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Interview du Webmestre sur France3
 LE KABYLE ENTRE DEUX PROJETS CULTURELS (suite)
Auteur: Amirouche 
Date:   2001-01-05 20:49:08


Azul amoqran

suite ..........................................................

Mais curieusement le fer de lance des deux systèmes, c’est l’école. En fait, l’Etat algérien s’inspire du modèle de l’Etat français (1) jacobin (2) utilisé déjà par les pays de l’Orient afin de s’affranchir de la tutelle pesante des Ottomans d’un côté, et de l’autre côté invalider la référence religieuse dans la construction de l’Etat pour préserver l’intégrité des minorités chrétiennes. Le pan-arabisme est donc une stratégie plutôt qu’une idéologie même si la frontière entre ces deux notions peuvent se confondre dans certains contextes.

En Algérie, l’arabisme s’est accouplé à l’islamisme populaire et plus tard à l’islam réformiste, citadin et élitaire par ses origines. « Plus qu’en Orient où il y eut place dès l’origine pour un arabisme chrétien et ou un partage s’effectua entre groupes communautaires musulmans (Druzes, Shiites, etc.), l’arabisme en Algérie se confond avec l’islamisme et un islam considéré comme global et unique.» (3)

Le choix de l’arabe classique par le Pouvoir algérien au détriment du berbère se justifie dans les termes mêmes dont usait pendant la Révolution française l’abbé Grégoire pour combattre les autres parlers de l’époque : « Tout ce qu’on vient de dire appelle à la conclusion que pour extirper tous les préjugés, développer toutes les vérités, tous les talents, toutes les vertus, fondre tous les citoyens dans la masse nationale, simplifier le mécanisme et faciliter le jeu de la machine politique, il faut une unité de langage (…) l’unité d’idiome est une partie intégrante de la révolution et, dès lors, plus on m’opposera de difficultés, plus on me prouvera la nécessité d’opposer des moyens pour les combattre.» (4)
L’effet de l’acculturation est double, elle est même subtile et complexe au vu de ce qui a été dit plus haut. Toute cette « embrouille » va transparaître dans l’identification arabe des Kabyles que nous allons traiter par la suite.

En France, les différentes politiques sociales mises en branle depuis quelques décennies ont introduit donc la notion de l’intégration qui elle même est rattachée à d’autres mots tels que : adaptation, insertion, assimilation. Très souvent dans la glose médiatique, ces termes sont interchangeables.

L’intégration reste la seule voix possible pour les minorités ethniques (5) et /ou étrangères. « Il semblerait, si on analyse les propos au premier degré, que l’intégration correspond au processus d’absorption, d’imprégnation consistant à gommer sa différence, ses spécificités culturelles et ethniques et à se fondre dans l’ensemble dit majoritaire ou dominant.» (6) Nous sommes loin de la définition altruiste prônées par les culturalistes nord-américains : « L’intégration, en effet, peut – et même doit – se réaliser en conservant la diversité des mentalités culturelles, il s’agit seulement de faire en sorte qu’elles contribuent toutes à des fins communes : la prospérité et la grandeur de la nation. » (7)

Le cadre laïque (8) intransigeant de l’école se veut réfractaire à toute manifestation de spécificité culturelle. Pourtant le paradoxe est patent, car la laïcité universaliste installée par une République une et indivisible se veut aussi humaniste en promouvant le droit à la différence. Deux options antinomiques difficiles à concilier. A ce sujet l’islamologue Bruno Etienne nous donne un autre éclairage centré sur des notions sous-jacentes de communauté et de citoyen. Il semble que l’Etat français fonctionne selon « deux logiques dont la cohérence est contradictoire : une logique du droit à l’expression et du droit à la différence qui tend à reconnaître la légitimité des particularismes, et une logique du refus des clivages qui tend à affirmer l’égalité des chances pour compenser les handicaps sociaux et culturels. Chaque individu a ainsi la possibilité d’exprimer son identité à travers un espace social aménagé dans la sphère privée de l’existence individuelle et familiale. Mais par ailleurs, la sphère publique de l’action politico-étatique ne reconnaît les individus que sur leurs compétences fonctionnelles et non sur leur identité fondamentale.» (9)

l’Etat français présente une caractéristique assez ambiguë en ce domaine : « Lui seul définit qui sont les minorités ethniques (10), culturelles et religieuses et postule qu’elles ne constituent pas a priori des ethnies et des communautés.» (11)

Ainsi au nom des valeurs égalitaires et républicaines tous les enfants sont considérés comme égaux. Or, on confond deux choses : « l’égalité des droits à un enseignement de même qualité avec les problèmes des moyens appropriés pour réaliser ces droits. Gommer les différences qui existent signifie ne pas pouvoir donner l’enseignement dont les enfants de migrants ont besoin, c’est exiger de ces enfants un effort impossible, c’est provoquer l’échec et l’exclusion d’une partie d’entre eux.» (12)

Le développement de la perspective citoyenne individualiste à outrance peut se traduire dans les faits, pour ces jeunes issus d’un milieu communautaire, par l’exclusion. Or pour un jeune kabyle l’exclusion est triple, dans le pays de ces parents, en tant que migrant stigmatisé et en tant que Kabyle.

Bibliographie :

1 - Paris rechigne à signer la convention européenne sur les minorités, une charte élaborée par le Conseil de l’Europe. (lire Le Monde du 23/02/1995, du 04/03/1999 et la revue Tifinagh n° 9)
2 - « Maintenant, il est évident que plus de trente ans après, la notion d'un Etat jacobin est rentrée en crise profonde, pas seulement en Algérie d'ailleurs, mais à l'échelle internationale. Ce qui s'impose à l'échelle du monde, c'est l'articulation qui existe entre un Etat centralisé et les diversités régionales ; ce qui constitue la grande nouveauté du passage au XXIe siècle, c'est l'apparition des entités régionales, que ce soit en Europe, en Afrique ou au Maghreb. L'Etat ne peut donc plus jouer le même rôle, d'une sorte de carcan, de grand instrument de centralisation politique. Donc, trente ans plus tard, ce qui pouvait apparaître comme un élément moteur dans la construction de la nation peut, si ce n'est pas modifié, apparaître comme un élément de frein. » Benjamin Stora, Le Matin du 04/01/2001

3 - H. Salmi, op. cit., p. 97
4 - Cité par J. Morizot, op. cit. p 224. Il fut un temps, dans des écoles bretonnes (ailleurs aussi), où on pouvait lire « défense de parler breton et de cracher parterre ».
5 - On estime qu’avant les lois de 1880 – 1882 sur l’enseignement laïque obligatoire, moins de 20% des citoyens français parlaient la langue française. (M . Yaguello, Catalogue de idées reçues sur la langue, Paris, Ed. du Seuil, 1988, p. 49.)
6 - K. Direche-Slimani, op. cit., p. 148.
7 - Acculturation, in Encyclopédie Universalis, p. 116.
8 - Les individus ne peuvent pas être laïcs ou disons qu’ils sont libres de vivre leur religiosité, ce qui est différent des institutions. Une institution doit garder sa neutralité afin de ne pas politiser, dévoyer, instrumentaliser une conviction religieuse.
9 - B. Etienne, La France et l’Islam, Paris, Hachette, 1989, p. 71.
10 - Les minorités ethniques même nationales n’ont pas droit de cité. Lors d’un colloque intitulé « Qu’est-ce qu’une nation ? » organisé par des Bretons à Arche, le professeur Jean-Pierre Pinot s’est exclamé en disant qu’«on mélange tout en voulant assimiler les Bretons par exemple avec les minorités Kurdes, ou même punk en France. On veut nous rouler dans la farine. Il s’agit d’un peuple qui existe sur son sol et s’est allié à la France. Avec l’avènement de l’Europe, la nation française risque de disparaître et alors, la Bretagne devrait retrouver son indépendance, mettons par exemple en 2032. »(cf. le quotidien Le Trégor du 09/10/1997, p.4.)
11 - B. Etienne, op cit., p. 71.
12 - H. Malewska-Peyre et P. Tap, Marginalités et troubles de la socialisation, Paris, PUF., 1993, p. 119.

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Amirouche 2001-01-05 20:49:08 

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