Auteur: sh
Date: 2003-02-18 17:54:49
Des anciens de l'ALN interpellent Bouteflika
Plusieurs anciens officiers de l'ALN ont décidé d'adresser une lettre ouverte au Président Bouteflika pour l'interpeller au sujet de la situation en Kabylie.
Monsieur le Président,
La situation préoccupante dans laquelle se débat l'Algérie en général et la Kabylie en particulier nous interpelle. Nous avons opté dans notre démarche auprès de votre autorité pour la forme la plus transparente, une lettre ouverte. Nous en assumons l'entière responsabilité et les risques pouvant découler de toutes sortes d'interprétation, aussi saines que tendancieuses.
Que vous ayez été candidat d'un parti, d'un clan ou d'une idéologie à l'élection présidentielle, vous avez été élu à la magistrature suprême du pays. Et à ce titre, nonobstant l'avis des uns et des autres, vous êtes le Président de tous les Algériens. Sans dérobade, ni hésitation, contre vents et marées, vous devez assumer toutes les responsabilités que vous confère la Constitution. Des coups d'Etat violents, de Abane à Boudiaf, aux démissions forcées, nous en avons ras-le-bol. L'Algérie gagnerait à en faire l'économie pour aller de l'avant.
La liberté d'expression et la démocratie se fanent et s'étiolent vite sur un sol mouvant qui n'a pas d'ancrage sur la fertilité sans cesse renouvelée de son terreau généreusement imbibé du « goûte-à-goûte » de l'unité de la nation, de l'intégrité du territoire et de la souveraineté du peuple. Ce triptyque, pour lequel les moudjahidine et résistants authentiques se sont donnés corps et âme, sept années et demie durant, face à une armée d'occupation des plus modernes, doit servir de principe directeur et substratum dans la construction de l'édifice national. Il doit être incrusté sur le fronton de la République en lettres d'or après l'avoir été en lettres de sang et de feu.
Les dérives auxquelles nous assistons méritent réflexion pour en tirer des leçons. La situation et l'histoire nous l'imposent. Ce demi-siècle de combat pour l'indépendance pour d'aucuns, d'hypocrisie criminelle pour d'autres pour la prise ou le maintien au pouvoir, met en relief les deux faces d'une même pièce. Si les moudjahidine, combattants de l'ALN et résistants, ont acculé l'ennemi à s'asseoir autour d'une table de négociations, c'est grâce au tour de force unificateur opéré au sein de la société. Malheureusement, à ce tour de force des héros de la guerre de Libération, succède un tour de passe-passe par des révolutionnaires de salon, confisquant et la Révolution et les fruits de la victoire. Il appartiendra à l'histoire de mettre en exergue les déviations de l'Algérie indépendante et leurs auteurs et il est impératif de souligner dans ce contexte :
- Que pendant qu'à l'intérieur, le moudjahid (soldat de l'ALN) à la pointe du combat faisait face à la puissance de l'OTA, au milieu d'un peuple déchiré par la répression, baignant dans le sang, la faim et la souffrance.
- Alors qu'à partir de nos montagnes et des maquis, son baroud portait haut et fort l'unique slogan du peuple « Algérie algérienne, libre, indépendante, une et indivisible », déjouant systématiquement toutes sortes de complots ennemis tendant à porter atteinte à l'unité de la nation tels que la paix des braves, l'autonomie interne
La révolution phagocytée
De l'autre côté, ces révolutionnaires de salon, en résidence à l'extérieur, versaient corps et âme dans la manipulation idéologique qui prît en otage de nombreux cadres civils et militaires. Ils ne manqueront pas de s'imposer au sein de la direction politique du FLN pour asseoir leurs objectifs, éliminant toute forme d'opposition. Combien de glorieux combattants en furent victimes, nous ne citerons que Abane, le sujet est d'actualité aujourd'hui. Ainsi, le moudjahid a assisté durant le combat libérateur, indigné, à une profonde déchirure entre les dirigeants du FLN à l'extérieur, à de graves répercussions sur l'intérieur, qui se retrouve abandonné seul à son sort face à l'ennemi, aux opérations, Challe, Jumelles, Pierre précieuse Malgré tout, la lutte fut menée héroïquement à terme par le moudjahid, animé, de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud, par le seul souci de libérer la patrie.
Une victoire qui verra, malheureusement, dès le cessez-le-feu, ces opportunistes déballer leurs armes, pour venir s'imposer et s'ériger en maîtres absolus, assassinant sur leur passage des milliers des vaillants moudjahidine descendant enfin des maquis. C'est véritablement le processus du kidnapping de la Révolution et de l'Algérie indépendante qui s'est engagé, Monsieur le Président.
Les combattants de l'ALN, encore essoufflés et meurtris par le combat libérateur, se sont soumis au fait accompli, préférant accorder du doute à ces individus sans scrupules, au versement additionnel du sang algérien suffisamment coulé à flots durant les années de braise. Tout un schéma sera alors élaboré pour édulcorer les mémoires afin de phagocyter la Révolution.
Lors du congrès de Tripoli, les authentiques combattants de l'ALN seront carrément écartés. Le FLN sera reconverti en cadre de spéculation politique que ces révolutionnaires de palais mettront à profit pour asseoir leur pouvoir et leurs objectifs. Le bâathisme y jouera alors un rôle néfaste, portant gravement atteinte à l'unité nationale.
Les différentes tentatives de barrer la route à ces individus ont échoué. Les meilleurs fils de l'Algérie furent assassinés, emprisonnés, écartés. La Kabylie en subira les plus lourdes conséquences et restera à ce jour sur la ligne de mire. Le processus de la confiscation de l'Indépendance sera alors programmé minutieusement dans le temps pour le mener à terme.
Comme première phase, des actions visant à neutraliser et briser les consciences forgées par la lutte armée ont été engagées pour ne s'appuyer dans le processus d'édification de l'Algérie indépendante que sur essentiellement les forces rétrogrades et obscurantistes animées d'une idéologie autre que celle véhiculée par le combat d'hier. Les combattants ont connu, au fil des années, des liquidations physiques, la passion, le chantage, l'éloignement des centres de décisions, sans compter les blocages des carrières.
Une division planifiée
En deuxième phase, une vaste campagne de dénigrement et de calomnies est menée en direction du moudjahid. L'objectif est de créer un fossé entre lui et les masses populaires. De même un véritable matraquage médiatique en fait le seul héritier des richesses du pays et ce, pour permettre aux mafieux d'ériger le vol, la corruption et l'escroquerie en système.
Beaucoup d'encre a coulé sur la nécessité d'écrire l'histoire pour la perpétuer aux générations futures. Rien pour l'écrire, peu de mots pour le dire, peu d'actes pour la faire, résumant le combat libérateur à des actions symboliques. Les décideurs préfèrent taire le grand combat libérateur de l'ALN, révélateur de vérités historiques, et s'empressent d'organiser l'infiltration massive de l'ONM par le biais de reconnaissances tous azimuts, suscitant une concurrence abjecte entre les Wilayas afin de diluer le vrai moudjahid dans le tas, dans l'espace et dans l'histoire. L'opération préméditée « portes ouvertes sur trois volets », qui vient remettre en cause celle si bien réalisée jusqu'en 1980, a, de par les dépassements caractérisés qu'elle enregistre, balayé la crédibilité et la dignité du moudjahid. Par naïveté, nous avons permis ainsi à ces hommes sans scrupules de faire de l'ONM et du ministère des Moudjahidine, un terrain de spéculations politiques, historiques et financières. C'est la mise sous le boisseau du combat des seuls héros d'hier.
Le triptyque d'unité nationale, d'intégrité territoriale et de souveraineté du peuple acquis de lutte est menacé, galvaudé, occasion chaude, il ne sert qu'à mieux diviser les masses en dressant des régions contre d'autres.
Aujourd'hui encore, alors que l'Algérie se débat dans de graves problèmes liés au terrorisme, l'on revient à la charge vers la Kabylie et l'on n'hésite pas à assimiler des revendications populaires légitimes, à travers les évènements que connaît cette région, à une menace de l'unité nationale. L'on exploite à l'extrême de simples déclarations d'irresponsables dans toute la presse en gros caractères et à la une « l'Algérie déchiquetée ».
Certaines formations et personnalités vont dans le même sens, malgré le message lancé par nos enfants à travers le bac national et qui n'a pas fait rougir les tenants de l'idéologie tendant à aliéner l'entité algérienne et ceux qui tentent d'en faire simplement un cheval de bataille à des fins inavouées.
Le jeu de la division, minutieusement planifié, est des plus complets (provoquer, médiatiser, dramatiser) pour pointer du doigt la Kabylie, accentuer la déchirure au sein du peuple et diriger enfin la menace vers cette région.
Dans la foulée, les traîtres d'hier lèvent le voile de la honte et n'hésitent pas à s'attaquer même aux symboles de la Révolution et à ses hommes.
C'est une manuvre qui tend à détourner les évènements de la « Kabylie » au profit d'intérêts d'individus, de groupes et d'idéologie extra- nationale, passant bien sûr par la volonté de mise à terre de cette partie de l'Algérie profonde qui a toujours su être à l'avant-garde de la nation. C'est toute une région aujourd'hui que l'on tente d'assassiner et l'on n'hésite pas à créer quotidiennement des situations appropriées en utilisant tous les moyens. Les récentes sorties médiatiques de Ben Bella, boy-scout de l'idéologie bâathiste, illustre cette ferme volonté.
Les ennemis ne sont pas en Kabylie
Si nos enfants se révoltent, c'est tout simplement parce qu'ils se recherchent en vain dans l'Algérie indépendante. Ils réclament leur histoire, leur identité, leur place et leur avenir, mais ils ne rencontrent souvent que le mensonge menant au désespoir. Les revendications réelles ont pour nom la lutte contre le mépris (hogra), la corruption, l'injustice, la mal- vie, le chômage, l'esprit mafieux et d'autres fléaux encore, notamment le déni de l'identité algérienne beaucoup plus importante que la question linguistique. Un déni de quarante années qui a contribué à déstabiliser l'Algérie. Une Constitution récente, malheureusement encore viciée.
L'histoire nous le reprochera et nous condamnera si nous nous ne reprenons pas le bâton du pèlerin dans ce climat de vagissement de démocratie naissante pour éclairer la vie et asséner des vérités pour la décolonisation de l'histoire et nous comporter non plus en victimes résignées à la soumission, comme nous l'avons été jusqu'à maintenant, mais en acteurs et à l'avant-garde sur la scène historique et politique malgré ou grâce à notre âge avancé.
Nous devons soustraire nos enfants à la manipulation et les orienter vers un combat sain qui leur permettra réellement de construire leur avenir dans un contexte national - un avenir qui devra certes indéniablement passer par la neutralisation de ces individus sans scrupules ayant sciemment cultivé dès l'Indépendance, la haine, le mépris et la division.
Garant de la Constitution et de l'unité nationale, grande est votre responsabilité quant à la défense et à la protection des symboles de la nation, livrés à l'érosion et aux facteurs falsificateurs.
Par ailleurs, si la démocratie dit présider à l'élaboration des lois de la République, il n'en demeure pas moins que la rigueur doit l'être au niveau de leur application ; le peuple gagnerait à vous voir uvrer en ce sens et restaurer l'autorité de l'Etat dans ses fonctions de service public, en luttant contre toutes formes de corruption, de mépris ou de népotisme.
Quant à la Kabylie, qui n'a jamais cessé d'être le fer de lance à chaque étape de l'histoire du pays, elle doit être considérée comme telle. Elle mérite plus d'attention et non le mépris et le désinvestissement dont elle est l'objet. Ses révoltes et ses mouvements de masse ne sont que les résultats d'une politique de division programmée dans les sphères du Pouvoir. Son esprit frondeur est continuellement aiguisé par des idéologues qui n'ont d'Algériens que les postes clés qu'ils occupent.
Monsieur le Président, vous trouverez les ennemis de l'Algérie, non pas en Kabylie, mais parmi les chantres des fausses constantes arbitrairement arrêtées et imposées. L'algérianité, l'africanité, la méditerranéité sont seules, fixes et authentiques. Aussi, de façon directe ou par ricochet, les velléités d'autonomie découlent de ces mêmes sphères. Pour s'en convaincre, il suffit d'analyser l'article 3 bis de la Constitution qui consacre la constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale, une formulation tellement viciée, qu'elle comporte des germes conflictuels futurs à ne pas négliger.
Nous refusons toute tentative de spéculation sur l'identité amazighe au profit d'une quelconque idéologie et de considérer clos le dossier de l'assassinat de 118 innocents et nous ne sommes pas étonnés que la justice n'ait pas tranché depuis près de deux années, sachant qu'aucun assassinat n'a été élucidé jusqu'à maintenant, partant de Abane à Boudiaf.
Parallèlement nous ne pouvons souscrire à une politique amnistiante au profit d'égorgeurs, alors qu'un acharnement rigoureux est mené à l'égard de simples échauffés, manifestant leur solidarité avec des victimes innocentes.
Et nous dénonçons l'absence totale de l'Etat dans cette région et le laissé-pour- compte volontairement engagé.
P/le collectif de moudjahidine et de résistants
Bouagraâ Lakhdar, officier de l'ALN, Belkissem Mouloud, officier de l'ALN, Idir Smaïl, officier de l'ALN, Zouaoui Amar, officier de l'ALN, Dahlel Mouloud, officier de l'ALN, Aït Ahmed Ouali, officier de l'ALN, Azzoug Mourad, officier de l'ALN
(liste à suivre)
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