleusement les spécificités culturelles et linguistiques régionales et qui permette une plus juste répartition des richesses nationales.L'idée de l'autonomie linguistique et culturelle de la Kabylie et de toutes les autres régions d'Algérie dans un cadre fédéral doit retrouver le chemin du débat publique. Ceci permettra aux populations de comprendre et de saisir la portée politique d'une idée réellement porteuse de progrès et de liberté pour toute l'Algérie. Idée, naturellement crainte et violemment rejetée par les tenants de l'oligarchie régnante car susceptible de signifier la fin de leurs pouvoirs et privilèges honteux quasiment monarchiques et absolus sur les populations maintenues dans les ténèbres de la manipulation, de la désinformation et de l'exclusion mutuelle que l'on tente d'exacerber en orientant les susceptibilités sur le terrain du racisme et du refus de l'autre. Sachant pourtant que, la richesse ne peut être assurée que dans le respect des différences ethno-sociologiques qui font s'épanouir les hommes, comme il sied à toute société républicaine moderne à l'image des états comme le Canada, les Etats-Unis d'Amérique, la Belgique et du formidable ensemble culturel, linguistique et politique européen en construction.Il s'agit donc d'ôter le boisseau sur cette question essentielle dont sont tributaires toutes les autres, pour faire comprendre à nos concitoyens ce qu'ils auraient dû constater d'eux-mêmes depuis les premiers soubresauts démocratiques dans notre pays. A savoir que la Kabylie qui a toujours été l'essence et le moteur de la démocratie en Algérie doit être aujourd'hui soutenue par toutes les autres régions d'Algérie dans son combat de liberté et d'affranchissement du joug militaro-oligarchique qui doit être perçu et vécu comme un combat commun à l'image du combat de libération national contre le colonialisme français. La survie politique de la communauté nationale plurielle dans l'honneur et la dignité et donc du futur ensemble politique algérien ainsi espéré, pensé et conceptualisé et plus tard, souhaitons le, nord-africain, dans sa magnifique diversité ethno-sociologique en dépend.
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