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Interview du Webmestre sur France3
 émeutes et émeutiers
Auteur: al djazaïri 
Date:   2001-07-02 14:32:30


La réhabilitation de la politique La Tribune OPINION
28 juin 2001

Rachid Mohamed-Larbi
Alger
«L'émeute est un langage. A mesure que les formules d'opposition, dans des situations où la régulation démocratique des conflits est inexistante, révèlent leur inefficacité ou leur retournement dans une participation à l'ordre établi, l'esprit d'insoumission se propage souterrainement puis affleure à la surface en explosions brutales», écrit l'historien Mohamed Harbi dans sa présentation d'un ouvrage collectif consacré à Emeutes et mouvements sociaux au Maghreb (1).
Tout, ou presque, dans l'impossible scénario de ces dramatiques semaines, semble valider cette lucide observation, le retournement de ce qui tenait lieu d'opposition -des islamistes du MSP aux républicains du RCD et de l'ANR- l'ampleur du souffle d'une révolte qui vient de loin et principalement des
profondeurs des terres à l'urbanisation souvent récente, chaotique et inachevée,
la brutalité enfin de ce qui s'apparente à de puissants maelström échappant aux simplifications premières comme aux projections politiques de courte échéance.Le bilan humain de cette folie ordinaire reste à faire, qui ne s'épuisera pas dans
le seul décompte tragique des morts et blessés à la rentabilité politique cyniquement immédiate et assez également partagée.
Il n'est pas sûr que la société ait tout à fait pris conscience de l'infinie étendue des distensions du lien social, des distorsions des normes élémentaires de construction des appartenances -territoriales, générationnelles- sous les
coups de boutoir banalisés d'une violence collective qui finit, le plus souvent,par s'auto-alimenter dans la perte ou l'oubli de ses déterminations premières, comme si la prédation était nécessairement l'imparable réponse au système prédateur.
Beaucoup, dans un légitime réflexe de lever l'hypothèse ethnique -à la redoutable et historique efficacité- sur le mouvement social parti de Kabylie ont-ils alors engrangé, sans examen, la somme de toutes les violences, y compris celles -par ailleurs relevées et rapportées par la presse- tout à fait
négatrices de la forte charge symbolique d'une insurrection plus morale que politique et partant moins connectée sur le jeu ordinaire des appareils de pouvoir. En avait particulièrement témoigné, sur le terrain, la question de savoir terminer une émeute comme on le disait aussi d'une grève.Quelque sympathie qu'ait pu inspirer l'émergence de structures transversales telles que les comités de quartier, des arouch, leurs capacités de s'enraciner en qualité de cadres d'expression politique, apparaissent toutefois, au bout du compte, moins établies que leurs vertus critiques d'un système de régulation et de
représentation politique illégitime, inefficient.
Le saccage, en divers points du pays, des locaux des APC et souvent des biens particuliers d'élus locaux, a presque trop l'avantage de la clarté qui réactive, dans la violence, des thèmes récurrents -le népotisme, la corruption, l'exclusion- d'une culture politique néo-populiste bien plus partagée qu'il n'y paraît.Quand tout le monde stigmatise «la hogra» -y compris ceux-là mêmes qui en sont dûment suspectés-, cela pose moins un problème de frontières que celui bien plus complexe d'une mentalité issue de décennies de pratiques clientélistes et
de protection, d'allégeances multiformes au système de la gabegie.
Comment, en plus, ne pas rapporter ce qui vient de se passer à la prémonitoire répétition des marches protestataires autour de la distribution des logements sociaux, il y a moins d'un an et qui avaient même un temps nourri l'hypothèse d'une dissolution des APC? L'incapacité du pouvoir à entendre et surtout à
sortir de son propre entendement était-elle déjà prémonitoire ? L'erreur -et tout y contribue notamment les plages de chute de tension- et la tentation seraient de parier sur un prévisible essoufflement que pourraient amplifier autant la profondeur du deuil que la multiplicité des pôles d'animation du mouvement social ou encore de jouer sur les réactions de peurs légitimes ou entretenues.
La séance d'interpellation du gouvernement par les députés de l'APN conforte paradoxalement le choix du leurre, car nul ne fera sérieusement croire au chef du gouvernement que c'était bien là-bas et maintenant que les choses devaient être dites ; et qui mieux que lui -dont le parti a longtemps apporté la
dénonciation de la fraude électorale- sait l'illégitimité de cette enceinte ?
Les pouvoirs publics donnent encore l'impression de subir le cours des événements, de s'enferrer dans une confuse répartition des rôles érigeant le programme de relance économique annoncé par le chef de l'Etat en forme d'exorcisme des douleurs et des impasses.
Si ces semaines de tourmente et de déchirements devaient pourtant porter un seul enseignement, ce serait, sans doute aucun, celui qui tiendrait que les clés des problèmes de la société algérienne ne sont pas et ne peuvent pas être dans la
violence, quels qu'en soient les formes, l'intensité dramatique, les effets immédiats et c'est ce message pathétique qu'ont voulu porter, en Kabylie comme ailleurs, ces acteurs émergeants, transitoires, désespérés et pourtant constructifs. L'urgence est bien de décrypter, dans tout ce qui a l'allure de sa
négation, l'impossible plaidoirie pour la réhabilitation de la politique et si rien n'indique que le pouvoir y soit prêt, il n'est plus le seul véritablement interpellé aujourd'hui.
(1) Mohamed Harbi, in Emeutes et mouvements sociaux au Maghreb. Perspective
comparée. Karthala - Institut Maghreb - Europe, Paris 1999

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 émeutes et émeutiers  nouveau
al djazaïri 2001-07-02 14:32:30 

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