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Interview du Webmestre sur France3
 article interessant dans liberation d'aujourd'hui
Auteur: Ullial 
Date:   2001-02-08 10:34:11



Salam...



«Juger les coupables?
Moi-même, je suis prêt
à comparaître devant un
tribunal pour ce que j'ai
fait.»
Habib Souaïdia


Lakhadaria, tout le monde connaît la
Villa Copawi, grosse bâtisse coloniale
au bord de l'autoroute n° 5, la seule qui
relie l'est du pays à Alger. La Villa est là
depuis toujours, «c'est-à-dire depuis le
temps des Français». Quand les militaires
du 25e régiment des troupes d'élite
algériennes y ont établi leur QG en 1993,
le lieutenant Habib Souaïdia est l'un des
trois officiers à la tête de la centaine
d'hommes. Entré dans l'armée «par pur
esprit patriotique», il est tout sauf un
dissident. «J'avais 24 ans à l'époque et je
venais faire mon devoir: combattre les
islamistes. On était là pour sauver la
nation algérienne. Je voyais l'affaire
réglée en deux ou trois ans, pas plus.»
Dans la Villa Copawi, cela va être «la
descente aux enfers», une manière d'Apocalypse Now à l'algérienne.

Tabou absolu. Huit ans plus tard, réfugié politique en France,
l'ex-officier Souaïdia publie la Sale guerre (1), qui paraît aujourd'hui à
Paris. Ainsi, pour la première fois, un militaire algérien de terrain témoigne
en détail sur ce conflit qui a fait plus de 150000 morts, 30000 disparus
depuis 1992, mais aussi, et peut-être surtout, décrit le fonctionnement
interne de l'armée. Sur cette citadelle secrète, tabou absolu pour tous les
Algériens, le livre de Souaïdia fonctionne comme une poupée russe, à
plusieurs niveaux.

Il y a d'abord, les «révélations», la première chronique sur cette guerre
qu'on a souvent dite sans image. Désormais, elle commence à avoir des
mots, un début d'alphabet en tout cas. Donc, il était une fois le lieutenant
Souaïdia dans la Villa Copawi. «Ce n'était pas comme la vie de caserne
normale. Pas de rassemblement, pas d'horaire. On oubliait de se raser.
C'était la jungle, on était nulle part.» Lever vers 11 h, midi. On mange ce
qu'on trouve. Habib se souvient de sa formation à la prestigieuse
académie de Cherchell. «On avait été formé à lutter contre une armée
étrangère et cela nous semblait inconcevable qu'un Algérien tire sur un
Algérien. Mais pour les islamistes, nous portions l'uniforme, nous étions
l'ennemi. Ils nous tuaient. Psychologiquement, cela nous a rendus fou,
sans pitié. C'était devenu une haine mutuelle. Eux ou nous.»

L'après-midi, «on sortait pour aller chasser». La plupart des missions
n'ont pas lieu en ville mais dans les hameaux perdus, en bordure des
maquis. «Là, loin du monde, tout est noir. Tu fais ce que tu veux, tu es
qui tu veux. Personnellement, j'y suis allé de nombreuses fois en civil,
avec des armes artisanales prises sur des "terros". On demande aux
villageois: vous avez vu des militaires? Eux nous prennent pour des gens
du maquis. Ils ouvrent leur porte. Ils meurent. Qui va se plaindre?»
Après des attentats, les militaires ciblent aussi en représailles les maisons,
dont un des fils a pris les armes. «On sait qu'il n'est pas là mais on casse
tout, les femmes sont battues. S'il y a un homme, il est tué sur place ou
embarqué.» Dans la troupe, les discussions sont brèves quand on parle de
la «situation»: «Nous on est payés pour appuyer sur la gâchette. Pas
vrai?» Habib part toujours avec trois balles dans la poche, «pour être sûr
de ne jamais tomber entre leurs mains. Il n'y avait qu'une logique: tuer
ou être tué».

Fini pour eux. Puis on rentre à la Villa, avec les hommes raflés. «On
brûle leurs papiers et c'est fini pour eux.» Au sous-sol, dans cinq
cellules de moins de 2 m2, s'entassent en permanence «dix ou quinze
bonshommes». Peu de choses sont aussi terrifiantes que ces deux lignes,
page 107: juste avant les geôles, «à droite, il y a le matériel de torture:
des chaînes, une bassine d'eau croupie, des détergents, des fils
électriques, des outils». Et Habib conclut : «Etc.» Il reprend: «On ne
demande rien à ces gens. Qu'est-ce qu'ils savent? C'est pour faire peur
aux autres.» En deux ans, Habib n'en a vu qu'un seul sortir vivant.
«C'était un médecin de passage, arrêté à un barrage. Il n'avait pas ses
papiers alors on l'a conduit là. Il est devenu fou.»

Dans la Villa, les officiers logent au premier étage. Toute la nuit, ils
entendent hurler ceux qu'on torture au sous-sol. Alors, dans les
chambres, chacun a sa bouteille. Pastis, whisky. D'autres carburent aux
médicaments. Puis, vers 4, 5 heures du matin, «quand on pose enfin la
tête en espérant dormir, on se demande où est la réalité?».

Bien avant d'être sur les tables des libraires français, le livre d'Habib
Souaïdia était sur celles des généraux algériens, réels détenteurs du
pouvoir. Toute leur armée, jalousement maintenue dans un secret absolu,
est imprimée là, décortiquée en 202 pages, autopsiée jusqu'à la marque
des chars d'assaut. On suit le mouvement des troupes, la création d'unités
spéciales, et concurrentes, pour que chaque clan du régime ait son bras
armé. On voit la rage de ces jeunes officiers, exclus à jamais des hauts
grades faute de piston. On entend claquer les ordres fous comme ne pas
poursuivre les terroristes ou amener la tête d'un émir sur le bureau d'un
galonné. «Devant ce déballage, un des généraux s'est écrié: "mais si tout
le monde se met à écrire, où on va?"», raconte un proche du régime.
«Pour eux, ce livre est un cauchemar: comme si d'un coup, ils étaient
nus.»

Et puis, il y a cette préface très ferme, écrite par Ferdinando Imposimato,
célèbre magistrat italien de la lutte antiterroriste. «Quand ils ont vu son
nom, ils ont ordonné de tout chercher sur ce juge, qui se permet d'écrire
sur nous», rapporte un militaire. «Depuis l'affaire Pinochet, les siestes
sont moins tranquilles dans les états-majors.» A la fin de son
témoignage, Souaïdia enfonce le clou : «Il faut juger les coupables.
Moi-même, je suis prêt à comparaître devant un tribunal pour ce que j'ai
fait.»

«Honte». Depuis quelques mois déjà, les témoignages succèdent aux
témoignages, les livres aux livres, pour affirmer que si les islamistes tuent,
l'armée aussi. «Celui-ci est une bombe», estime Lahouari Addi, exilé
depuis 1994 et professeur de sociologie à l'Institut d'études politiques de
Lyon. «Il devrait avoir le même impact en Algérie que Notre ami le roi (2)
au Maroc. En effet, si la royauté fonde le Maroc comme nation, c'est
l'Armée nationale populaire, issue de la guerre de libération, qui joue
chez nous ce rôle de "pilier de l'Etat".» Mais après dix ans de conflit,
c'est comme si toutes les secousses n'avaient lieu que de façon
souterraine. A Alger, ce fonctionnaire affirme qu'il ne lira pas la Sale
guerre. «Cela fait longtemps que je ne parle plus politique même avec
mon fils.» Il en a entendu parler par des médias français. «J'ai eu honte
pour nous, pour notre armée. Mais je le confesse: ma honte serait encore
plus grande d'avoir à parler d'elle devant le reste du monde»l

 Sujet Auteur  Date
 article interessant dans liberation d'aujourd'hui  nouveau
Ullial 2001-02-08 10:34:11 
 Re: article interessant dans liberation d'aujourd'hui  nouveau
loundja 2001-02-12 09:59:46 

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