Auteur: webmestre
Date: 2001-10-20 10:52:32
L'africanité de saint Augustin à Fribourg
Patricia Briel
Samedi 20 octobre 2001
«Aujourd'hui, nous sommes préoccupés, heurtés et fragilisés par les événements du 11 septembre. Le dialogue entre cultures et civilisations en devient toujours plus important. Nous devons rappeler les valeurs qui sont communes à l'humanité. Saint Augustin était prédestiné à faciliter ce dialogue.» C'est avec ces paroles que l'ambassadeur de Suisse à Alger, André von Graffenried, a ouvert jeudi soir à Fribourg une exposition 1 consacrée au célèbre évêque d'Hippone (Annaba), qui vécut la plus grande partie de sa vie sur le territoire actuel de l'Algérie. Réalisée dans le cadre de l'Année du dialogue des civilisations proclamée par l'ONU, consacrée à l'africanité et à l'universalité d'Augustin, cette exposition se tient jusqu'au 24 novembre à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, et se déplacera ensuite au Palais des Nations à Genève. Elle offre une suite au colloque international sur saint Augustin qui avait réuni en Algérie 40 savants de 15 pays au début du mois d'avril (lire LT du 31 mars). Ce projet avait été proposé par le président algérien Abdelaziz Bouteflika au conseiller fédéral Joseph Deiss en 1999. Les deux pays ont étroitement collaboré à sa réalisation qui a également impliqué la participation du Haut Conseil islamique, de l'Université de Fribourg et de l'Augustinianum de Rome.
La première partie de l'exposition se concentre sur Augustin, qui naquit à Thagaste (aujourd'hui Souk Ahras) en 354 et mourut à Hippone (Annaba) en 430. Elle se décline en une dizaine d'étapes, qui présentent l'évêque, la vie quotidienne à son époque, ses nombreux voyages, ses œuvres, notamment les Confessions, traduites dans le monde entier, sa redécouverte au XXe siècle, les revues qui lui sont consacrées, et l'histoire de la publication de ses livres. Des panneaux illustrés de photographies et accompagnés de textes en français et en arabe guident le visiteur.
A déambuler d'un panneau à l'autre, on a une vision de l'importance et de l'omniprésence du plus grand des Pères de l'Eglise latine à travers les siècles. Ses œuvres n'ont jamais cessé d'être copiées, imprimées et traduites. Les bibliothèques de Suisse, dont celle de Fribourg, possèdent d'ailleurs de remarquables incunables des écrits de l'évêque. On pourra ainsi admirer le cinquième volume de ses œuvres complètes, imprimé en décembre 1529 par un éditeur bâlois. La postérité de saint Augustin a non seulement été assurée par l'imprimerie et les études qui lui ont été consacrées, mais aussi grâce à ses lecteurs, dont certains sont célébrissimes. Dans ce panthéon figurent Pascal, Thérèse d'Avila, Rousseau, Camus, Jacques Derrida et Chessex, dont le dernier livre, Monsieur, est exposé.
Un souci constant domine l'exposition: la volonté de créer des ponts entre le passé et le présent, le particulier et l'universel, l'Algérie et la Suisse, l'@!#$ et le christianisme, l'Orient et l'Occident. Dans le contexte mortifère actuel, la pensée de saint Augustin se révèle singulièrement moderne: l'évêque est l'auteur d'une remarquable Charte de la paix, dont on retrouvera les dix points sur un grand panneau.
La seconde partie de l'exposition, Augustin en terre d'@!#$, comprend une vingtaine de photos noir-blanc, accompagnées chacune d'une photo en couleurs. Toutes sont signées Michael von Graffenried, le photographe suisse, par ailleurs cousin de l'ambassadeur, qui a réalisé d'importants travaux photographiques sur l'Algérie des années sombres (Guerre sans visage) et dont Le Temps publie une œuvre chaque samedi. L'usage du noir-blanc et de la couleur permet ici également un jeu de va-et-vient entre le passé et le présent, entre les ruines et les hommes d'aujourd'hui, entre l'éternité et l'instant.
Le projet sur l'africanité et l'universalité de saint Augustin prévoyait aussi la publication d'ouvrages soutenus par la Confédération et l'Université de Fribourg. Celui de l'archéologue algérienne Sabah Ferdi 2 est paru récemment. Illustré de photographies, il retrace la vie de l'évêque en Afrique lorsqu'il y retourna après s'être converti à la foi chrétienne à Milan. Quant aux actes du colloque, ils seront publiés en 2002.
1. «Saint Augustin. Africanité et universalité». Bibliothèque cant. et univ. de Fribourg. Jusqu'au 24 nov. Lu-ve 8-22h. Sa et veilles de fête: 8h-16h.
2. Sabah Ferdi, «Augustin de retour en Afrique 388-430. Repères archéologiques dans le patrimoine algérien», Musée de Tipasa, Algérie, Editions universitaires, Fribourg, 176 p.
|
|
