Auteur: Ullial
Date: 2001-04-26 09:43:48
LIBERATION (AUJOURD'HUI)
Depuis six jours, des émeutes embrasent la région.
Par JOSÉ GARÇON
es forces de l'ordre ont tiré, hier, près de Bougie et à Bardacha, faisant trois morts et plusieurs blessés parmi les jeunes qui manifestaient. Six jours après les faits, le meurtre du jeune Mohamed Guermah (20 ans), abattu de sang-froid le 19 avril dans la gendarmerie de Beni Douala, n'en finit pas d'embraser la Kabylie. Comme si les excuses du chef de la brigade de gendarmerie et la suspension d'un responsable de la sûreté de Béjaïa étaient arrivées trop tard. Comme si cet assassinat n'avait été que la goutte d'eau qui fait déborder le vase du chômage et de la mal-vie. «C'est contre la hogra (le mépris) et la corruption que nous nous battons», scandent les manifestants.
Nouveau slogan. Plusieurs localités des willayas (préfectures) de Bejaïa et de Tizi-Ouzou se sont ainsi enflammées mardi et mercredi. A Amizour, El-Kseur, Sedouk, Sidi Aïch, Timezrit, Beni Djellil, Akbou, Semaoun, Tazmalt Ouzellagen, Barbacha, Féraoun, Souk el Tenine, des centaines de jeunes (des écoliers et des lycéens), ont investi les rues, parfois rejoints par des adultes, avec les mêmes slogans: «pouvoir assassin», «fils de Bouteflika», «vérité et justice». Mais le plus étonnant reste l'apparition d'un mot d'ordre inattendu dans une région peu encline à sympathiser avec les islamistes: «l'armée, le peuple avec toi, Hattab» (Hattab est le chef du GSPC, groupe armé islamiste qui affirme s'en prendre aux seules forces de l'ordre et non aux civils, ndlr). Ce slogan seul exprime l'exaspération d'une jeunesse face à l'absence de perspective et le refus de la reconnaissance de tamazigh, la langue berbère.
Balles réelles. Dans presque toutes ces localités, et particulièrement à Amizour, les émeutiers ont saccagé ou incendié édifices publics, réverbères, bureaux et logements de fonction, pendant que police et gendarmerie ripostaient à coups de lacrymogènes. A El Kseur, cette intifada a pris un tour plus violent hier et mardi quand les brigades antiémeutes ont tiré à balles réelles, faisant plusieurs blessés, dont quatre graves. Pour tenter de ramener le calme et de canaliser la colère des émeutiers (qui échappent à tout parti politique) étudiants et lycéens ont appelé à une grande marche aujourd'hui à Tizi-Ouzou. Avec pour seul mot d'ordre: «Vérité et Justice pour Mohamed Guermah».
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