Auteur: amirouche
Date: 2001-03-22 12:47:40
AZUL a ilmazyen, tilmazyin,
La suite de l'article déjà entamé (voir au-dessous). Bonne lecture.
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Les parents qui délèguent l'éducation de leurs enfants à l'école sont, eux-mêmes, victimes d'un malentendu dû à la confusion entre la culture qui structure l'âme d’un enfant (son appartenance à un groupe ethnique) et le contenu d’un savoir scientifique, résultat d'hypothèses réfutables, de dispositifs techniques, d'enjeux économiques et sociaux.
Récemment, une assistante sociale me confiait qu'un père kabyle abordait le fait de ne pas retourner en Kabylie car ses enfants (nés et ayant grandi au pays) ne lui ressemblaient pas : cela montrait à quel point il ressentait la cassure culturelle entre ses enfants et lui. Le paradoxe est qu'il se sent plus kabyle en France que ne le sont ses enfants vivant au pays.
Jusqu'à ce jour, j'étais sensibilisé à l'autre version concernant un père proche de ses racines face à ses enfants vivant en France, en rupture avec leur milieu familial. Lorsqu'un père ne ressent plus la continuité dans la transmission entre lui et ses enfants, ce peut être le moment d'une névrose traumatique ou d'une maladie.
En Algérie, le système patrilinéaire, articulé autour de la notion de l'ancêtre a été remis en cause, notamment par l'Islam réformiste (Islah de Ben Badis) devenu, depuis l'indépendance, une doctrine du pouvoir.
La disparition de l'ancêtre laisse les enfants seuls face à leurs parents. La fondation à partir d'un point "zéro" d’une nouvelle lignée devenant impossible, le risque de violence entre des parents "ogres" et des enfants "sauvages" est constamment présent, éclate et se manifeste à plusieurs niveaux (Dieu, Etat, Ethnie, Famille, Etrangers)
Le blocage de la transmission dans notre pays s'exprime par une lutte sans merci entre les générations, sans possibilités d'intercession et de médiation entre, d'une par des sous-groupes entre eux(hommes/femmes,jeunes/vieux,unilingues/plurilingues ... ) et ces mêmes sous-groupes et régions face à l'Etat, d'autre part. Ces groupes et sous-groupes d'appartenance s'appréhendent à travers une catégorisation moderne excluant ou refoulant les logiques endogènes. De ce fait, ils deviennent inaccessibles à nos systèmes de médiation culturelle.
En Fiance, on pense communément que des identités minimales sont moins susceptibles de créer de la violence que des appartenances fortes. En réalité, pour ce qui concerne les populations provenant du Sud, une identité profonde et complexe est au contraire porteuse de paix sociale : elle constitue un enrichissement pour la culture du pays d'accueil et dispose de ressources qui sont autant d'atouts mobilisables pour toute négociation avec les autres univers culturels. En revanche, les radicalismes religieux et idéologiques sont générés par des identités laminées qui ne tiennent que par leur opposition violente à d'autres cultures.
Pour conclure, je dirais qu'un énorme décalage existe entre une majorité d'intellectuels, de militants et ceux qu'ils sont censés représenter. Partis un jour, à la conquête des techniques et du savoir de l’autre, captifs ou égarés, ils en ont oublié le chemin du retour. A ce propos, Ait Menguellet chante : "A yabrid itsun medden yemghid lehchich di later-ik" ...
Agressée de toutes parts, la culture kabyle ne parvient plus à reproduire certaines fonctions indispensables à sa régénération. Certains schèmes mentaux véhiculés par la culture française comme la négation des ethnies, l'abrasion des langues et le refoulement du sacré entraîne un nivellement de la pensée et de la complexité, fractionnant et éloignant la communauté de ses élites.
De véritables systèmes de pensées sont disqualifiées et reléguées par nos intellectuels dans la catégorie des croyances et des traditions dépassées, obéissant ainsi au grand partage du monde opéré par le paradigme dominant entre ceux qui croient et ceux qui pensent.
Dans l'espace politique, saturé de malentendus créés par des manipulations de toutes sortes, je sais qu'il est difficile de tenir un discours nouveau sur la spécificité : les régimes autoritaires du Sud l'utilisent pour justifier leur refus de la liberté (arabo-islamisme, socialisme, démocratie responsable ..), l'Occident n'hésitant pas, de son côté, à invoquer un infranchissable fossé culturel quand cela lui convient ou, à l'inverse, entreprend la dilution définitive des communautés migrantes dans le solvant universel d'un humanisme abstrait fondé sur l'existence des individus seuls face à l'Etat.
Daya igellen deg awalis
qimet di telwit
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