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Le Blog
Interview du Webmestre sur France3
 Aux sources du chant kabyle
Auteur: Amirouche 
Date:   2002-03-01 12:16:23


Revenons à ce qui nous interesse en premier lieu dans cet espace dédié à la culture berbère, quoique la culture est un ensemble complexe. Cela dit soyons justement sans trop de compexités qui donnent de la migraine et abordons ce qui nous interppelle de manière urgente, comme ce qui suit. Bonne lecture.


La chanson de l’exil : Les voix natales (1939-1969) de Rachid Mokhtari


Fruit d’un long et passionnant travail universitaire, Rachid Mokhtari vient de publier aux éditions Casbah "La chanson de l’exil - Les voix natales 1939 - 1969".

Cet essai, par ailleurs précieux, raconte aux lecteurs les vingt premières années de la chanson de l’exil, les conditions de son émergence et les voix qui l’ont portée au firmament. Le milieu ouvrier expatrié pour des besoins de survie alimentaire a constitué le terreau premier et nourricier de ce chant; en effet, c’est dans le déracinement et des conditions de travail parfois infrahumaine, que des voix écorchées par l’injustice de la vie et des hommes sont nées, et ce, non seulement pour adoucir la vie des émigrés mais aussi et surtout pour être un fil conducteur (une espèce de lien ombilical) avec Tamurt. Rachid Mokhtari, qui a une connaissance aiguisée de la chanson de l’émigration et des conditions qui ont présidé à sa naissance démantèlera dans ce livre les chansons de certains pionniers vers par vers, et expliquera le sens et la portée de chaque mot prononcé, de chaque lieu cité.

C’est avec une maîtrise consommée, fruit de longues années de recherche en la matière que l’auteur de cet essai décortique et dissèque la chanson kabyle de l’exil.

Dans le chapitre consacré au déracinement, Rachid Mokhtari explique avec force textes comment cette chanson, dès son début, a eu un effet cathartique sur les émigrés. Car, si les poèmes de Si Mohand U Mhand expriment "la déroute", pour l’auteur "la fonction principale du chant de l’émigré de cette époque était de prévenir le déracinement, la perdition en terre étrangère".

Ce chant était une espèce de thérapie à la solitude qui rongeait les expatriés. Il s’agissait pour ces chanteurs de faire ressortir "cet affect tourmenté et fissuré" et le transcender avec des mots ayant une forte charge affective et symbolique. Les premières vagues migratoires vers la France étaient exclusivement masculines.

Donc, aux prises avec le déracinement et la solitude, la femme laissée au pays était un repère sûr et pérenne. À ce titre, les chanteurs de l’exil ont créé tout un répertoire et un imaginaire peuplé de ces femmes qui symbolisent l’identité, le pays, l’honneur et ce en opposition à Tarumit. "La Française" qui représente la rupture avec le terreau ancestral et identitaire "les artistes ont sublimé le personnage de la femme natale qui acquiert dans le domaine particulier de la chanson un visage multidimensionnel". Dans son "essai d’éclaircissement" sur les instances vocales, l’auteur expliquera longuement les mécanismes de fonctionnement des premiers duos constitués dans les années 50. Seulement, il relèvera – et cette remarque est de taille – que la chanson de l’exil "se fait à deux voix" car écrit-il, "l’artiste a besoin de voix-relais, de voix compensatoires aux multiples et profondes absences dont il est le catalyseur des manques inséparables".

En effet, après les duos imaginaires de Cheikh El Hasnaoui, l’on assistera dans les années 50 aux premiers duos physiques, notamment celui de Slimane Azem et Bahia Farah dans l’immortelle chanson "Atas isebragh". Entre les deux rives de la Méditerranée des dialogues pathétiques et émouvant s par leur détresse ont été construits par ces chanteurs.

Dans ce livre, l’on pourra lire aussi, une série de portraits brefs mais riches des chanteurs ayant marqué la première moitié du siècle dernier, notamment, Moh Said Oubelaïd, Zerrouki Allaoua, Hacène Mezani...

Outre tous ces illustres noms que Rachid Mokhtari a désormais tirés de l’oubli, combien reste-t-il encore à fixer sur du papier et à protéger des caprices de la mémoire ?

En dernier, l’auteur finit son essai avec une critique acerbe du livre de Tassadit Yacine, Chérif Kheddam ou l’amour de l’art. De nombreux concepts mal utilisés et éléments biographiques occultés seront relevés par Rachid Mokhtari.

Ce livre, qui offre une étude kaléidoscopique de la chanson d’expression kabyle de l’exil est le premier en l’espèce et il n’est pas des moindres. À lire de ce fait.

Hamid Arab

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PS : Tassadite Yacine est une anthropologue confirmée, professeur à l'Ecole des Hautes Etudes. A la pointe du combat identitaire, elle a écrit de nombreux ouvrages et articles universitaires.

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 Aux sources du chant kabyle  nouveau
Amirouche 2002-03-01 12:16:23 

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