Auteur: Amirouche
Date: 2001-01-03 11:19:32
Au sortir d’une guerre sanglante et catastrophique pour la Kabylie, la seule reconnaissance auquelle elle avait eu droit, c’était l’envoi des chars dans les montagnes pour mater sauvagement la rébellion (1) qui ne reconnaissait pas les usurpateurs du pouvoir par la force. Toutes expressions kabyles étaient suspectes. Non content d’avoir dépossédé les Kabyles d’une victoire méritée sur le colonialisme au prix de milliers de morts, Ben Bella (2) ordonna de fondre le seul jeu de caractères tifinagh (écriture berbère) de l’imprimerie nationale. Quant à l’orientation donnée à la culture nationale, un dirigeant du FLN sous le régime de Boumedienne (1965-1978) la résume dans ses propos : « En Algérie, le problème de la langue berbère sera résolu quand les enfants au retour de l’école ne comprendront plus leurs parents et réciproquement.»(3) Nous n’allons pas lister toutes les directives portant sur l’arabisation des institutions de l’Etat de façon volontariste et démagogique. Toute une génération de cadres francisants d’une grande compétence se sont retrouvés petit à petit éjectés et remplacés par des coopérants orientaux d’un niveau très douteux. La faillite de l’école était programmée. La jeunesse est livrée à elle même, en perte de repères culturels et identitaires, elle défraie la chronique à partir de 1992…
Ce qui est intéressant à relever, c’est la substitution structurelle de l’Etat national à l’Etat colonial. Ce dernier lègue une idéologie de la langue nationale qui va faire de l’Etat national son vrai héritier en matière de centralisation et de volonté glottophage à l’égard du berbère. Au nom de l’arabisme, l’Etat national va reproduire la politique linguistique française depuis plus de deux siècles. De ce point de vue, l’arabisme est un pur mimétisme de l’idéologie jacobine.
Si la politique culturelle de l’Algérie peut être analysée à la lumière de la politique d’arabisation menée depuis trente ans, en France c’est plutôt la conception réductrice de l’intégration qui en donne les contours.
A SUIVRE
1 - Cette histoire n’est pas encore écrite où déjà des dizaines de combattants tombaient sous des balles assassines tirées par des Algériens repus et bien armés rentrés des frontières (Maroc et Tunisie). Des centaines de combattants, des hommes valeureux et intègres, sont tombés au champs d’honneur pour une réelle démocratie, pour une Algérie algérienne, pour une vraie légitimité historique, et ne sont toujours pas réhabilités par le pouvoir, ignorés par l’histoire officielle.
2 - Premier président algérien après l’Indépendance. Renversé par le coup d’état de Boumedienne en 1965. Emprisonné pendant des années et gracié par Chadli, il s’est reconnu d’une origine berbère lors du Printemps berbère (1980) à Londres au coté d’Aït Ahmed celui-là même qu’il avait mis en prison lors de sa rébellion en Kabylie en 1963. Depuis, il est devenu un fervent défenseur des intégristes islamistes. Lire auusi L’été de la discorde, de Ali Haroun, Casbah Editions 2000. Dans ce livre, l’auteur met en exergue le funeste rôle qu’a joué Benbella dans l’origine de la dérive du pays actuel.
3 - H. Salmi, ibid.
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